jeudi 22 mars 2018

Un peu, beaucoup, intensément aimé

Vous le voyez sur l’image, il s’agit du roman La porte de Magda Szabó.

Découvert via le blogue de Madame lit où il était question surtout d’Abigaël d'une auteure hongroise que je ne connaissais pas. Mais comme Abigaël n’était pas libre à la BANQ, j’ai choisi La porte dont on dit également du bien à peu près partout.

Dès le premier chapitre, après avoir lu ceci :
« J’ai vécu avec courage, j’espère mourir de même, avec courage et sans mentir, mais pour cela, il faut que je vous dise : c’est moi qui ai tué Émérence. »
j’étais bien accrochée comme un poisson qui frayait tout de même dans une eau assez profonde si on considère les livres que j’ai commencés sans les terminer ces dernières semaines.

N’allez pas croire que c’est un polar. C’est le portrait d’une femme. Une femme de ménage, une sorte de concierge de tout un bloc de maisons. Elle n’est même pas attachante comme Anne Frank, ni méchante comme Tatie Danielle, ni fielleuse comme Nelly Arcan. Je n’aurais pas voulu la rencontrer dans la vie ni surtout devenir son amie ou sa proie. Elle aime donner sans jamais rien accepter en retour, elle engueule la romancière comme c’est pas permis. On continue de lire non pas tant pour voir qui va enfin la remettre à sa place, mais pour voir pourquoi elle cherche querelle à tout le monde et pourquoi elle n'ouvre pas cette satanée porte.

Les chapitres sont denses, les dialogues rares, en fait Émérence parle et la romancière écoute ou plutôt encaisse les rebuffades tout autant que le chien Viola qui pourtant veut toujours retourner vers la concierge.

J’emprunte à Naïm Kattan un meilleur résumé :
« Afin de pouvoir se consacrer librement à son écriture, la romancière, qui vit avec son mari, engage une aide-ménagère, Emerence, qui est le personnage central du roman. Femme aussi solide qu’insaisissable, aussi efficace que mystérieuse, elle agit comme concierge, balaie la neige et est entourée des voisins. Or, sa propre porte reste close et elle interdit l’entrée dans sa maison à tout le monde. Réservée, taciturne, elle fait le ménage chez les Szabo et s’occupe de leur chien Viola. »
Naïm Kattan, Le Devoir 6 décembre 2003
J’avais oublié combien j’aime les biographies. Les vraies ou les fictives. J’aime les portraits, les histoires à un seul personnage. Comme Le père Goriot de Balzac, comme Madame Bovary de Flaubert, comme Alexandre Chênevert de Gabrielle Roy. Si l’auteur tient absolument à me situer le personnage dans une époque et un lieu, je veux bien, comme ce roman qui se situe en Hongrie, dans les années 50 je dirais, mais ce n’est qu’un décor bien secondaire. Ça pourrait se passer ailleurs et en un autre temps. Donc le lecteur est bien concentré sur le personnage sur la relation entre la narratrice qui écrit au je et cette Émérence qui nous surprend par son intransigeance, son amour des animaux, et sa porte… fermée.
Et même si j’avais bien hâte de voir pourquoi la narratrice affirme l’avoir tuée, je n’ai pas passé une page, pas un mot.
 
J’ai intensément aimé.
J’attends Abigaël.
Entre-temps Les querelleurs de France Théoret.

Blogue littéraire de Madame lit >>> 

mercredi 14 mars 2018

La banshee est de retour

Bientôt la Saint-Patrick, le 17 mars. Pendant cinquante ans, ce jour-là, cette fête-là, ce saint-là, cette référence-là à l’Irlande m’étaient complètement indifférents. Parce que ma mère fredonnait à l’occasion When Irish Eyes Smiling, tout comme elle fredonnait bien d’autres airs qui n’avaient rien à voir avec l’Irlande, oui je savais qu’on avait du sang « vert » dans nos veines, mais sans plus. Un huitième de sang irlandais, c'est quoi?

Et puis en 2004, je parcourus le cahier-livre de ma grand-tante et c’était parti, j’allais écrire l’histoire de Bridget et de Denis, mes arrière-arrière-grands-parents.
Il aura fallu sept ans pour qu’un éditeur s’y intéresse.
En 2015, parution du deuxième tome.
En 2016 : présentation du dernier tome. Refus. Deux révisions. Deux refus.
En 2017 : présentation à huit éditeurs : quatre refus, quatre sans réponse.
J’ai décroché. J’ai renoncé. J’ai attendu. J'ai continué d'accumuler les titres, j'en suis bien à une cinquantaine sans qu'aucun ne me satisfasse complètement. J’ai fait autre chose parce que j’ai quand même une vie!
La Saint-Patrick me ramène le troisième tome qui me hante comme une banshee. La nuit, les dieux de la lune me tiennent éveillée et m’assaillent de phrases. Des phrases, oui, mais pas l’ombre d’une petite idée de restructuration ou d’intrigue enlevante qui satisferait un éditeur. Ni de titre qui tient plus qu’une aube.
Me faudra-t-il attendre encore sept ans?
Ce huitième de sang irlandais m’a-t-il rendue entêtée? Comme une histoire tissée depuis cinq générations et qui ne me sortira pas de la tête tant qu’elle ne sera pas inscrite dans un livre?


L’auteure qui a besoin d’aide

On dit souvent aux auteurs de s’adresser à la bonne maison d’édition pour publier leur-s manuscrit-s.
Il n’est pas si facile de dénicher le bon créneau éditorial, surtout que les jeunes maisons d’édition recherchent un style différent, une voix nouvelle à la langue familière, une structure comme dans une recette déconstruite, bref rien qui colle à mon roman. Et les autres, ceux qu’on affuble du terme de généralistes comme s’il ne publiaient pas de la « vraie » littérature, eh bien à ceux-là, mon manuscrit ne semble pas leur convenir non plus!

Plusieurs auteurs offrent des ateliers d’écriture. Plusieurs entreprises également. Mais si on peut connaitre les spécialités de ces dernières : science-fiction, carnet, roman; si on trouve leurs procédés : exercices, lectures de texte; et si on peut savoir quelle clientèle ils visent : débutant, professionnel, il est plus difficile de trouver la personne ou l’entreprise qui collera à notre style, qui répondra à des questions non pas générales, mais bien précises, non pas des théories, mais des exemples applicables à mon manuscrit.
À la suggestion d’un éditeur, j’ai cherché qui, dans l’association des auteurs dont je fais partie, pourrait m’aider, avec qui je pourrais travailler. Quel auteur.e écrit le même genre de roman que moi? Je devrais lancer un appel à tous parce que je n’ai pas trouvé qui saurait vraiment m'accompagner dans une nouvelle version.

Et finalement, il me semble que ce n’est pas un auteur qu’il me faut, tout publié, tout pédagogue soit-il, c’est un.e mentor. Comme un directeur littéraire ou une directrice littéraire. Indépendant ou non. Je ne lui demande pas de m’assurer de la publication, mais presque.


Autres possibilités

L’agence Alinea: j’ai connu Marie-Paule Villeneuve quand elle travaillait au journal La terre de chez-nous, j’ai lu et aimé tous ses livres. Elle m’avait fait confiance pour la rédaction des reportages. Mais je ne me décide pas. Méandres de mon hésitation : 
1- le site de l’agence n’a même pas de nom de domaine, le site n’a pas changé depuis sa création 
2- je trouve bizarre que le nom de son agence se retrouve dans le site des éditeurs réunis/JCL 
3- si Alinéa m’aidait, mon manuscrit aurait-il plus de chance chez cet éditeur qui a déjà refusé mon manuscrit?
L’Uneq offre un service de parrainage, mais le candidat ne doit pas avoir publié plus d’un ouvrage, ce qui n’est pas mon cas.
Le camp littéraire Félix : bien tentant, mais je n’ai pas envie de passer une semaine en compagnie d’autres auteurs, et de parler d’autres manuscrits. Donc, ce serait du mentorat personnel. Pour cela, il faut écrire à la direction.
Il y a aussi Mini-génie dans les Laurentides, Le pigeon décoiffé à Québec et Montréal.
Vais-je tous les contacter? Tous les essayer?

L’auto-édition ou le compte d’auteur

Il y aurait éditions Veritas, les éditeurs associés, Bouquibec et plusieurs autres.
Mais, encore un, mais, toujours un mais.
Ce n’est pas ce que je veux. Je ne veux plus/pas m’engager dans la promotion, dans la distribution, m’assoir derrière une table dans tous les salons petits et grands, le sourire figé et la plume en attente.

Et puis pourquoi passerais-je par ces entreprises quand j’ai un certain talent de graphiste : je suis capable de monter le livre, d’aller chercher l’ISBN (c’est gratuit), de le préparer pour un imprimeur. Je connais Gauvin à Gatineau ou Caïus à Montréal. Je peux être ma propre éditrice. Je l’ai déjà été. Surtout qu’aujourd’hui, on peut faire imprimer à l’unité. Cinquante livres me satisferaient amplement. Je ne sais pas éditer des e-pub, mais un pdf, oui.
Sauf qu’il ne serait pas en librairie, n’aurait que la seule visibilité et promotion que je ferais. Mais quand on y pense, certains livres publiés chez certains éditeurs n’ont guère plus de visibilité.

Banshee, quelle mort m’annonces-tu depuis tant de temps?
Pourquoi ne me laisses-tu pas tranquille? 

jeudi 8 mars 2018

Des images et des mots de femmes

Sue Mills, Annie Cloutier, Clarissa Pinkola Estes

En cette Journée internationale des femmes, je vous suggère une activité, un billet de blogue et un livre.
L’activité : une exposition sur les femmes immigrantes de la photographe Sue Mills, le vernissage est ce soir, à Saint-André-Avellin.

http://culturepapineau.org/exposition/etre-femme-immigrante-quebec/

Le billet de blogue : un texte bien senti sur la relation entre une mère et sa fille. D'Annie Cloutier.

https://annieetlasociologie.wordpress.com/2018/03/07/courir-parmi-les-louves-sefforcer-de/

Le livre (à part Grosse de Lynda Dion sur lequel j’ai encore quelques petites choses à dire mais ce sera pour un autre jour) : je l’ai vu sur le blogue d’Annie Cloutier. Je ne l’ai pas lu encore, très difficile a dénicher, c’est Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estés. Tout ce que j’ai lu au sujet de ce livre, en plus des nombreux extraits que j’ai pu trouver, m’intrigue et m’attire.

https://www.grasset.fr/femmes-qui-courent-avec-les-loups-9782246498513

jeudi 1 mars 2018

Grosse de Lynda Dion

Lynda Dion, en parlant des femmes qui l'inspirent, écrit :
« c’est Anne Sylvestre
c’est Hélène Cixous
c’est Virginie Despentes
c’est Marilyn French
c’est Nicole Brossard
c’est Benoîte Groult… »
et plusieurs autres aussi.
Que j’ai lues moi aussi
qui m’ont marquée moi aussi.
J’ajoute «c’est Hélène Dorion, c’est Louise Dupré, c’est Madeleine Gagnon»
et depuis son tout premier roman, La dévorante, j’ajoute «c’est Lynda Dion».

Je l'ajoute pas que pour le sujet de son tout récent Grosse
mais pour l’ensemble de l’œuvre.
Pour le style, pour le comment elle dit les choses, pour la puissance des phrases.
Sans les virgules sans les points, je ne suis pas capable de lire plus de quatre pages de Marie-Claire Blais alors que je pourrais lire encore et encore toutes les pages, tous les mots, tous les espaces, tous les murmures de Lynda Dion.
Son souffle devient le mien.


Pour les sujets aussi : être femme, être maîtresse, être désir, être grosse, être écrivaine, être soi
chaque fois, elle réussit à trouver une résonance en moi (et probablement en bien d’autres) et c’est là sa force et le succès de son écriture toute personnelle.

Ses dessins, si elle en avait besoin pour illustrer pour se libérer pour compléter pour montrer, bon, d’accord.
Sauf la page en noir : très efficace
mais pour moi, en tant que lectrice, je n’en avais pas besoin. Les mots, ses mots me suffisent amplement.

Je voudrais être plus qu’une lectrice
que ma voix soit importante, fasse écho, porte loin
et pas seulement tout de suite parce que le roman vient de sortir
pas seulement pendant trois mois dans les librairies.
Pas pour moi, mais pour elle
que le nom de Lynda Dion s’ajoute à ceux qu’elle nomme.
Un nom qui a du poids (ou c’est un titre percutant ou c’est maladroitement facile comme un mauvais jeu de mots)
et qui aura de la durée je n’en doute pas.
Qu’on se souvienne de Monstera Deliciosa, de La Maîtresse, de La Dévorante et maintenant de Grosse.
La littérature, pour moi, n'est pas dans le sujet,mais dans l'écriture.

Mais finalement, je sais bien qu’elle n’a pas besoin de mon commentaire, que ses livres vont faire leur chemin par leur propre valeur
alors lui dire mon admiration, lui dire merci, lui dire encore.
Comme si j’étais une élève à qui elle enseigne
elle me montre le chemin de l’écriture, celle de l’autofiction, comme une directrice littéraire, comme un professeur.

Je ne lis pas ses livres, je les épluche.
Je les relis comme les jeunes écoutent une chanson en boucle
jusqu’à trouver mon chemin qui, s’il jaillit du sien, sera le mien.

Mais on peut aussi le lire pour des dizaines d’autres raisons.
Dites-moi les vôtres.

mardi 27 février 2018

FemmExpo : pouvoir autrement


Le 3 mars prochain,
(qui fête son dixième anniversaire) 
présente l’exposition FemmExpo.

Sous le thème Pouvoir autrement
l’exposition présentera 39 œuvres de femmes artistes provenant de partout en Outaouais et d’ailleurs.

Autant d’œuvres, 
autant de visions, 
autant de pensées, 
mais toutes sûrement créées avec le même espoir 
de vivre non dans le pouvoir mais dans l’autrement.

Louise Falstrault a présenté une œuvre qui m’a inspiré ce texte.



Pouvoir autrement
C’est regarder au-delà des barrières
qu'elles soient de métal ou de bois
de paroles, de langue ou de rois
S’ouvrir vers demain
Voir loin
Aller vers l’autre
Sauter les obstacles, vaincre les préjugés
Tendre les mains
Ouvrir les bras
S’élever sans écraser
C’est dire #moi aussi et respecter les personnes dans leur choix,
quel qu’il soit
C’est ne pas juger
Ce n’est pas se battre contre, c’est s’allier
C’est écouter, nuancer
C’est chercher à comprendre et pas essayer de tout prendre
C’est créer
C’est marcher pour manifester
C’est écrire
Pour dire, pour s’exprimer
C’est prendre la parole
Écrire sur les murs
Sortir du fond de nos tiroirs ou de nos placards
C'est se frayer un chemin à travers les bois
Marcher sur les roches, se blesser sur les cailloux
Ne plus avoir peur
Dire, mais aussi écouter, questionner
C’est lancer un cri d’espoir
Pas réclamer à cor et à cri
Ni à tort et à travers
Pas chialer, pas condamner
Mais nuancer, clarifier
Tourner sa langue sept fois avant de twitter
Publier seulement le vrai, l’authentique, si possible pour diffuser
dénoncer publiquement
réclamer ouvertement
À sa façon, en respectant qui on est
C’est mettre au monde
Créer des liens entre tout ce qui vit sur la terre
Peu importe la couleur, peu importe la matière
Faire des alliances, des alliages
Tous vivre ensemble comme les roches, le bois, les minéraux, les plantes
Dire non, ensemble
Dire oui, ensemble
Dire oui, j’ai peur
Mais dire oui, je peux







vendredi 16 février 2018

Petit bonheur matinal

Le bonheur est parfois si facile. Dans mon cas, il tient parfois, souvent à un livre.

Dans les médias, je surveille tout ce qui se rapporte à la littérature. Et dans l’ordre de mes intérêts, le cinéma n’est jamais bien loin. Aussi, ce matin, j’ai lu attentivement l’article sur le film qui sortira bientôt au Québec : Les gardiennes. Quand j’ai lu « un film de Xavier Beauvois, d’après le roman d’Ernest Pérochon », quel mot croyez-vous a retenu mon attention? Le mot « roman ». Que croyez-vous que j’ai fait?
film de Xavier Beauvois

Évidemment je me suis ruée sur Google, jamais bien loin, toujours un onglet ouvert sur ma tablette. J’ai cherché le nom de cet auteur que je ne connaissais pas. J’ai appris qu’il avait remporté le Prix Goncourt en 1920, pas pour ce roman, mais pour Nêné. Un auteur vite oublié devant le Goncourt de l’année suivante : Marcel Proust.

D’après l’article, les photos, la couverture de la nouvelle édition, l’histoire se déroule à la campagne. J’aime déjà. Il y aura plus de silence que de bruit, plus d'arbres que d'asphalte. Déjà aussi, je pressens l’atmosphère, l’odeur des champs, la lenteur de la vie. Que l’actrice principale soit Natalie Baye était secondaire pour moi tout en offrant une promesse de succès. Ce qui m’intéressait c’était le roman. J’ai vu qu’il avait été réédité au cours des ans, ce qui présupposait de sa notoriété. Je ne pouvais me réjouir de cette réédition pour l’auteur étant donné qu’il est décédé en 1942, donc probablement plus de droits d’auteurs à ses descendants, mais alors un bon coup pour l’éditeur.

Comme la BANQ n’a pas encore obtenu le roman en numérique, j’ai cherché sur ma liseuse. Grâce à ma Koko, j’ai pu obtenir l’extrait de plusieurs pages.

Sous le titre : terroirs classiques. Déjà, j’avais un petit faible.
« La plaine s’étend, monotone, à perte de vue; quelques haies d’épines y poussent et quelques noyers, trop rares pour arrêter le regard. »
« Un beau soir favorable à la besogne »
« Avez-vous entretenu le feu de nos maisons aimées? […] Servez-moi les fruits de mon verger et versez dans mon verre le vin de ma vigne. »
Un délice. Une chanson douce. Une lecture jouissive.
Un bonheur.

Et un vocabulaire du terroir qui ravive les années 1920, en France. Comme un retour dans une vie que j’aurais vécue, toute rude soit-elle. Des personnages que j’aurais envie de côtoyer, d’écouter me dire leurs silences et leurs misères. Des caractères bien campés que j’aimerais tellement créer.

C’est comme si je retournais voir mes grands-parents qui, pourtant, n’ont connu ni la campagne française, ni le dur labeur des champs, ni les maisons de pierres humides et encore moins la guerre de 1914.

Pourquoi j’aime autant… je ne saurai jamais. Ou je me connais mal. Ou je n'ose penser à la réincarnation.
Et si ce bonheur survient tôt le matin, je porte sur mon visage un grand sourire toute la journée.

Et vous, quel roman oublié avec-vous découvert parce qu’un réalisateur en a fait un film?

Si la bande annonce du film vous intéresse>>>

mardi 13 février 2018

Ces auteurs homonymes

Comme j’ai moi-même un « jumeau » auteur, le sujet de l’homonymie chez les auteur. e. s m’intéresse. Sur Facebook, la semaine dernière Annie Perreault s’interrogeait sur le choix de son nom de plume. Une discussion fort intéressante s’ensuivit au cours de laquelle nous avons appris qu’il y eut un autre Robert Lalonde et une autre Marie Laberge.

Finalement, Annie Perreault ajoutera l’initiale J à son prénom pour se distinguer de son homonyme.

Mais l’idée était semée. La curieuse-fouineuse que je suis était partie à la recherche des auteurs homonymes. Je me contente des Québécois pour l'instant. Loin de moi l'idée de comparer les œuvres entre elles, je ne juge pas, je ne critique pas, je note simplement et je me demande s’il y eut incidence sur la carrière des uns ou des autres. Comme celle de tomber dans l’oubli. Ou si la confusion est minime pour les libraires et les lecteurs/lectrices.

Pour publier les photos des personnes, il m’aurait d’abord fallu demander la permission à tous les photographes ou les auteurs qui possèdent les droits de reproduction. J’ai donc préféré chercher une de leurs œuvres plus libres de droits.



Robert Lalonde

Le premier est né en 1936. Il semble venir du nord de l’Ontario et avoir écrit de la poésie surtout. Il a publié aux éditions du Saule dont je n’ai pas trouvé la trace. Est-ce de l’autoédition? J’ai trouvé les titres : Les complaintes du vent, Les terres du songe, L’amour au jour le jour, Les contes du portage, Les contes de la lièvre.

L’autre, le comédien bien connu, est né en 1947, à Oka, et on ne compte plus ses publications, chez Boréal surtout.
J’adore ses « carnets littéraires » où le lecteur flâne avec l’auteur au lieu de chercher les intrigues qui doivent absolument tenir en haleine. La liberté des savanes, paru en 2017, est un bel exemple.


Marie Laberge

Née en 1929, elle a étudié aux Beaux-Arts, peut-être a-t-elle été plus connue dans le domaine des arts, mais elle a tout de même publié huit recueils de poésie. Elle a reçu le Prix du Maurier pour son recueil de poèmes Halte en 1965.

Celle qui est née en 1950 et a d’abord écrit pour le théâtre avant de se consacrer aux romans avec le succès qu’on lui connaît. Depuis quelques années, après sa trilogie, elle fait une incursion du côté des polars.



Pierre Ouellet 

Le plus prolifique est professeur, poète, essayiste. Récipiendaire de nombreux prix dont le prestigieux prix Athanase-David pour l’ensemble de son œuvre.
Son dernier roman, À vie, a paru en janvier dernier.

L’autre n’a publié qu’un seul livre, Barbelés. C’est le récit autobiographique d’un homme en prison depuis 40 ans.


Mathieu Fortin

Celui qui est né à Latuque en 1979 est bien connu dans le monde de la science-fiction et fantasy.

L’autre travaille plutôt dans le monde des affaires et publie donc des livres pratiques.

Et même un troisième, qui est professeur de philosophie au Collégial du Séminaire de Sherbrooke a publié En compagnie des Grecs | Une introduction à la philosophie chez Fides.



Annie Perreault
Celle qui est née au milieu des années 1970 a publié, entre autres, L’occupation des jours (Druide), recueil qui lui vaut une mention d’honneur du prix Adrienne-Choquette. Son premier roman, La femme de Valence (Alto) devrait paraître sous peu.

Quant à l’autre, celle qui ajoutera l’initiale J à son prénom, elle a déjà publié Adeline, porteuse de l’améthyste, mais elle compte bien ajouter quelques titres en littérature jeunesse dans les prochaines années.



Camille Bouchard

Le Camille « deux-l-e » est né à Forestville en 1955, auteur de littérature jeunesse surtout, mais pas que. Grand voyageur, il n’hésite pas à écrire des aventures qui se passent ailleurs qu’au Québec.

Le second n'est pas tout à fait homonyme parce qu’il écrit Camil, mais quand on entend son nom, ce n’est pas aussi évident. Il est mieux connu comme analyste politique à Bazzo.tv, mais du temps où il était ministre, il a publié, en 1991, l’essai Un Québec fou de ses enfants.




Claude Lamarche

Quant à moi (née en 1950), quand j’étais jeune professeure et auteure débutante, j’ai déjà accepté de signer Marie-Claude Lamarche sur des livres scolaires, mais en me promettant bien de ne pas recommencer.

Ni l’auteur (né en 1939) du roman Le cœur oublié et Je ne me tuerai plus jamais, ni son éditeur n’ont jamais cherché à entrer en contact avec moi. Et à part les libraires et quelques lecteurs qui confondent les deux, ça ne m’a jamais embêtée que nous soyons deux. D’autant que lui, c’est un il, et moi un elle!

Le saviez-vous?
En vous connaissez-vous d’autres? 
Avez-vous déjà confondu des auteurs? 
Avez-vous eu connaissance de problèmes majeurs?

mardi 6 février 2018

Des traces laissées, des traces suivies

Peut-être aux trois mois, aux six semaines, sans coup férir, sans surtout qu’il n’y paraisse puisque je ne laisse pas de traces de cette récurrence chaque fois, revient le doute de tenir ce blogue. Parfois dans le contenu, parfois dans la forme, parfois dans l’existence même. Peut-être simplement pour me reposer de la neige abondante à pelleter ou me laisser aller à rêver en regardant la forêt tranquille.

Devant l’engouement et la dépendance d’autres plateformes, devant le nombre de commentaires des unes versus celle que je privilégie, je me dis, comme plusieurs autres, que le blogue est dépassé, démodé, qu'il a fait son temps.

Je me demande si vraiment il est la réponse aux refus des éditeurs devant mes manuscrits. Le recul, le pas de côté pour ne pas avoir à me remettre à la beaucoup plus difficile tâche d’écrire un roman. De la paresse, de la fatigue, ou du droit à la liberté de choix?

Ou pire encore, je me demande si je tiens ce blogue, comme l’adolescente en manque d’amour tenait son journal avec ce besoin, comme le titre le dit, de laisser des traces, ne serait pas tout simplement un besoin d’attirer l’attention. Pas que je me crois une TDA jamais diagnostiquée, je n’ai ni problème de concentration ni de difficulté avec mon comportement, quoique… Non mais, aurais-je un besoin sur le bord du maladif, une dépendance à l’expression? Pas tant besoin d’être vue, comme besoin de dire. Et un peu plus, besoin d’être écoutée et/ou lue.

Mieux dit : 
« J’ai besoin de conserver les traces de mes pas et d’intérioriser ce qui a précédé la perte, […] pour ne jamais occulter l’absolue nécessité du chemin d’où j’arrive. »
Recommencements, Hélène Dorion
J’irais jusqu’à dire que s’exprimer c’est dire qu’on existe. Même si je ne connais pas la raison de cette existence. Ou si je l’ai déjà cherchée, je n’ai plus de temps de m’y arrêter. Je la trouve courte, mais tellement courte, la vie! Il me semble qu'hier encore je me promenais à L’abord-à-Plouffe sur la bicyclette de mon frère. Mais non, hier, j’étais à l’hôpital à passer un test sur un tapis roulant. Test que j’ai passé facilement par ailleurs. Mais il était beaucoup plus difficile d’entendre les uns et les autres qui avaient de réels problèmes cardiaques.
Certes, chacun a besoin de s’exprimer. Mais ai-je encore le temps de tout écouter?

Alors, toujours à la recherche de certitudes, je regarde ailleurs des raisons de poursuivre ce blogue, peu importe la raison.
Ainsi, sur Internet, j’ai lu ceci:
« La visibilité des publications du blog est largement plus grande que la visibilité des publications d’une page Facebook […] Un article de blog publié en 2009 peut toujours occuper la première place dans un moteur de recherche pendant 2, 3, 4, 5 ans et plusieurs années de suite pour un mot clé pertinent et attirer des visites. Dans Facebook une publication peut passer inaperçue même dès le premier jour de sa publication parce que c’est Facebook qui décide qui verra votre publication. »
 Source>>> 
Et quand bien même certaines pages Facebook rejoignent près de 10,000 membres en un an, obtiennent des milliers de clics pour un sujet ou une vidéo, si je veux retrouver un sujet… déjà le lendemain, c’est quasi impossible.
Exemple, malgré l’énorme différence de « j’aime », je préfère le blogue de voyage de Diane et Gilles à la page « En Vr pour pas cher » sur Facebook.

Près de dix ans plus tard, je lis toujours avec le même plaisir le blogue de Geneviève Blouin qui le dit elle-même « je veux donner l’impression que vous prenez un café en ma compagnie. »

Il y a aussi la mère Michèle qui n’a pas l’air de se poser le cinquième du huitième de questions que je me pose régulièrement et qui, inlassablement, sans faillir, tient son blogue où parfois, elle ne note généreusement qu’un lien vers un article de journal.
Lu encore:
« Un blogue est un support pour communiquer, fidéliser et fédérer une audience.
Les gens n’en changent pas souvent, et ils les lisent généralement tous les jours avec beaucoup plus d’attention que ce qui défile sur Facebook. »

Et puis, je continue à découvrir de nouveaux blogues qui m’enchantent et que j’ajoute à mon agrégateur Netvibes.
Entre autres, aujourd’hui, le blogue qui m’a inspiré ce billet, qui, à lui seul, me confirme que tant pis si c’est démodé, mais j’en veux encore longtemps des comme celui-là qui me nourrit, me fait voyager dans le temps et l’espace. Et je sais que dans trois jours, trois semaines ou trois mois, je pourrai à nouveau le consulter facilement. 
Il y est question des maisons des écrivains>>>

Et vous, quels blogues aimez-vous encore, quelles traces suivez-vous?
Où laissez-vous les vôtres?

vendredi 2 février 2018

Le temps d'une lune



Il aura fallu le temps d’une lune pour me ramener sur terre.
Sur la terre québécoise, la terre enneigée, la terre des obligations.
De la Floride, après deux mois de vagabondages, de voisinage, de flânage, de bruit et de soleil, je suis partie un 2 janvier frisquet, je suis arrivée au Québec un soir très « frette », mais il aura fallu un bon mois pour que reviennent l’impatience et l’inquiétude en retrouvant le système de santé québécois.
Un bon mois pour retrouver amis, familles, routine quotidienne, repas à la mijoteuse et pelletage. Mais aussi un bon mois pour trouver un roman qui m’intéresserait suffisamment pour que je n’abandonne pas après deux chapitres.

Et je ne l’ai pas trouvé là où je m’y attendais. Loin de là.
Toute une surprise. On me l’aurait dit hier ou avant-hier, j’aurais dit : sûr que non.
Pas une autre traduction. Pas encore des mots d’argot français sur lesquels je bute et qui me dérangent dans la compréhension de l’histoire (J'ai abandonné C'est le coeur qui lâche en dernier de la canadienne Margaret Atwood pour cette raison: au Canada, on ne raque pas des clous et personne n'a pas de ratiches). De plus, pas une histoire de gars, de petits voyous qui fument et pas que des cigarettes, qui volent, qui donnent des coups de poing à la moindre provocation. Je suis plutôt histoires d’amour, relations à comprendre, de mère fille ou de femme compliquée. Des histoires québécoises, bien souvent. Européennes, sans problème, mais qui se passent aux États-Unis — paradoxalement, pour quelqu’un qui aime bien s’y rendre —, de moins en moins.

Mais voilà, ce qui m’a sortie de ma léthargie, ce qui m’a ramené dans la lecture que j’adore, plus vrai pour moi que celui de la quotidienneté, c’est, ai-je cru en lisant le nom de l’auteur, une histoire de gars de moto qui commence à Providence, États-Unis. En lisant un peu sur cet écrivain dont j’ignorais tout (pourtant il doit être assez connu puisque son nom sur la couverture est plus gros que le titre), j’ai compris que c’était un Français et donc, ce n’était pas une traduction.

Que s’est-il passé pour que j’accepte, que j’adhère, que j’embarque, que j’aime et que je m’abandonne complètement dans cette histoire?
Le saurai-je jamais?
Parce que le sujet de la liberté et de l’amitié ne suffit pas à expliquer mon engouement.
« Quand j’ai rejoint Freddy, Oscar et Alex, et qu’on a commencé à parler en fumant nos cigarettes, je ne saurais trop expliquer pourquoi, mais je ne me suis senti chez moi. Mieux que chez moi. Je me suis senti parmi les miens. »
Il faudrait que je creuse pour savoir pourquoi cette histoire m’a happée dès le début. Comme les histoires de chiens abandonnés, oubliés qui marchent des jours, des mois pour retrouver leur maître ou qui se laissent mourir quand ils ne l’ont plus.

C’est pas que l’histoire, pas que le titre, c’est aussi comment c’est écrit. Du dedans.
« Toutes ces phrases que j’écris, j’ai peur que ça s’efface, avec le temps. Le crayon, c’est comme l’amitié, ça tient pas toujours bien. De toute façon, je sais pas trop qui va bien lire tout ça, toute cette foutue histoire. Je sais pas pour qui je me prends, à m’imaginer comme ça que ma vie intéressera quelqu’un pour la lire. »


Ce livre d’une lune retrouvée, c’est Nous rêvions juste de liberté de Henri Lœvenbruck.

Et vous avez-vous déjà lu quelque chose que vous n’auriez jamais cru possible de lire?

dimanche 28 janvier 2018

Dis, quand reviendras-tu?

Il ne m’est pas plus agréable de lire :
« Il n’a pas l’intention de raquer pour des clous. De toute façon, il n’a pas l’intention de raquer du tout […] soit il écrabouille les ratiches du gars »  
(traduction dans C’est le cœur qui lâche en dernier, Margaret Atwood)
que de lire :
« J’ai déjà fait éclater mon iPhone en le propulsant au bout de mes bras, de toutes mes forces. Kin toé. […] Le stress, l’angoisse et la honte m’ont envahie. Carte de crédit pleine. Carte de débit vide. Ostie., ostie, ostie. […] Can’t fight the moonlight » 
Les désordres amoureux, Marie Demers
Une Canadienne-anglaise quadragénaire traduite en France et une trentenaire Montréalaise. Le parler populaire dans les deux cas. Qui me rebute quand c'est dans l'écrit. Je me sens snob de ne pas me retrouver ni dans l'un ni dans l'autre. Me sens nulle à n'aimer que ce qui me ressemble.

Je suis oiseau distrait.
Je volète, je titube, je ne vais nulle part.

Ne me viennent à l’esprit que des phrases insipides. Qui ne veulent rien dire s’il n’y a pas de suite ou de contexte.
Après avoir relu des extraits de L’étreinte des vents d’Hélène Dorion « Un jour on rencontre un être qui nous dit je t’aime comme jamais encore on ne l’avait entendu », j’ai écrit cet incipit romanesque :

Je n’ai jamais dit je t’aime à ma mère. Ni à mon père. Encore moins à mon frère. Ça ne se disait pas, ça ne s’entendait pas, et personne s’en plaignait.
Savais-je même, sentais-je même que je les aimais? J’étais trop occupée de ma vie pour y penser.

Et à la fin de l’histoire, le personnage dirait : Depuis 50 ans, chaque jour, je lui dis je t’aime.

C’est l’hiver, saison du dedans, de l’intimité, ce qui, selon Joyce Carol Oates, est « un trésor pour un introverti ».
Après deux mois de voisinage dans le sud, de brise dans les palmes, de chants d’oiseaux, de bruits de moteurs, j’ai retrouvé le silence de ma campagne. Mais le vide aussi dans ma tête. Les photos sont classées, publiées, le récit a été maintes fois raconté.

Je n’ai plus rien à dire. Rien encore ne m’intéresse suffisamment pour entretenir une longue conversation ou écrire un long billet.
Je volète, je zigzague, je grappille.
Et je n’attends même pas la fonte printanière ni ne surveille le retour des hérons. Je suis juste là, les yeux dans le vague, les oreilles attentives à ce qui pourrait survenir.

dimanche 21 janvier 2018

Suis-je atteinte de tsundoku?

Deux semaines déjà que je suis revenue d’un séjour dans le sud et on dirait bien que je ne m’en remets pas. À quoi je le vois : mes rêves la nuit, mes pensées le jour.

Je suis parvenue à retrouver un rythme à peu près normal pour la plupart de mes activités.
Sauf pour la lecture.

Depuis mon retour, je n’ai pas attrapé de rhume, mais suis-je atteinte de tsundoku?
Un genre de bibliomanie. Accumuler des livres. Y toucher à peine. S’étourdir à feuilleter, à chercher le suivant. Distraite tout le temps. Trop dans ma vie pour m'intéresser à celle des autres?

Livres lus en décembre

En voyage, en décembre, une fois bien installée au « RV park », j’avais réussi à terminer six livres. Deux Musso qui, malgré mes préjugés tenaces, m’ont bien plu. Le dernier Ken Follet égal à lui-même, je n’ai passé que la partie de l’Espagne. Un premier Patrick Modiano pour moi, assez bien pour que j’en lise d’autres. Un Margaret Atwood dont je n’ai lu que la partie de Grace, trouvant que celle du docteur n’apportait rien à l’histoire et finalement un Tatiana de Rosnay parce que j’avais aimé la biographie qu’elle avait écrite sur Daphné du Maurier.







Mais depuis mon retour, rien. J’accumule, j’entasse, je télécharge, j’emprunte. Tout m’attire : les auteurs découverts récemment : Modiano, Claudie Gallay, les auteurs avec qui je renoue : Joyce Carol Oates, Margaret Atwood, les nouveautés, les parutions récentes. 

Rien n’y fait, je n’accroche pas. Je lis quelques pages, un chapitre, un extrait et je passe à autre chose. Quand je ne m’endors pas en bas de la page.
Livres commencés en janvier

Le lendemain, bien reposée, je me hasarde à aborder d’autres histoires que j’espère plus accrocheuses. Non. Même le long extrait du tome 4 de L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante ne me convainc pas de me le procurer sur le champ, ce qu’en d’autres temps, rien qu’à voir le titre, j’aurais fait sans me poser de questions. Il faut dire que le prix élevé du livre me freine.

Quel titre ou auteur réussira à tranquilliser mon esprit, à me faire reprendre un rythme coutumier?

La pile s’allonge.
La convalescence s'étire.

En êtes-vous atteint-e?

mardi 16 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (10)

La remontée, du 2 au 6 janvier

Après un tableau comparatif des pourcentages de neige et des températures sur la 81, à partir d’Hagerstown, plus Ottawa et chez nous, on décide de partir le 2 janvier. Il n’y a que Syracuse qui est à 40 % de chance de «flurries». Il fera froid, mais la chaussée sera sèche, c’est l’important.

Et comme on annonce plus frais et nuageux aussi dans le sud, on a moins de peine de partir.
Échanges de courriels, embrassades, conseils de prudence et souhaits de bon hiver.
Rangement de pare-soleil, de tapis de sol, de vélo et quadriporteur.
La vidange d’huile a été faite, la pression des pneus a été réglée. Le gentil mexicain du garage du coin a même ajouté du lave-glace. Du lave-glace? Valide pour combien de degrés? +32 Farenheit, ça fait combien en Celsius? J’en achèterai du plus approprié en route, plus au nord.
Dernière vérification de l’itinéraire. Je connais par cœur celui de la 95-17-66-81-401-416-417 et 50, mais pour rejoindre la 95? 

Le mardi 2 janvier, mon GPS en fait encore à sa tête, je comprends trop tard qu’il me fait passer par Orlando… et Walt Disney. Pas une très bonne idée en ce temps de congé. Un monde fou d’autos remplies de petites familles.
En fin d'après-midi, nous parvenons tout de même à Brunswick.

Dans toutes mes vérifications, j’aurais dû regarder la température dès la Georgie. On annonce de la pluie verglaçante (j’ai appris à me méfier du mot « Frizzy ») et de la neige autour de Savannah. On décide de coucher deux soirs au Coastal RV de Brunswick (60,66 $ CAN). À moins 3 degrés C, la chaufferette fonctionne toute la nuit.
Le 3 janvier, la pluie verglaçante a gelé les serrures de mes coffres. Encore heureux, les rues de Brunswick sont mouillées, mais praticables, je trouve du De-ice au Flying J. Et j’entends les petits clics qui confirment que mes deux coffres sont bien fermés. Quand il ne pleut plus, nous en profitons pour hiverniser le VR. Achat également de lave-glace de -22 F, conversion -28 C, ça devrait aller. J’essaierai de vider le réservoir dès que possible.

Le 4 janvier, beau soleil, on part tôt, certaines de nous rendre au moins à Roanoke Rapids. Peu après Savannah, congestion. On n’avance pas, arrêt complet pendant deux heures. On écoute la radio : un grave accident impliquant un camion-remorque. La 95 est fermée. Pas bloquée, pas déviée, FERMÉE. Puis, on avance un peu, probablement des autos ou des camions qui sortent et deux autres arrêts complets d’une heure. Cinq heures en tout. Pourtant le ciel est bleu, la glace de la veille est fondue. Les enfants ont le temps de jouer dans la neige, les parents d’aller griller une cigarette et même le paquet au complet. On se compte chanceuses : nous avons la toilette, la bouffe, la chaleur.

Coucher à Manning (au sud de Florence) seulement. Hôtel parce que -7 degrés et je ne voulais plus ouvrir mon coffre pour sortir la rallonge électrique.
Le vendredi 5 janvier, debout à 6 heures, départ avant 7 heures, bien décidées à rattraper notre retard. Ce qui sera le cas. Même s’il y a de la neige dans les champs, les routes sont bien dégagées. Nous coucherons à Hagerstown. Petite crainte que la batterie ne parte pas à -14, achat d’un bloc d’alimentation, mais non, ma Van est forte.

Le 6 janvier, nous espérons arriver chez nous le soir, quitte à rouler à la noirceur, ce que je ne fais pas dans des villes inconnues. Au Flying J de New-Milford, au grand vent, je remarque que mon grand coffre s’ouvre, la serrure ne barre plus, le tiroir s’ouvre d’un côté, je m’arrête trois fois, rien à faire, le coffre s’ouvre toujours. Je décide d'utiliser du ruban adhésif noir Gorilla (acheté en mai dernier après notre « rencontre » avec un chevreuil) et une corde que j’attache à l’intérieur de ma portière. Ça tiendra le coup.

Je savais également que seul le 40 % de « flurries » à Syracuse aurait pu poser problème. Ce fut le cas. «Lake effect snow». Sorte de brouillard, chaussée mouillée, lave-glace requis. Et puis en pleine ville, plus de lave-glace. Zut, j’ai oublié d’ajouter celui que j’ai acheté. Impérativement arrêter. Je sors à la sortie suivante, bretelle très enneigée, petite côte, feu rouge, tournant, station-service. Je freine lentement, je stationne sur le côté du garage. Je sors en souliers dans trois pouces de neige. Il fait moins 17. J’emplis le réservoir. Il s’agit maintenant de revenir sur la 95. Re-tournant, re-feu rouge, re-petite côte, re-bretelle enneigée. Je serre le volant de mes deux mains gantées, j’appuie lentement mais sûrement sur l'accélérateur, mais ma copilote me dit quoi faire au millionième de seconde, comme si j’étais dans une côte de Charlevoix ou de Grande-Vallée. Et nous (la pilote, la copilote et la Van forte et fiable) avons repris la 95.

Dès après Syracuse, le ciel se dégage, la chaussée sera sèche jusque chez nous.

Cadeau : la douanière aux Mille-Îles parle en français.
Arrivée à la maison à la noirceur un peu après 19 heures.

Voilà comment nous aurons passé les Fêtes cette année.

Une fois le stress de la route passé, une fois le quotidien routinier retrouvé, je pourrai me remettre à la lecture et à l’écriture, mes deux autres passions un peu délaissées pendant ces deux mois.
Je retrouverai alors la neige avec plaisir.
Je l’aime quand elle est bleutée, quand les cristaux brillent au soleil.
J’aime quand, derrière les pins rouges et les branches chargées de neige, j’entends le clapotis du ruisseau caché au bout de ma terre.
J'apprécie la noirceur des nuits et le silence des jours.
Et les mots pour les dire. 

Pluie froide et verglaçante à Brunswick




lundi 15 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (9)

Les fêtes dans le sud

Déjà plus de jours et de semaines derrière nous que devant en cette terre floridienne.
Déjà bien plus de soleil que de pluie, déjà plus de cieux étoilés que de matins voilés.
Et pour la petite sauvageonne solitaire qui aime la noirceur et le silence, elle trouve dans ce RV park plus de bien-être que d’irritants.

Premier Noël loin des miens. Premier Noël sans mon frère. Je n’y avais jamais pensé. Depuis ma naissance, il n’y a pas eu un Noël sans lui. Devrais-je en être triste ou nostalgique? J’écrirais ça dans un roman et le personnage devrait ressentir quelque chose. Je ne ressens rien de particulier. Peut-être parce qu’ici, sur le gazon vert, sans tuque ni mitaines, la Nordique élevée dans les sapins et non les palmiers ne sent pas que c’est Noël, malgré la mini-parade, malgré les quelques décorations. Pas de neige, pas de froid pour me sentir en décembre. Seul le calendrier me le dit.

Les plus beaux jours de ma vie, mes plus belles émotions ne me viennent pas des Noëls passés, donc je ne m’accroche pas à tout prix à cette fête. Je ne me sens même pas obligée de la célébrer. Ma famille, je suis liée à elle, à jamais. Et puis, nous avons été élevés dans la liberté. Comme mon frère le dit souvent : liberté de choix, liberté de pensée, liberté d’action.

Bref, je ne regrette rien. Je suis bien là où je suis.
J’écris les mots Noël, Jour de l’an. En les écrivant, j’essaie de réveiller des images, des souvenirs.
Une fois dans le sud de la France, en famille.
Cette fois dans le sud des États, sans famille.
Je n’ai ni ennui, ni nostalgie, ni chagrin.
Sensible aux sons, aux bruits de foule, je n’ai entendu bien souvent que le chant de la paruline au petit matin.
Noël est beau
Parce que ce n’est pas Noël, c’est une belle journée
De cœur et d’amitié.
« Une île, à la fin d’une route, au bout d’un continent. Je suis venue ici pour écrire sur les liens, écrire sur les ruptures, comme si, faisant bouger les lettres, je trouvais dans l’île l’image même de ce que nous sommes, des êtres de liens. »
L’étreinte des vents, Hélène Dorion

J’ai vu les îles au bout de la route. J’ai vu Ave Maria, au bout d’un rang.
J’ai vécu au milieu des gens, de la lumière artificielle et des bruits de ville.
Mais j’ai surtout vécu en compagnie de nouveaux « êtres de liens ». Je suis devenue liée.

Des amis, rencontrés lors de rassemblements de caravaniers, viennent séjourner à l’emplacement 38 pour quinze jours. Randonnées en vélo, un 5 à 7 (ou plutôt des 4 à 6) presque chaque jour, une virée à Ave Maria et… le jour de Noël ensemble.

Au « club house » du RV park, lieu de tous les rassemblements, de toutes les activités hormis celle de la pétanque, il y aura souper -- au menu traditionnel-- le 24 décembre. Les billets à 17 $ US seront vendus, une semaine avant, à partir de 12 h 30. Avec nos amis du 38, nous nous mettons en ligne à 11h45 derrière une dizaine de personnes rassemblées depuis 9 heures le matin. Sachant fort bien que face aux habitués du système, nous avons très peu de chance d’avoir des billets, certaines sont désignées pour acheter plus d’une douzaine de billets. Mais oh! surprise, nous aurons les derniers… croit-on. Parce qu’une fois les tables complètes, il ne reste pas quatre places ensemble. À quoi bon si nous sommes tous séparés.

Plan B (j’ai toujours un plan B et même C, de nature inquiète, je passe mes nuits à inventer d’inutiles scénarios) prévu depuis l’arrivée de nos amis : le 25 même, nous nous offrirons une fondue. Mousseux, fondue à l’orignal et au caribou, vin rouge, salade de fruits, fromage et chocolat. Une bien belle journée à jaser de tout et de rien, à rire, à parler voyage et VR. À se conter nos plus beaux et nos pires cadeaux de Noël.
Et tout ça, en sandales et en shorts!

Ave Maria

Nos amis du 38 sur la piste cyclable du lac Okeechobee: Estelle et Réal
Nos amis du 38 nous amènent à Ave Maria.À une heure de route, à travers les orangeraies et les champs de canne à sucre, la ville mariale a ouvert son église et son université en 2007. Une curiosité pour les touristes de passage que nous sommes. On y trouve même quelques bistro sympathiques. La bière et la pizza sont délicieuses. Toujours quand on est en bonne compagnie.

Le jour de l’An

Au « club house », le souper du 31, la traditionnelle fondue des propriétaires, coûte 25 $ US. Comme on a déjà eu notre fondue, et comme il y a vraiment beaucoup de bruit lors de ces soirées, nous préférons rester « à la maison ». Nos voisins, ceux-là mêmes qui nous conseillent, nous renseignent, nous fournissent outils, nous offrent le transport, nous invitent à nous joindre à eux au restaurant.

Nous déclinons leur généreuse offre parce que nous avons la tête ailleurs.

La tête au départ 

Depuis une semaine qu’on surveille la météo du nord. Au départ, pour nos assurances et nos médicaments, la date limite du retour était fixée au 15 janvier. Réservation au RV park jusqu’au 3 janvier. D’autres « snow-birds » entrent le 6 sur notre emplacement. Nous avions pensé remonter tranquillement, passer par Wekiwa springs et Salt springs. Et peut-être un autre arrêt en Georgie.

Il fera froid, même au sud. Il neigera presque chaque jour au nord. Chaque matin, je prends une heure au « club house » pour me connecter au wi-fi (j’avais choisi de ne pas payer Comcast pour avoir le wi-fi à mon emplacement) et vérifier les sites de conditions routières des états de Pennsylvanie, New-York ainsi que la région d’Ottawa. Une plage de deux jours semble favorable à notre retour. Mais pour espérer arriver les 5 ou 6 janvier, il ne faudrait pas s’attarder en Floride.

En voyage, qu’il soit de deux mois ou de deux semaines, il y a des étapes.
Celle de la hâte du départ.
Celle de l’enthousiasme et l’émerveillement du début.
Celle du premier tiers, où on commence à voir quelques irritants.
Celle de l’habitude, de la routine confortable.
Celle où on voudrait rester encore un peu, encore longtemps, prolonger ce bien-être, ce plaisir, où on se promet de revenir l’année prochaine.
Celle, parfois (pas connue cette fois), où les irritants sont plus nombreux que les plaisirs et où on décide d’écouter le séjour.
Et puis celle où il faut se résigner, celle où on se voit déjà à la maison, où on pense à ce qui nous attend
Celle alors du départ parce qu’il est inutile de prolonger le rêve impossible.

Décision fut prise : départ le mardi matin 2 janvier.


Ave Maria

dimanche 14 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (8)

Les Keys, 10,11,12 décembre


J’allais voir un archipel d’îles sablonneuses très fréquentées, des cayes, les Keys.
J’allais voir le Bahia Honda de l’ami Guy qui l’aime tant qu’il réserve son emplacement un an à l’avance.
J’allais voir Key West en essayant de comprendre pourquoi et comment Michel Tremblay et Marie-Claire Blais (et Ernest Hemingway ou Alison Lurie et quelques autres) peuvent écrire dans un tel environnement de soleil et de mer.

Comme souvent avant ou pendant la visite d’un lieu, j’aurais voulu lire ou relire quelques passages de ces auteurs. J’ai presque tout lu Michel Tremblay, mais le lire, c’est trouver Montréal, c’est trouver les années 1960 et non pas les Keys, ni même la mer. Quant à Marie-Claire Blais (Chantal Guy du journal La Presse+ en parle encore dans l’édition du 13 janvier), il faut du souffle pour entrer dans son monde et aimer les personnages qui se promènent entre le boulevard Atlantique et la rue Duval.



Petites Cendres descendait vers la mer en courant, […] s’arrêtait parfois, s’appuyant sur les remparts de pierre qui bordaient les trottoirs, boulevard de l’Atlantique, s’essoufflant vite, il se disait qu’il lui faudrait toujours fuir la persécution, qu’il en était ainsi depuis le jour de sa naissance, mais fuir où et comment quand Yinn, comme s’il eût été Dieu, lui commandait de vivre, le transperçant de sa fulgurance, comme s’il eût été ce rayonnant soleil dispersant sa lumière sur l’océan vers lequel courait, courait Petites Cendres
                                                                     Aux Jardins des Acacias, Marie-Claire Blais 

Curieuse, j’allais voir tout simplement.Mais après avoir traversé Homestead, et toutes ses pépinières, au bout de la 997, une belle route double en construction, une fois sur l’archipel, sur la route 1, je n’ai vu que désolation. Pendant 160 kilomètres. Ça serre le coeur.
Bien avant de voir la mer, de voir les bâtiments colorés, les marinas, les bateaux de plaisance, j’ai vu les débris. De chaque côté de la longue route, des monticules de branches mortes, de souches encore pleines de terre, du bois, de l'aluminium.
L’ouragan Irma a frappé les Keys le 10 septembre. Trois mois plus tard, les traces sont encore très visibles. C’est dimanche, des centaines de bénévoles accompagnés des policiers travaillent à ramasser, à replanter, à aider. Devant les amas de branchages, des affiches : « défense d’en rajouter, amende de 2,000 $ ». Nous verrons aussi des terrains entiers où sont entassés matelas, électroménagers, planches, des restes de roulottes et de bateaux.

Avant de partir, j’avais fait mes devoirs : recherche de campings, recherche de stationnements, recherche d’attraits. Nous avions cherché un RV park pas trop cher, sachant qu’il serait difficile de coucher pour moins de 100 $ US (il ne faut jamais oublier les taxes et autres frais), j’avais bien cherché s’il y avait de la place dans les State park, mais je n’avais rien trouvé. Arrêt tout de même au Long Key State park, on ne sait jamais… on apprend que les campings des state park de l’archipel sont tous fermés pour deux ans. Sauf celui de John Pennekamp Coral Reef… qui évidemment est plein pour la fin de semaine.

J’avais repéré Jolly Roger à Marathon, à mi-chemin entre Key Largo et Key West. Presque vide, on n’a aucune difficulté à obtenir un emplacement avec vue sur la mer : 131,90 $CAN Très propre, à part les algues au bord du quai, rien n’y paraît. Le côté golfe du Mexique a visiblement été moins touché.

Les nombreux abris aux toits faits de palmes (Thatch Palms) qui semblent avoir mieux résisté aux grands vents et le resto sympathique près d’une marina ainsi que le coucher de soleil nous redonnent espoir de voir les vrais keys.

Key West


Le lendemain, en route vers Key West, bien décidé à faire abstraction des débris, on se concentre sur les couleurs. Le turquoise de la mer, les pastels des petits bâtiments à l’architecture à la fois mexicaine et louisianaise. Et le bleu du ciel qui nous accompagne encore pour notre plus grand plaisir.
Sur mon GPS, j’avais programmé le « Visitor Center » de Key West, je m’étais dit : on va stationner là et prendre le Trolley pour visiter la ville. Ou encore, se rendre là où stationnent les autobus de touristes. Quelle illusion! Quelle naïveté! Key West est fait pour les petites autos, les voiturettes de golf, les vélos et les piétons. Et ces centres d’information se fondent dans la masse des bâtiments colorés, on peut passer trois fois devant sans les voir. Quant à stationner notre VR de 25 pieds… on se retrouve en plein centre-ville au milieu de la foule bigarrée d’un dimanche d’été.
Plan B, j’avais lu aussi qu’on (on étant des petits VR, je dirais 25 pieds sur 6 pieds max) pouvait stationner au Fort Zachary Taylor. Heureusement, il est bien indiqué, on y parvient sans trop de difficulté. Pour 7,50 $ US, on peut visiter, pique-niquer, stationner, sortir dans la ville, et y revenir.

Au lieu du trolley, on choisit le vélo et le quadriporteur pour visiter la mythique Key West qu’Irma semble avoir épargnée.
Et nous voilà touristes dans la ville. Touristes, nous resterons avec nos yeux, nos oreilles et notre esprit. Il y a fête au village en permanence. Il y a musique, foule, couleurs. Il y a terrasses remplies, cafés originaux, boutiques envahies et galeries d’art presque désertes. Il y a guides qui expliquent l’architecture et l’histoire.
Et il y a les coqs panachés qui s’égosillent. Jadis élevés pour les combats, ils sont libres maintenant.
On termine par un pique-nique à la plage du Fort Zachary Taylor. Les deux pieds dans l’eau, à profiter du « rayonnant soleil dispersant sa lumière sur l’océan », je me demande bien comment Michel Tremblay et Marie-Claire Blais réussissent à écrire dans une telle ambiance de souk.
Il faut sans doute y vivre, pour y trouver son âme et sa voix.

Sortir de la ville fut aussi périlleux que d’y être entré : au coin des rues Southand et Whitehead : une camionnette au feu rouge et à notre droite, là où il faut tourner, une grosse camionnette Red Bull qui dépasse largement… et longuement l’emplacement de stationnement du coin. « On passe pas, arrête, avance pas, ça ne tourne pas. » Impossible de reculer et trop engagé pour continuer tout droit. Heureusement, les conducteurs sont patients, celui qui attend le feu vert grimpe son véhicule sur le trottoir, avance légèrement, descend sa fenêtre et indique à Louise d’avancer lentement pendant que je vérifie dans le rétroviseur si le derrière n’accroche pas le pitbull, non le Red bull. Ouf, on passe!

Au retour, nous couchons à Key Largo (RV Largo campground and marina : 103,73 $ CAN). Un très bel endroit pour qui possède un bateau. Situé côté Atlantique, donc camping vraiment plus touché par Irma. D’autant qu’il y a des maisons de parcs, des vérandas, des quais, des abris au toit de chaume. Les quelques saisonniers qui sont arrivés réparent, ramassent, rénovent.

Le lendemain, à notre arrivée à Okeechobee Landings, bel accueil des voisins. Les uns inquiets de ne pas nous avoir vus pendant trois jours. Les autres, avertis, curieux de nos impressions sur notre escapade.
Nous sommes déjà des habitués, de vrais « snow-birds » qui vivent en bon voisinage.
Bientôt Noël. Pour la première fois sans famille. Un essai, un test.
À suivre.









samedi 13 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (7)

Okeechobee Landings, Clewiston, Floride, 1er décembre au 2 janvier


Notre pied à terre pour le mois de décembre. Trente-trois jours au même endroit. Emplacement 91 du RV Park Okeechobee Landings: 620,11 $CAN

Pourquoi celui-là plutôt qu’un autre? Pour en avoir connu d’autres, des plus beaux, des plus grands, et aussi des plus chers, pour avoir déjà séjourné 43 jours dans ce RV park, pour connaitre nos besoins et nos moyens, pour savoir combien il est difficile de trouver un camping sans avoir réservé au printemps précédent, pour l'environnement rural, pour avoir reçu une réponse positive quelques jours après notre départ, nous avons choisi de revenir à Clewiston.

Le voyage se termine ici, le séjour commence. Un temps d’arrêt pour que dure l’enthousiasme, pour que les jambes se dégourdissent, pour que les nuits de sommeil s’allongent.
Ne plus avoir à chercher où coucher, où arrêter, quoi voir.
Je n’aime plus autant rouler qu’à vingt ans. Pas cinq heures ou plus. Me lever tôt, partir avant l’heure de pointe, conduire pour arriver avant la noirceur. Se rendre ailleurs. Recommencer le lendemain ou le surlendemain. De moins en moins.

Alors oui, s’installer. Apprivoiser son environnement. Établir une routine. Lente et nôtre.

La grandeur du terrain nous convient, notre VR est petit. Deux palmiers délimitent l’arrière. Des fleurs rouges s’accrochent aux arbustes. Un bougainvillier?
Côté services : électricité 30 ampères, égout, eau, le câble. Inutile de brancher le câble et le 20 ampères, ils ne fonctionnent pas nous dit notre voisin ontarien et francophone.
Côté auvent : deux rosiers, un fouillis de broussailles. L’autre voisin qui, comme tout bon caravanier, nous a regardé reculer notre VR à notre arrivée, nous offre pelle et gants si on veut désherber la petite plate-bande qui sépare nos deux terrains. En souvenir de son père qui avait si joliment aménagé son terrain en Floride dans les années ’80, et qui l’avait invitée à séjourner un mois, Louise décide de laisser sa marque, en Floride également, en plantant un croton.

Vivre dans un parc de VR, c’est accepter de vivre avec des voisins. Les voir, leur parler ne serait-ce que dire bonjour, s’entraider, partager, écouter, être généreux, être reconnaissant, et rire. Surtout rire, souvent.
Vivre au grand jour, à la lumière naturelle le jour et artificielle le soir.
Vivre avec les bruits ambiants : les camions sur la route 27, les trains qui charrient la canne à sucre. Parce que la région sud du lac Okeechobee, c’est « La US Sugar Corporation est une grande entreprise agricole privée basée à Clewiston, Floride. La société exploite plus de 760 km2 de terres dans les comtés de Hendry, Glades et Palm Beach. » C’est donc voir parfois, même à Noël, des nuages gris formés par le brûlage de la canne à sucre. Une odeur occasionnelle à laquelle on s’habitue… ou pas.

S’installer dans un parc de VR, ne serait-ce que pour un mois, c’est prendre son temps. Oublier le GPS et Google maps. Oublier les nouvelles de 18 heures. Se réveiller avec le chant des oiseaux, attendre que la brume se lève et se pâmer devant le ciel (encore) bleu. Et même s'il y a des nuages, il pleut rarement. Vivre comme en été : dehors. Marcher en sandales ou pieds nus, se baigner, autant qu’on veut, pédaler. Comme nous n’avons pas d’auto, nous pédalons pour aller faire des achats. Quitte à ce que ça prenne deux heures. On n’a que ça à faire. Plaisir du jour. On longe les canaux, on cherche les tortues, on reconnait facilement les ibis, on a la chance d'apercevoir un iguane. On traverse les parcs, on s’arrête au Tiki-bar de la marina, on surveille les bateaux.

En profiter pour aller acheter un nouveau pneu et une chambre à air et changer le pneu arrière de son vélo à assistance électrique, ce qui n’est pas une mince affaire. Et être fière d’y parvenir sans l’aide de personne. Dommage, cette année la partie ouest de la piste cyclable sur la digue qui couronne le lac Okeechobee est en rénovation. Reste la partie est, un bon 20 kilomètres aller-retour. Jouer à la pétanque, si on veut. Assister au « Happy Hour » mensuel.

Pouvoir fermer les yeux en plein cœur de l’après-midi.
Pouvoir terminer le Ken Follett commencé avant mon départ. Hésiter entre le Journal de Joyce Carol Oates et Captive de Margaret Atwood. Finalement, lire les deux de front.

Et puis, après dix jours, décider d’aller voir les Keys.




vendredi 12 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (6)

Oscar Scherer State Park, 29-30 novembre


« Un jour je m’aperçus
Que je ne saurais pas être
Au milieu de plusieurs »
Les adieux, René Lapierre


Nous avions pensé passer par Tarpon springs. Pour voir les éponges. Déjà en 2009, nous aurions pu si nous avions séjourné au Ja-Mar, tel que prévu. Mais voilà, conduire notre 26 pieds sur les routes doubles, sillonner dans les rues qui paraissent si étroites, affronter le trafic des villes qui défilent les uns après les autres… huit ans plus tard, même hésitation. J’ai du mal à « être au milieu de plusieurs ».
Bref, plus à l'aise sur les autoroutes, je contournerai Tampa pour me rendre à notre prochaine destination : Oscar Scherer state park.

Depuis 1995, je suis membre de la FQCC, depuis 1995 que j’entends parler de ce state park. En bien. Hâte de voir, hâte d’y vivre deux jours. Je n’ai pas pu obtenir plus, fin de semaine toute réservée. Deux nuitées pour 84,91 $CAN (toujours 8,70 $ frais de réservation)
Avant, petit arrêt dans un McDo pour le wi-fi. Communication avec Pierrôt-Sylvie qui sont au Royal Coachman à Nokomis. Nous comptons nous rencontrer le lendemain, 30 novembre.

Après le Rainbow Springs tout rénové, tout beau, tout propret, l’Oscar Scherer paraît vétuste, négligé. Propre quand même, des emplacements très intimes, végétation abondante, mais pas très luxuriante. Quelques racines presque dangereuses dans mon emplacement. Des no-seum au coucher de soleil, mais après avoir connu Cedar Key, c’est rien! Mais wi-fi au Centre de la nature et oh! bonheur, la piste multifonctionnelle Legacy trail est accessible directement du camping.

Une piste pour les sportifs qui visent l’exercice, le cardio. À peine pour les amants de la nature qui cherchent le papillon, l’oiseau, la fleur.
Tout de même douceur de vivre.
Être dehors, encore.
Libérer le trop. Calmer le tumulte.
Être devant un palmier à la fin novembre, c’est comme tricher avec les saisons. Leur faire un pied de nez.
Être en sandales dehors à la fin novembre, c’est comme jouer avec le temps. Gagner du temps. Le défier et gagner.

Le jeudi, nous avions rendez-vous avec Pierrôt-Sylvie, mais pas de téléphone, pas de wi-fi pour confirmer. Mais on peut compter sur Pierrôt pour nous trouver. Pour nous tomber dessus. Pour tomber tout court. Une chaîne qu’il n’a pas vue, tout attentif à se demander si les deux dames qui étaient dans le (bon) sentier… oui, c’était nous. Oui, c’était lui.
(lire la version longue>>>)
Nous passerons le reste de la journée avec eux : Sylvie Pierrôt et la chienne venue de Kuujjuaq,
Luna.
Visite du Resort Royal Coachmen, visite de la plage des chiens à Venice, coucher de soleil sur le golfe du Mexique, promenade dans les rues décorées pour les fêtes, et souper (délicieuse salade pour quatre, excellente pizza pour dix, ces Américains, ils ne savent pas faire petit!) chez… Luna. Eh! oui, même nom.

Finalement, un jour je m’aperçus que je suis capable d’être au milieu de plusieurs, s’il n’y a pas de tension, s’il n’y a pas de conflit. Si soleil dans les cœurs, si joie dans les yeux, si conversation intéressante pour chacun.
Ce fut le cas.

Notre emplacement au Oscar Scherer.
On a cherché les fleurs et les papillons, on a trouvé la plage, la mer et le soleil.

jeudi 11 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (5)

Rainbow Springs, 27-28 novembre

Heureusement Pierrôt-Sylvie m’avait averti : le camping n’est pas au même endroit que le parc. Le GPS indique l’entrée du parc, mais il faut encore parcourir sept milles pour trouver le camping.

Enfin un State park digne de ce nom : de l’espace, de l’intimité, du neuf, du rénové, pas de vieux bois pourri, pas de vieilles roulottes délabrées, peu ou pas de moustiques. Pas de wi-fi, pas de câble… et alors! Pas besoin, un couple de cardinaux nous accueille. Par contre, les prix commencent à ressembler au tarif des campings privés : 95,84 $ pour deux nuitées (dont 8,40 $ pour avoir réservé par Internet, mais comment faire autrement, je n’aime pas beaucoup rouler des kilomètres pour me buter à un camping qui affiche complet et devoir, à 16-17 heures, en chercher un autre)

Je voyage. Voir ailleurs, voir autrement.
En lisant aussi, je voyage. Mais comment me concentrer sur la lecture de La Captive de Margaret Atwood alors que je n’ai en tête que les ibis, les pélicans aperçus dans la journée. Comment être ailleurs quand tout est nouveau dans l’ici où je m’installe pour un jour ou deux? Comment m’intéresser aux « rendez-vous d’amour secrets aux pauvres bonheurs perdus » (Dora Bruder de Patrick Modiano) de personnages réels ou de fiction quand, sous les yeux, dans mes oreilles et sur ma peau, émergent de riches bonheurs retrouvés et des rendez-vous d’amour avec le soleil chaud et l’oiseau bavard? Comment écouter la voix intime du moi lectrice alors que le moi voyageur n’a de repos qu’une fois la tête posée sur l’oreiller et qu’il s’assoupit, le crayon à la main?

Je lève les yeux : des feuillus comme si j’étais chez moi, sur ma galerie arrière. Souhait réalisé : être là dans cet instant parfait où je ne vois que le vert des feuilles, le bleu du ciel. Être dans l’instant présent. Dommage qu’il faille pour ces instants divins rouler plus de 1500 kilomètres, affronter conducteurs parfois fous et traverser villes bruyantes et campagnes isolées, mais je ne regrette rien.

Je peux le faire, encore une fois. Je l’ai fait. J’y suis.


Des deux côtés de la rivière Rainbow

Il suffirait d’une passerelle pour visiter le parc lui-même, mais voilà, il faut reprendre le véhicule et revenir à l’entrée du parc.

Les sentiers asphaltés peuvent accueillir les personnes à mobilité réduite, Louise peut donc s’y promener en quadriporteur que les rangers appellent un scooter. Toutes nos félicitations aux responsables de l’aménagement et au premier propriétaire de ce grand parc, ils ont réussi d’excellents travaux paysagers. Même artificiellement créées, les chutes sont jolies et joyeuses, la « piscine » a été formée au bout de la rivière, grande et invitante. Pas de plage, quelques marches pour y descendre.

Comme Rachel Leclerc dans son poème L’ourse,
je m’avance jusqu’à la rivière.
Je m’assieds sur le banc et j’attends.
L’autre côté de la rivière, souvent plus beau. Curieuse du plus loin.
« De l’autre côté de mon regard » une maison, un terrain, une femme assisse, elle aussi. À rêvasser, comme moi, peut-être.
Une fin d’après-midi tranquille, des mots d’amour qui viennent
Pour l’eau, le ciel, les odeurs, le silence. « À côté de la beauté remuante ».
En voyage le silence et la noirceur se font rares.

Je les compte, je les conte.

Rainbow Springs state park, côté camping

Rainbow Springs state park, côté parc

mercredi 10 janvier 2018

La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (4)

Cedar Key du jeudi 23 novembre au lundi matin 27 novembre

Cliquez sur la carte pour l'agrandir.
L'heure n'est qu'un indicatif, mais le millage est généralement bon.
Pas de place au Manatee springs state park. Plan B : C’est l’ami Pierrôt qui en a déjà parlé sur son blogue (n’hésitez pas à le lire, il a un humour à vous décrocher un large sourire >>>) : un petit camping près de Cedar Key. Une belle surprise. Un avant-goût, en miniature, en plus rustique des Keys que nous avons l’intention d’aller visiter pendant notre séjour.

Appréhension de congestion sur les routes parce que le jeudi 23 novembre, c’était la Thanksgiving et, comme toujours, les États-Uniens ont l’art de la démesure.
Appréhension pour la pluie : on en annonce beaucoup et toute la journée.
Appréhension une fois sur la route 24 qui semble interminable, sans village, sans station-service, sans maisons.
Appréhension pour le camping que je ne connaissais pas et qui ne payait pas de mine sur le site Internet. Et si j’arrive après 16 heures… et si tout est fermé parce que c’est la Thanksgiving

Et si…
Finalement pas d'arrêt au "Visitor Center" pour le traditionnel jus d'orange: c'est jour férié, tout est fermé.
Finalement, on a contourné Jacksonville sous la pluie battante : aucun problème.
Finalement, on a traversé Gainesville en plein centre-ville : pas un chat. C’est une ville universitaire, tout le monde est en congé.
Finalement, on arrive au camping Angler’s Rv campground, la pluie est terminée. Paul n’est pas là, mais Jim et Robin nous ont accueillis comme de vieux amis et nous ont dit de nous installer à l’emplacement 21. Le lendemain, il sera bien temps de régler nos comptes : 181,94 $ pour quatre nuitées. C’eut été moitié prix si j’avais été membre de Passport America. J’aurais même pu le devenir sur place, mais je n’ai pas réagi assez vite. Tout de même moins cher que le camping situé directement à Cedar Key : 62 $ la nuit.


D’abord Manatee springs

À trente minutes du camping, par des petites routes pas très larges et sans réel accotement, le Manatee springs state park. On y a vu trois chevreuils, trois lamantins, un pic, un ibis, un cormoran et des tonnes d’urubus. Aussi, des enfants en vacances, des rangers loquaces qui nous présentent longuement la flore et courtement l’histoire du parc. On a pu jaser avec une Seminole et son conjoint un Mowhak de Malone dont les grands-parents portaient les patronymes de Boyer et de Dupuis.
À noter que ce sont des sources, ce qui ne signifie pas du tout qu’elles soient chaudes, donc quelques braves enfants s’y baignent, mais les adultes préfèrent pagayer sur la rivière.

Dire « Hi » à tout le monde. Comme tout le monde.
Être impressionnée par la quantité phénoménale des cannettes de boisson gazeuse.
Remarquer que le recyclage commence enfin à être encouragé.
Marcher, se laisser aller, chercher l’aigrette blanche.
Essayer d’améliorer son écoute de la langue de Shakespeare. Se décourager de ne guère s’améliorer d’une année à l’autre.
Avoir hâte de lire. Avoir hâte d’écrire. Rouler.
Écouter Jim chanter autour d’un feu en s'accompagnant à la guitare.
Commencer à se gratter parce que les moustiques invisibles, les no-seums, sont légion au camping. Ce qui signifie tout de même que le temps des manches longues et des pantalons est peut-être terminé pour nous.


Puis Cedar Key

C’est dimanche. C’est foule au village et à la marina.
Les restaurants, les cafés, les terrasses (si on peut appeler terrasse quelques tables de pique-nique peintes en roses installées au bord d’une marina) ne désemplissent pas. Encore beaucoup de friture, mais mon wrap aux crevettes (8,99 $ US) était un délice.
Des bâtiments colorés, des rues qu’on peut parcourir en voiturette électrique. Une atmosphère délicieusement surannée, un avant-goût des Keys, j’en suis certaine.
Même au parc, difficile à trouver parmi les rues sinueuses, peu d’oiseaux, un pêcheur qui lance son filet.
Plaisir d'une autre belle journée: à travers les arbres, le ciel rosé du soir.


Puis dimanche, repos. 

Lire un peu. Enfin.
Douze jours que nous sommes parties et toujours cette impression de jouer à cache-cache avec la saison. Comme si on avait fait une fugue de l’hiver, de la neige et du froid.

Patrick Modiano, dans son roman Dora Bruder, écrit au sujet de la fugue :
 « vous éprouvez quand même un bref sentiment d’éternité Vous n’avez pas seulement tranché les liens avec le monde, mais aussi avec le temps. […] Et il arrive qu’à la fin d’une matinée, le ciel soit d’un bleu léger et que rien ne pèse plus sur vous. »
Je suis une fugueuse, à la recherche des 20 degrés qui ne durent pas assez longtemps chez nous.

Site Internet du camping, petite vidéo sur Cedar key >>>

Cedar Key

Le bureau d'accueil au Angler's RV Park et Cedar Key

Manatee springs, les lamantins et un Mohawk, conjoint d'une Seminole