vendredi 31 août 2018

« Je n’ai pas mon voyage »

Photo prise lors d'un voyage en 2016 parce que celle d'hier, je n'ai pas pensé à la prendre!
J’aurais pu être contrariée, c’est mon genre. Tout ce que j’aurais fait, je l’aurais fait en grognant, en rouspétant. À vingt ans, j’aurais tapé du pied, j’aurais boudé, je me serais enfermée dans ma chambre.

À vingt ans par contre, je me débrouillais, je savais changer un pneu, je savais quand et comment mettre de l’huile dans une auto, comment faire démarrer un moteur « noyé », comment vérifier des bougies, comment « booster » un char avec des câbles. J’aimais avoir les mains dans la graisse.

Aujourd’hui, je connais les mots en français, mais c’est tout.

Donc, je n’étais pas contente, mais pas contrariée.
Il faisait beau, frais, on respirait bien, les poumons dégagés, les sinus libres.
J’avais bien dormi, la tête lavée, le déjeuner pris, la vaisselle du matin rangée, la Van remplie, les portes et fenêtres de la maison verrouillées.
Je ne dépassais ma prédiction d’horaire que de vingt minutes.
Même le GPS indiquait l’heure d’arrivée : 13 h 45. J’ajoute toujours une bonne heure pour le trafic, les haltes routières. Ce serait très bien.

Ça y est, c’est le départ.
La clé dans le contact. Toc-toc, toc-toc. Pas gnigne-et-gnigne, non, toc-toc, toc-toc.
La batterie complètement à plat.
Pourtant, dimanche, j’ai reculé la Van près de la maison, tout allait bien.
La semaine dernière, au garage, vidange d’huile, changements de bougies, permutation et pression des pneus. 664 $. J’avais confiance.

Pendant qu’une appelle notre mécanicien, l’autre sort le bloc d’alimentation justement rempli la semaine dernière aussi. On ne peut pas dire qu’on n’est pas prévoyantes!
Essaie les lumières, oui, elles fonctionnent. Batterie? Starter?
Petit banc, parce qu’un 3500, c’est haut. Branche le bloc d’alimentation, un 700 watts. Le rouge d’abord, le noir. Essai. Le toc-toc devient gnigne-et-gnigne, mais pas assez longtemps, pas assez fort. Éteins. Attends. Nouvel essai. Un tout petit gnigne-et-gnigne et retour définitif au toc-toc. L’icône jaune du « check-engine » reste allumé. Revérifie, débranche, rebranche, repart… Toc-toc, toc-toc. Le bloc d’alimentation est déjà à plat.

Aux grands maux, les grands remèdes. On ne paie pas notre assurance pour rien. Appel, assistance-routière. Nous n’avons droit qu’à un seul service : survoltage ou remorquage. On ne prend pas de chance, ce sera remorquage.
On est jeudi, longue fin de semaine de trois jours. Décision, même si la Van est réparée, on ne part plus avant la semaine prochaine. Et encore, on verra. En attendant la dépanneuse, on vide la Van. Ordre inversée d’entrée: le frigo, le congélateur, l’ordinateur, les tablettes, les armoires, les vêtements, les livres.

Trop occupée pour penser, pour réagir, pour bouder. Ou pour se sentir nulle. Ou pour regretter mes vingt ans quand la mécanique automobile était à la portée de tout le monde.
La dépanneuse arrive.
Le camionneur-préposé-technicien sort un « gros » bloc d’alimentation, la batterie vrombit du premier coup, mais on sent l’effort. L’icône jaune du « check-engine » s’éteint. La batterie tient le coup, le moteur a de grands soupirs hésitants, mais la Van pourra monter sur la dépanneuse toute seule.
Bye-Bye Van qui s’en va chez notre mécanicien averti.

On entre dans la maison, on tourne en rond. On range les vêtements. On jase. On n’a pas l’air du tout de filles déçues de ne pas être parties. Pas l’impression de manquer notre voyage. Ou quelque chose d’exceptionnel. Sommes-nous désabusées? Plus le goût de partir? Jamais plus? Nulle part?
Pourtant si. L’hiver, quand il fait froid et qu’on préférerait avoir chaud. Pas jusqu’à 30 degrés, ressentis 40, mais dans les 20-25, c’est très bien. Comme aujourd’hui.

Bientôt l’heure du diner.
Zut on a oublié les médicaments dans la Van.
On n’hésite pas, on part en auto. On roule lentement, on voit une mère chevreuil et ses deux petits dans un champ de soya. On ralentit. On sourit. Ils nous regardent. Décidément, une belle journée.

Au garage, les hommes sont absents, partis diner sans doute. Notre Van n’est pas verrouillée, on prend les médicaments, mon casque de vélo.

À Chénéville, on arrête à un nouveau bistro qui annonce des paninis. Petite table et chaises à l’extérieur. On décide de se gâter. Sauf que dehors, et à l’intérieur, musique trop forte, trop rock. Je demande poliment si c’est possible de baisser la musique. Non, c’est la marque du resto. Contrariée la madame. Pas moi, la serveuse (ou propriétaire, je ne saurai jamais)! Bon, bien, c’est dommage. Non, la musique trop forte, trop rock and roll, qu’on s’entend pas penser, pas pour nous. On est peut-être deux vieilles fatigantes, mais on assume.

Achats de pains et jambon fumé chez Metro, retour à la maison. Diner sur notre galerie terrasse à nous. Bière, panini, salade et… le doux silence de la nature (les écureuils partis diner aussi?).

Finalement, pourquoi serais-je contrariée? C’est une très belle journée.
On partira un autre jour. Ou pas du tout.
N’empêche j’aimerais avoir encore vingt ans. Quand je savais, quand je me débrouillais. Mais quand je boudais aussi?

dimanche 26 août 2018

Le dernier chalet d'Yvon Rivard


Qu’importe qu’Alexandre, écrivain dans la soixantaine avancée, soit l’alter ego d’Yvon Rivard, qu’importe que cet Alexandre ait déjà été le personnage, à des âges différents, de livres précédents : Le siècle de Jeanne (2005), Le milieu du jour (1995), Les silences du corbeau (1986), qu’importe que ce soit un roman ou un carnet, ou de l’autofiction, je l’ai écouté tout au long des 200 pages dans Le dernier chalet. Délicieusement. Avidement. Intellectuellement.

Je vivais avec lui, dans la nature, près d’un renard, les yeux rivés de l’autre côté du fleuve, là où Gabrielle Roy écrivait, marchait, vivait ses derniers jours. Je l’ai écouté me parler de son voisin, le fermier Gilbert, de son père, bûcheron, de sa Marguerite qui écrit le matin qui marche avec lui l’après-midi, de ses ex, Clara et de Françoise, de ses petits-enfants qui lui rappellent sa jeunesse. Il est intellectuel, Alexandre, il passe ses journées à réfléchir, mais il coupe aussi du bois, il entretient un potager, il nourrit les oiseaux, il répare le chalet.

Il m’a fait voir Champlain sous un jour nouveau. Comme s’il revenait, pagaie à la main, au 21e siècle, nous dire de prendre soin de notre pays.

Il lit beaucoup, Alexandre. J’ai bien aimé que les citations de Gabrielle Roy, Virginia Woolf, Friederich Holderlin, Rainer Malker Rilke, Rimbaud soient intégrés au récit, sans notes en bas de page comme si c’était un travail universitaire.

J’ai revu les chalets de mon enfance, les baignades, les jeux, les vacances, mes grands-parents qui venaient nous voir. Doux souvenirs.

Ses longues phrases m’ont entraînée dans les méandres de mon esprit. Je me suis vue à 19 ans, quand j’aimais follement la philosophie, que j’engloutissais L’être et le néant comme si, enfin, le monde, le sens de la vie et de la mort allaient m’être révélés. Yvon Rivard le fait de manière beaucoup plus concrète, moins théorique.

Bien sûr je me suis identifiée à l’écrivain, mais autant à l’homme qui aime la nature, le fleuve, la retraite, et qui n’a pas peur de la solitude. En lisant qui il est, je comprends mieux qui je suis, qui ma mère a été, une solitaire dans l’âme. Ce qui m’a permis, à mon tour, de mieux circonscrire mes personnages de roman, de les déculpabiliser de ne pas être des porte-drapeaux de cause sociale.
« Le monde serait moins stagnant si tous les retraités étaient conscients que leur oisiveté n’est pas inutile, que leur solitude n’est pas une malédiction, que l’une et l’autre sont une chance d’être plus grands que leurs destins. »

« Le secret des solitaires à qui rien ne manque c’est de ne rien désirer d’autre que la vie et de s’isoler pour ne pas étioler ce désir. »
Pour ce qui est de la mort qu’il regarde en face, comme un coucher de soleil, disons que je n’ai pas entrouvert la porte aussi grande. Pas comme lui. Ce n’est pas elle que je voie dans le fleuve, ni dans mon âge qui avance, bien sûr, trop rapidement.

Dans Le dernier chalet, comme dans la plupart des livres, c’est soi-même qu’on cherche à comprendre, à accompagner. C’est aussi l’autre qu’on cherche à comprendre, à aimer. Yvon Rivard, dans Le dernier chalet, a réussi à me faire aimer cette vie de nos soixantaines avancées.

Et qu’importe si on n’écrit plus ou qu’on ne fait que lire au bord du fleuve.
Délicieusement. Avidement. Intellectuellement.
On a le droit.


jeudi 23 août 2018

Carnet de roman (15)


Jeudi, 23 août 2018,
19 h 30,
90 jours après la fin de « mon » Camp littéraire Félix, j’ai terminé la réécriture de mon roman.
Satisfaction du devoir.
Fébrilité joyeuse.
Sentiment d’accomplissement.
Entêtement récompensé.

Il reste au moins deux relectures, une à voix haute, une sous la loupe d’Antidote.
Il reste à maintenir la confiance.
Surtout avec la rentrée littéraire qui me fait déjà voir la publication de romans d’auteurs chevronnés, la plupart plus jeunes que moi. Alors le mien, fera-t-il un jour partie de cette cohorte? Rejoindra-t-il enfin ses deux petits frères de 2011 et 2015? Plaira-t-il aux éditeurs?

Travailler encore. Mais avec les épaules plus légères et le cœur apaisé.
Comme un exercice plus relaxant après le marathon.
Avant, partir un peu comme une récompense, une pause avant de replonger.

Retourner à la lecture, l’esprit concentré sur d’autres histoires que la mienne.
Lire Yvon Rivard, Dominique Fortier, Martine Delvaux.
Ne pas me sentir intimidée par leurs romans, leurs noms.

Repenser à ma mère qui me disait que la reine Élisabeth allait à la toilette comme elle et moi.
Ma mère, elle l’invoquait souvent la reine Élisabeth :
mariée en 1947 comme elle
premier fils en 1948 comme elle
deuxième enfant, une fille en 1950, comme elle.

Ces points en commun devaient me faire comprendre que nous étions tous égaux, que nous vivions les mêmes choses. Que je ne devais pas me laisser impressionner par un titre, par une couronne, par un château.
Que le soleil brille pour tout le monde.
Chez moi, ce soir, il était éclatant. Annonciateur de beaux jours à venir.

dimanche 19 août 2018

Encore l'été



Encore l’été. Le matin, le jaune du champ de maïs. Souvent la brume venue de la rivière Petite-Rouge. Les montagnes bleutées. Le soir, le soleil couchant, de plus en plus au sud-ouest. Rond, orangé vif. Cette semaine, un chevreuil qui me regarde, qui se demande, qui attend et qui finit par partir vers la réserve Kenauk.

Encore l’été. Le matin, j’écris dans mon bureau ensoleillé. L’après-midi, je lis. Dehors, à l'ombre. 

J’ai terminé L’autre saison de Louise Simard. Un livre écrit dans les règles de l’art : intrigue à résoudre, personnages bien définis, émotions décrites par les cinq sens, sentiments bien sentis. J’ai tout lu, c’est dire que j’ai aimé. Surtout que j’ai senti cet amour des promenades, cette passion pour la nature. Mais… eh oui, il y a un mais… son Thana, la fille-rivière était tellement, mais tellement plus riche, plus beau, plus fort. Il ne faudrait pas que je compare. Chaque livre m’amène dans un temps et un lieu nouveaux. Il y en a des plus beaux, des où je demeurerais plus longtemps, des qui me chavirent plus que d’autres. Mais toujours il me permet de devenir un peu plus l’écrivaine que je veux être. Que je suis.

Parce que je ne lis plus pour me distraire. Je ne veux pas qu’on me raconte une histoire, je veux qu’on me raconte une vie.
Ce fut le cas pour L’autre saison de Louise Simard.

Et ce l’est également pour Le dernier chalet d’Yvon Rivard.

Depuis 2004, je lis pour mieux écrire. Avant aussi peut-être, mais je n'en avais pas conscience.Quand je lis, je ne distingue plus la lectrice de l’écrivaine-qui-lit. Lire pour moi, c’est presque étudier comment le livre est écrit. C’est écouter la musique d’un autre pour mieux entendre la mienne, une fois devant mon écran. C’est aller dans « ce temps plus grand dans lequel nous entrons lorsque nous écrivons », comme l'écrit Yvon Rivard.

En lisant ses longues phrases de quinze lignes, je ne dirais pas que Yvon Rivard est de la génération des cours classiques ou des « vieux », parce que dernièrement, j’ai lu un extrait de Belle-mère, écrit en 1995 et quand j’ai vu les phrases courtes souvent sans pronom, parfois sans verbe, qui commencent par une conjonction, j’ai été surprise de voir que l’écrivaine française, Claude Pujade-Renaud (avec un tel prénom, vous comprenez tout de suite pourquoi j’ai jeté un coup d’œil) est née en 1932.

Donc, Yvon Rivard préfère et contrôle très bien la longue phrase. Il faut en lire de temps à autre pour ne pas oublier, pour que notre esprit, habitué aux raccourcis, soit capable de suivre le fil.

J'achève son livre, je prends mon temps, je relis, je déguste, je note. Il y est question de Gabrielle Roy, du fleuve, d’écriture. J’adore, bien évidemment. Je m’identifie. Mes propres souvenirs de chalet, d'enfance et d’été refluent. On dirait presque un carnet. Le carnet d’un écrivain qui écrit de moins en moins, mais qui a peur qu'en cessant d'écrire, la mort vienne. Il se pose des questions en regardant la rivière se jeter dans le fleuve, en pensant à ses petits-enfants qui vieillissent et n'ont plus besoin de lui.

Encore l’été. Bientôt un voyage. Voir d’autres couleurs, entendre d’autres sons, sentir d’autres parfums. Il fera moins chaud, il y aura moins de monde sur les routes. Je lirai sur une plage. J’écrirai dans un cahier.

Toujours ces trois passions qui m’habitent, que je vis.

lundi 6 août 2018

Autre suggestion pour le 12 août:
Reste encore un peu de Loïse Lavallée

Son premier roman.

Récipiendaire du prix Jacques-Poirier en 2008 pour son recueil de nouvelles 13 malentendues, La part manquante des Évangiles, Loïse Lavallée a écrit des nouvelles, des récits, des livres pour les enfants, mais c’est son premier roman. « Il faut du souffle » dit-elle dans un article du journal Le Gatineau Express de juillet dernier.

L’histoire se passe en Outaouais, l’auteure y tenait, mais comme elle a vécu une résidence d’écrivain à Vezelay, en France — comme plusieurs autres écrivain. e. s de l’Outaouais — elle a profité de son expérience pour y envoyer un de ses personnages.

C’est l’histoire d’un triangle amoureux. Qui pourrait être la nôtre. Ce que j’ai aimé, c’est d’entendre la voix de chacun : l’épouse, la mari et la maîtresse. Et même celui de l’adolescente hargneuse. Chacun a sa façon de voir leurs relations. Des choix difficiles, des attentes forcément déçues. Un séjour à l’hôpital qui remet tout en cause. Des scènes d’amour très bien écrites. Et une fin assez surprenante.

La richesse du vocabulaire, le style imagé de l’auteure nous permettent d’entrer dans l’intimité de chacun. Et une si belle couverture nous invite à prendre ce livre, le toucher, le feuilleter... et le talent de l'auteure fait le reste: on lit. J'ai lu, j'ai aimé.

Versions papier ou numérique, disponibles sur les sites des librairies, et on peut l’emprunter à la BANQ.

jeudi 2 août 2018

Le 12 août, j'achète un livre québécois




Le premier c’est certain, quant aux deux autres, ce sera plutôt commander parce qu’ils ne seront disponibles qu’à la fin du mois.

Raisons qui m’ont conduite à ces choix :

L’autre saison

Parce que c’est Louise Simard. J’aime son écriture, ses sujets, souvent liés avec l’histoire d’une région. C’est elle qui a écrit La querre des autres et de Père en fille où il est question des mercenaires allemands venus en Amérique pour la révolution américaine. Pour qui s’intéresse aux descendants d’Allemands, c’est fort intéressant. Et puis, comme moi, elle aime les oiseaux et la nature. C’est une raison suffisante à mon goût.

Thelma, Louise et moi

Parce que c’est Martine Delvaux et qu’elle a déjà écrit : 
« Je ne sais pas tirer le fil d’une histoire. Je ne sais pas inventer. Je ne sais que noter, toutes ces choses que je prends aux autres et que je fais tourner. »
Ce qui me rappelle quelqu’un.

Et dans Thelma, Louise et moi, c’est déjà imprimé :
« Et au moment où les mots arrivent, avec le frémissement dans le ventre qui indique que ça y est, que je peux enfin me mettre à écrire, alors d’un coup je me détourne, aller chercher (sic) un verre d’eau, attraper un livre, noter quelque chose dans un carnet. Je m’éloigne du clavier, muette devant les mots. J’ai peur de lever les yeux sur ce qui me guette. »
Et que dans ce livre, elle parle du film Thelma et Louise. Que j’ai tant aimé également.

Les villes de papier

Parce que le résumé me dit qu’il y sera question d’Emily Dickinson. J’aime quand on me parle des écrivains. Vu de l’intérieur surtout.

« Si, comme elle l’écrit, l’eau s’apprend par la soif et l’oiseau par la neige, alors Emily Dickinson, elle, s’apprend par la mer et par les villes. Figure mythique des lettres américaines, celle que l’on surnommait « la dame en blanc » demeure encore aujourd’hui une énigme. Elle a toujours refusé de rendre sa poésie publique et a passé les dernières années de sa vie cloîtrée dans sa chambre ; on s’entend pourtant maintenant à voir en elle un des écrivains les plus importants du dix-neuvième siècle. Les villes de papier explore son existence de l’intérieur, en mode mineur, à travers ses livres, son jardin et ses fantômes. »  
Et vous, votre choix est-il arrêté?

dimanche 29 juillet 2018

De mes lectures l'été

Le choix de mes lectures est-il différent selon les saisons? Non. La seule différence : le fauteuil et le breuvage! 
C’est l’été. Et quel été! La chaleur allège ma culpabilité de ne rien faire. Ou plutôt je me sens bien à l’aise de lire tous les après-midis.

La semaine dernière, j’en ai parlé à Karine Lessard d’Ici Première… à 6 h 25 le matin. (Oui, oui entrevue pré-enregistrée, quoique je suis souvent éveillée à cette heure).

Je résume et complète mes propos au sujet des lectures estivales.

Que lisez-vous l’été?

Même quand je travaillais à l’extérieur, même quand j’avais des vacances en été, je ne me suis jamais dit : tiens je vais lire ce livre cet été ou je vais garder ce livre pour l’été prochain ou pire, je ne lirai pas ce livre parce que c’est l’été.
Je crois que la lecture de livre, c’est plutôt selon l’âge ou selon nos besoins, nos expériences, nos passions. Aujourd’hui, je lis moins de polars, de thrillers. Presque plus d’essais. Je lis beaucoup plus de livres écrits par des femmes. Je lis évidemment plus de romans québécois que dans les années 70.

Un livre qui vous a grandement émue

Émue ou marquée? Ou remuée?
Lors de l’entrevue, j’ai fait la différence entre un livre qui m’a marquée et un roman qui m’a émue. Je l’ai dit souvent, j’ai été marquée à jamais par L’Euguélionne de Louky Bersianik publié en 1976. Pour ce qui est d’être émue, j’ai cherché dans ma mémoire et dans ma bibliothèque. J’ai pensé aux sœurs Groult, aux Filles de Caleb, à la trilogie de David Gaudreault et aussi à La femme qui fuit d’Anaïs Barbeau Lavalette. Tous ces romans m’ont émue différemment, pour différentes raisons. Finalement j’ai choisi Fleurs de neige de Sara Lee parce que c’est une belle histoire d’amitié et hélas, comme souvent de trahison.

J’ai la jasette assez facile alors je n’ai pas eu le temps de raconter

Un souvenir lié à la lecture d’été

J’avais 15 ou 16 ans. Nous étions au chalet, au lac Simon. J’avais terminé depuis longtemps Les mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir et Rebecca de Daphné du Maurier, deux romans que ma mère avait glissés dans mes bagages. Mes parents jouaient au scrabble chez mon oncle et ma tante. J’aimais bien les regarder chercher, réfléchir, essayer de tricher, rire. Mais ça pouvait être long. Près d’un fauteuil, une petite bibliothèque. Deux bonnes rangées de livres. Tous des Maigret de Simenon. Je les ai tous lus. L'été suivant, j'ai apporté plus de livres, mais je savais que s'il m'en manquait, je pourrais toujours aller voir mon oncle.

La lecture au moment de l’entrevue

N’essuie jamais de larmes sans gants de Jonas Gardell.
Ce n’est pas tant le sujet du sida en Suède dans les années 1980 qui m’a vivement intéressée. D’ailleurs quand l’auteur passait au mode essai, je décrochais un peu. Ce qui m’a plu, c’est comment l’auteur raconte une histoire à travers des personnages très typés. Un témoin de Jehovah homosexuel est bien différent d’une « tantouse ». Le style de l'auteur m'a emballée, cette façon de répéter certaines phrases accentuait la narration.

Vos livres à lire plus tard

Quand plus tard? Je suis du genre tout de suite. Je choisis selon les suggestions de mon club de lecture, la revue les Libraires, Kobo, des amies.
Mais pour l’événement « le 12 août J’achète un livre québécois », je compte bien acheter ou commander: L’autre saison de Louise Simard, Les villes de papier de Dominique Fortier, Thelma, Louise et moi de Martine Delvaux.

Livres jeunesse

À la toute fin de l'entrevue, Karine Lessard m'a demandé une suggestion de livres pour les jeunes. Sans hésiter j'ai lancé le nom d'Andrée Poulin. Non pas qu'elle est de l'Outaouais... si, un peu, mais ses livres rejoignent plusieurs catégories d'âge, certains sont primés et puis parce que je la connais.

La lecture ces jours-ci

Une amie m’écrit qu’elle lit Les devins de Margaret Laurence. Wikipédia m’apprend que l'auteure est née le 18 juillet 1926 au Manitoba et décédée en 1987, Canada. Dans La presse du 6 janvier 1987, j’apprends que c’est un des écrivains canadiens les mieux connus dans le monde. Ah! oui? Sa saga de Manawaka (ville imaginaire) a été traduite par Claire Martin en 1976, introuvable aujourd’hui. Heureusement Alto l’a fait traduire à nouveau, par Sophie Bastide-Foltz et édité en… 2008.
Je décide donc de commencer par le début avec L’ange de pierre.
Comme j’aime beaucoup, j’enchainerai sûrement avec
Une divine plaisanterie
Ta maison est en feu
Un oiseau dans la maison
Les devins
.

L’été sera peut-être alors terminé. Mes lectures… jamais.

Lien vers La presse de 1987, page 12 >>>
Site des éditions Alto >>>
Émission Les matins d’ici du 26 juillet, 6h25 >>>
Site d'Andrée Poulin >>>

samedi 14 juillet 2018

Un seul mot

Un mot, une phrase peut blesser, peut réjouir, peut redonner confiance.
Sait-on jamais quel mot, quelle phrase touchera l’autre?
Hier soir, ce fut le mot fluide.

Francine a dit que j’avais « une écriture fluide » dans mon blogue.
Et elle me donne le livre Les femmes qui écrivent vivent dangereusement.
Me parler de mon blogue, me donner un livre. Je suis émue. Je suis aux anges. Je flotte. Je renais. On me lit. On aime ce que j’écris. C’est rare, c’est précieux.

Le savez-vous que vous êtes peu nombreux à me parler de mon sujet préféré : les livres. On ne devrait pas demander aux gens comment ils vont, on devrait leur demander : « qu’est-ce qui vous intéresse ces jours-ci? »

À quelqu’un qui n’est jamais très loin du fond de la désespérance (oui, je sais je suis un peu une Anne Shriley de l’exagération) en matière d’écriture, cette conversation ressemble à un printemps qui refleurit. À une eau fraîche par un jour de canicule. À un lever de soleil rosé après des mois de nuages noirs.

Vous me direz que j’étais pourtant déterminée fin mai au retour du camp littéraire Félix. Oui, bien sûr. Mais en bon bélier qui a la course rapide, mais la résistance anémique, j’ai eu la respiration haletante un mois plus tard. L’estomac s’en est mêlé, le sommeil aussi. Les questions ont suivi. L’écriture ne coulait plus, était loin d’être fluide. C’était devenu un devoir. Le genre de devoir qu’on écrivait pour plaire au professeur. Où notre cœur n’y était pas.

Et pour éviter d’entendre « non, non, non » de M. B. qui m’interdit le scepticisme, je me suis même interdit mon Carnet de roman. Je n’ai rien abandonné, tout juste délaissé.
Mais écrire l’été? C’est être masochiste, ou folle, ou obsédée. À moins qu’il ne pleuve à torrents ce qui n’est pas le cas cet été.

L’été, il y a les fraises, les framboises, les bleuets.
Il y a les pique-niques, les baignades, les promenades à vélo.
Il y a les vacanciers à accueillir, la famille à recevoir.
Il y a aussi les merles, les geais bleus, les phébis à observer.
Il y a les livres à lire.
Il y a la vie.

Je me suis donc remise à la lecture. Frénétiquement, comme une nageuse essoufflée qui s’accroche à une bouée qui la fait encore rester un peu dans l’eau, son milieu préféré.
J’ai enchaîné les lectures :

Bien sûr, Les femmes qui écrivent vivent dangereusement de Laure Adler et Stefan Bollmann. Sur les cinquante femmes citées, j’en connaissais une petite vingtaine. Donc encore des heures de plaisir à découvrir les autres.

Puis,
Hôtel Lonely Hearts : J’ai encore ragé contre le titre anglais (en partie, je sais puisqu’il y a un accent circonflexe sur le « o »). À les voir se multiplier (My absolute darling, After), à ne pouvoir m’y opposer, je baisse le ton. Je me suis d’ailleurs demandé pourquoi ce titre. On mentionne le nom de l’hôtel une seule fois… à la page 518. L’éditeur a raison de dire que c’est « un conte sans fées ». Un style original, de l’érotisme à chaque page, des métaphores à la tonne, de la musique, de la magie. Bref, j’ai bien aimé.

L’amour aux temps du choléra : Venu par erreur sur mon agrégateur Netvibes, alors que le billet de Madame lit datait de 2015, j’ai quand eu le goût de relire. Fait du bien de lire des vraies phrases, longues avec des virgules, des subordonnées. Une histoire qui ne bouscule rien, une intrigue sans violence, autre que celle des sentiments. Délicieusement suranné et puis, même pas. Disons que cet amour passionné ne m'a pas émue, mais qui ne rêve pas d’avoir un Florentino aussi tenace et patient?

Débâcle de Lize Spit (en numérique) : Attirée par les articles élogieux, les étoiles accordées, les prix remportés, il m’a fallu attendre longtemps avant de lire plus qu’un extrait parce qu’il est beaucoup emprunté, numérique ou papier.
Oui, pour les louanges méritées. Oui, pour la forme construite comme un scénario de télé. Oui, pour le récit glacial comme un vent calme avant l’orage.

13 à table : treize nouvelles publiées par certains auteurs chevronnés. Le thème de 2018 (parce que ça fait trois ans, je crois, que le concept existe, voir leur site Internet) est l’amitié. Certaines nouvelles s’en tiennent à ce thème d’autres non. Certaines sont vraiment surprenantes, d’autres ont une chute très réussie, d’autres un peu plus prévisibles, mais toutes agréables à lire.

Quarante-quatre minutes, quarante-quatre secondes de Miche Tremblay : J’étais à la bibliothèque municipale, j’attendais un livre pour une amie. Évidemment, je furetais. Tiens, un Tremblay que je ne me souviens pas avoir lu. Je feuillette. J’emprunte. Je lis. J’aime.

Alors, merci Francine. Merci pour Les femmes qui écrivent vivent dangereusement. Merci pour Hôtel Lonely Hearts. Mais surtout pour m’avoir écoutée. M’avoir parlé de mon blogue. Être intéressée par la lecture et l’écriture.

Alors moi aussi, un seul mot: merci.

site des restos du coeur>>>

mardi 3 juillet 2018

Tomate rouge contre stylo rouge

Depuis quelques jours, je ne filais pas. La tête vacillante, le matin surtout. L’estomac nerveux, comme une barre qui sépare mon corps en deux. Fatigue. Moins d’énergie. Respiration courte.

Question : suis-je stressée?
Réponse à moi-même : comment pourrais-je l’être, aucune obligation, je reviens d’une belle escapade au bord du fleuve.

Est-ce déjà arrivé? Et qu’ai-je fait?
Réponse à moi-même : oh! que oui! Comment oublier les quatre heures d’attente au CLSC. Et le diagnostic : rien, je n’ai rien, rien aux poumons, rien à l’estomac. Juste anxieuse et insomniaque.

Calme tes ti-nerfs, Claude. Respire. Dors. Mange mieux, mange moins, un peu moins de café, un peu moins de vin.
Arrête de te stresser. Dis à ton petit hamster d’aller jouer dehors. Il va crever sous la chaleur.
Personne ne te demande de finir ta révision de ton manuscrit demain matin. Personne ne te demande de te lever à 6 heures. Rien ne t’oblige à y penser 24 heures sur 24. Et puis, écoute-moi bien: tu ne culpabilises pas. Ça ne veut pas dire que tu abandonnes ni ne renonces. Ni que c'est un échec.

Écrire peut-il rendre malade?
Réponse à moi-même : peut-être pas écrire, mais se stresser, oui.

J’ai donc arrêté de me lever à 6 heures, arrêté de corriger mon roman. Et je lis, je butine, je me baigne, je relis, je joue à Candy crush. Avec les ressentis 40 degrés, je demeure dans la maison climatisée. Je me promène sur Facebook.

Et puis, je suis tombée sur une vidéo d’Irène Grosjean qui parlait de médecine de santé et non de médecine de maladies… et surtout d’alimentation. J’ai lu ceci :
En mangeant de la nourriture morte, nous restons dans des fréquences basses : la peur, l’angoisse, la dépression, la contrariété, le négatif. En mangeant de la nourriture vivante et pleine d’énergie, nous avons accès à des fréquences plus élevées : amour, tolérance, partage, développement de l’intuition et de la clarté.
Au lieu d’accuser le stress de tous mes maux, je vais maintenant accuser mon alimentation.
En fait, je n’accuserai rien ni personne. Je ne vais pas commencer, comme d’habitude, à chercher des faux-fuyants. Ni tergiverser. Juste écouter mon corps, il veut du repos, il veut du calme, il peut se guérir lui-même.

Je ne suis pas plus du genre extrémiste et tout couper : produits laitiers, gluten, mets cuits, et me précipiter sur l’achat d’extracteur à jus. Depuis le temps, je sais ce qui calme mon estomac : range le vinier, oublie le café le midi, sort le pot d’eau, cuisine des salades. Troque les biscuits contre une pomme, un ananas, des noix. Tomate rouge contre stylo rouge.

Et puis, oui, pourquoi pas, laisse tes personnages se débrouiller quelques jours sans toi. Ils t'attendront, tu sais bien. Cesse de les nourrir, eux, et nourris l’auteure. 

P.S. à moi-même : tu vois, après trois jours, ça va déjà mieux.

jeudi 21 juin 2018

Au fil des jours, au fil de l’eau


Lundi 11 juin

Jour bleu 
Arrêt à Berthieville
Pour diner avec une amie de longue date
à qui on écrit souvent
à qui on parle rarement
mais qu'on aime toujours autant.
En route
Vent frais
Oiseaux joyeux
Iris en fleur
Lundi tranquille au camping de Beaumont
Le fleuve à nos pieds
Un cadeau.

Mardi 12 juin

Jour de vent
Fleuve brun
Moutons blancs
Passereaux et chevaliers
Lilas et rosiers
Belles maisons ancestrales
À Saint-Vallier
Amours et passions
De nature et de saison
Un mardi heureux.

Mercredi 13 juin

Jour noir et blanc
On retrouve Rivière-du-Loup
Là-bas, à l’horizon, une lumière blanche
Le blanc du ciel, libre de nuages
Le noir du fleuve
Presque le soir
À l’avant, un rocher, une île entre lumière et ombre
Je serais là, assise sur les roches
J’aurais froid à cause du vent
Au bout d’une heure, dans un cahier tout neuf peut-être, j’écrirais
Ce serait facile
Ce serait beau
Ce serait noir et blanc.

Jeudi 14 juin



Jour d’éclaircies
Jour de promenade
De crabes-crevettes et turbot
De fine pluie
De terre imbibée d’eau, la nuit
De feuilles gorgées d’eau, elles aussi
De douces marées
Le soleil, soudain, près du clocher
Venu nous rendre le sourire
Sécher les larmes des arbres
Un jeudi de mots trouvés
De regards tendres
De repos mérité.

Vendredi 15 juin

Jour de fleuve
Un aller-retour entre Rivière-du-Loup et Saint Siméon
Une allée de goélands
Dans un long sillon d’écume
De vent sur les joues
De sourire aux lèvres
Une frite au retour
Au bord du fleuve
Près de l’Indien
Et puis la belle surprise, l’admiration
Presque l’envie
D’une seconde vie
Une petite famille française
En vélo et remorques
Panneaux solaires pour charger leurs batteries au lithium
Raphaël Favrat, c’est son nom
Valérie, sa conjointe
Manon et Lison, les deux fillettes
Il écrit, il publie ses voyages
Je les suivrai jusqu’en Argentine
Sur Facebook du moins.
Un autre jour heureux.


Samedi 16 juin


Jour de soleil
Jour de déplacement
À Sainte-Flavie cette fois
Jour de vaguelettes à nos pieds
De goélands à manteau noir sur un rocher
D’une marche sur la plage
Parfums d'algues
Ramassage de verre poli, de bois d'échouerie
De reconnaissance des lieux si souvent visités
Toujours aimés.

Dimanche 17 juin

Jour de pluie
Un douze degrés frisquets
Promenade le matin
Les oiseaux absents du Gros ruisseau
Quelques cormorans sur les rochers, fidèles et vaillants
Plage déserte
Camping délaissé
La météo nous joue des tours.
Musso aussi : j’aime moins son Appartement à Paris que son Central Park.
Je préfère cent fois mieux Noces de sables de Rachel Leclerc
Qui convient au bord de mer.

Lundi 18 juin







Jour de brume
D’un phoque sur une roche
Jour de dedans
Dans le VR
Dans les magasins
Dans les livres
Et quand enfin, vers 17 heures, le ciel se clairsème de bleu
On peut sortir
Un peu moins fâché contre lui
En guise de pardon, le brouillard se lève en nous offrant
Un arc-en-ciel
et un coucher de soleil exceptionnel.

Mardi 19 juin

Jour de visite à Luceville
De vins et de parlures
De souvenirs, de partages et d’amitié
D’au revoir et à bientôt
C'est sûr.

Mercredi 20 juin

Jour de route
De pluie et de soleil
Jour de traversée de villes
De patience et de panique
De doigts engourdis
D'estomac contracté
De fleuve à rivière
De retour à hier

vendredi 1 juin 2018

L'amitié littéraire d'Yvon Paré et Nicole Houde

Le surligneur jaune est un clin d'oeil à Yvon Paré, le formateur du camp littéraire Félix

Yvon Paré nous fait entrer dans l’univers de la romancière Nicole Houde que je ne connaissais pas. Il la tutoie, il la cite, il l’invite chez lui, il l’écoute, il lui parle. C'est une belle promenade, comme sur la couverture du livre. J’ai marché derrière eux en les écoutant discourir sur leurs personnages, sur leurs familles. Je me suis assise sur un banc public près du Saguenay et comme eux, j’ai eu envie d’écrire près d’un lilas ou d’un érable. J’ai cherché les oiseaux qu’ils observaient. Je suis certaine d’avoir flatté leurs chats. Je suis retournée à Montréal que j’ai connu moi aussi, à peu près au même âge. Au détour d’une rue, j’ai même entraperçu mon père (quand il s’agit d’éditeurs et d’auteurs et d’années 68-69, il n’est jamais bien loin) qui entrait chez Jacques Hébert en compagnie d’Andrée Maillet ou de Nicole Brossard. 

Ils discutent de Laetitia, de Claudia, d’Ulysse, d’Ovide. On ne sait plus trop quand il parle de ses textes à lui ou de ses personnages à elle. Et c’est très bien parce que ça nous donne le goût de nous plonger dans la lecture de quelques-uns des quinze ouvrages de Nicole Houde, mais dans un des quatorze siens, également. Sans parler des quarante-neuf livres qu’il nomme au passage qui vont de Gilbert Langevin à Victor-Lévy Beaulieu, de Virginia Woolf à Marie Cardinal. Yvon Paré nous donne à lire pour les cinq prochaines années!

Ce n’est pas une biographie ni une anthologie. Un peu comme L'enfant qui ne voulait pas dormir, c'est sous forme de carnet que l'auteur nous emmène sut la route de cette amitié littéraire. Et en révélant Nicole Houde, Yvon Paré se révèle aussi. J’ai reconnu le grand homme qui anime un atelier au camp littéraire Félix. J’avais hâte de découvrir cette musique dont il nous a parlé, de lire ce premier paragraphe qu’il peut prendre deux mois à peaufiner.
Je lis le soir. C’est ma façon de terminer le jour, de m’avancer lentement dans la nuit. Sonnerie du téléphone. Jamais personne n’appelle après vint-deux heures. C’est Frédéric : « Nicole… est partie…»
Je ne fus pas déçue : c’est une magnifique ballade (avec un ou deux "l") littéraire.
Un livre pour les amoureux des livres, des auteurs et des mots.

dimanche 27 mai 2018

Une revenante d’entre les mots

(photos Michèle Bourgon)
Cinq jours, six écrivains, dont un formateur et une directrice. Et l’amour des mots. Des mots parlés, des mots écrits, des mots écoutés, des discutés, des surlignés en jaune, des corrigés en rouge. Du matin au soir, notre passion. 

Ce fut le Camp littéraire Félix.

Je reviens d’entre ces mots.
Mon corps a retrouvé le terrain et la maison, les amours et les amis. Et le sommeil.

Ma tête est encore un peu là-bas, près de la chute de la rivière Noire, près des arbres fleuris. J’entends encore le rire de G., la douce poésie de D., les anecdotes de Y., et les folles élucubrations de G. Je vois les mimiques de M. et je m’ennuie des mets épicés et copieux de Martin.

Dans L’orpheline sans visage de notre formateur Yvon, je reconnais la musique dont il nous a parlé. Je trouverai la mienne moi aussi, bientôt, demain.

Seule déception, je n’ai pas encore trouvé le titre. Quelques suggestions, mais rien d’accrocheur. Peut-être mes personnages, une fois leur nouvelle tête mise sur le billot, sauront-ils me le souffler? Parce que c’est certain, Mireille et Dominique ne sont pas revenues indemnes du camp. La transformation ne sera peut-être pas extrême, mais elles ont acquis une confiance qui leur permettra de tasser un peu le narrateur et prendre toute la place qui leur revient. Elles sauront vivre et non pas commenter leur vie. Elles seront au présent, même si l’histoire se passe dans le décor des années 60-70.

Je suivrai la recommandation de Jean Philippe Arrou Vignod : « retournez votre mémoire comme on retourne une poche et vous aurez l’imagination ».

Ce ne sera pas un roman historique, ce que je n’ai jamais voulu qu’il soit, ni un roman social, mais un roman d’émancipation.

Il sera.

samedi 5 mai 2018

Carnet de roman (14)

Un an après le dernier billet de Carnet de roman, je viens encore de penser à un nouveau titre pour ce manuscrit-dont-aucun-éditeur-ne-veut. Le titre contient le mot « tête » cette fois. Si j’y repense, c’est bien sûr parce que je me suis inscrite au Camp littéraire Félix et que pour ce faire, j’ai envoyé la dernière version de mon manuscrit à l’animateur Yvon Paré, avec un titre provisoire. Mais c’est aussi parce que je lis Routes secondaires d’Andrée A. Michaud.

D’Andrée A. Michaud, oui, j’ai lu Bondrée, oui, j’avais aimé pour l’écriture, mais pas assez pour en parler parce que les polars et moi, on ne fait plus très ami-amie. Si aujourd’hui, alors que je n’ai même pas terminé la lecture de Routes secondaires, je sens le besoin d’en dire un mot, c’est non pas tant pour l’histoire un peu compliquée, ni même pour les riches descriptions de la nature, c’est parce que son idée géniale, originale, d’inviter le personnage chez elle m’a frappée. Auteure et personnage assises dans la même pièce. Présent et passé entortillés, réalité et fiction entremêlées.

« Nous devons, Heather et moi, aller au bout de cette reconnaissance silencieuse. […] ne comprenant pas mon acharnement à vouloir discerner mes traits dans ceux ombragés d’une femme que j’invente de toutes pièces, alors qu’elle est aussi vraie que l’histoire que je vis au fil de ces pages. »

Comme la majorité des auteurs, je marche souvent sur une route ou sur une plage en jasant avec mes personnages, mais de là à les inviter dans le roman même!

Depuis plus de dix mois, j’essaie soit d’oublier soit de trouver une nouvelle façon de présenter ce manuscrit-dont-aucun-éditeur-ne-veut (tout comme il y a eu dans les années 2009 la maison-d’édition-qui-n’avait-jamais-dit-non). Soit je l’améliore pour que Vents d’ouest qui a déjà publié les deux premiers tomes (même si le mot ne figure pas sur les couvertures) de la trilogie l’accepte enfin, soit je le réécris comme si les deux premiers n’existaient pas pour qu’un éditeur le trouve publiable. Dans le second cas, comment ne pas répéter ce qui a déjà été écrit?

Le roman d’Andrée A. Michaud me souffle l'idée. Et si je faisais de Dominique, un des deux personnages de mon histoire, une seconde Bridget Bushell, personnage principal du roman Les têtes rousses? Au fond, c’est ça que je veux depuis le début : que Dominique vive les mêmes expériences qu’a vécues Bridget. C'est ça que j'ai écrit, croyais-je. Montrer que c’est possible qu’on revive les mêmes émotions que nos arrière-arrière-grands-parents. Qui sait?

Andrée A. Michaud m’y a fait encore penser en écrivant :
« Le souvenir existe-t-il chez qui vient de naître? Qu’en est-il du passé, en effet, de ces personnages qui débarquent à la page 12 d’un roman alors qu’ils sont déjà trentenaires […] Est-il possible d’expliquer les personnages en fonction de leur hypothétique passé ou leur existence n’est-elle effective qu’à partir du moment où ils entrent en scène? »
On m’a dit souvent de faire confiance à l’intelligence du lecteur alors j’ai cru que les lecteurs verraient que les pas de mes personnages suivent les sillons creusés par son aïeule. Faut croire que ce n’était pas si clair ou si intéressant. Il faut plus. Il faut mieux. Il faut peut-être s’appeler Andrée A. Michaud et avoir publié Bondrée avant.

lundi 30 avril 2018

Le Festin de livres, toute une histoire!

Lire, toute une histoire, thème du deuxième Festin de livres


Quatre jours au milieu d’un festin de livres. À les placer, les trier, en choisir, en feuilleter, en parler.
Quatre jours, le corps, le cœur et la tête dans les livres.
Des nuits un peu agitées.
Des jours d’adrénaline.

Deux jours de préparation, d’installation des salles, de décoration de l’accueil, de montage de tablettes pour les livres d’occasion. Et deux jours de participation en compagnie d’autres auteurs ou organismes.
À parler écriture, inspiration, histoire, généalogie, roman, habitudes de vie.
À écouter les invités de la table ronde.
À écouter les textes gagnants du concours d’écriture.
À me réjouir de la salle pleine d'enfants et de parents pour assister à une pièce de théâtre.
À apprendre comment fonctionne Wikipédia.
À prendre des photos pour le Centre d’action culturelle.
À faire le tour des tables, à reconnaître la plupart des participants, et dire un bon mot à tout le monde.

Me faire appeler auteure, me faire présenter comme auteure. C’est bien moi celle dont vous parlez?
Me sentir tellement à ma place. Dans un événement à ma mesure.
Pendant quatre jours, être gâtée, reconnue. Heureuse et, inhabituel chez moi, confiante.
Dans un plus grand Salon du livre, pendant quoi, une heure ou deux, j’aurais été anonyme et bien seule. Oui, il y aurait plus de visiteurs, mais pas devant ma table.

Bien sûr, autant les organisateurs, les auteurs, les participants voudraient toujours plus d’achalandage.
Bien sûr, on veut que tout le monde ait un grand sourire de contentement.
Bien sûr, on souhaite toujours le meilleur succès à ce genre d’événement.
Bien sûr, il peut toujours y avoir plus ou mieux ou différent.
Bien sûr, il y en aura toujours qui calcule tout en chiffres.
Et aussi bien sûr, la déception ou la satisfaction d’un tel événement appartient à chacun selon ses propres critères, ses propres attentes, ses propres calculs.
Personnellement, je ne regrette aucune minute de ces quatre jours de grand festin.

J’ai vécu un super beau Festin de livres :
parce que l’enthousiasme, la créativité et l’énergie des infatigables Catherine et Émilie du Centre d’action culturelle nous entraînaient dans un tourbillon de confiance;
parce que les membres du comité de ce Festin et les bénévoles ont été présents, souriants, travaillants, efficaces, appréciés et accueillants;
parce que n’ayant pas de nouveauté à offrir, je n’avais pas d’attente, alors je suis bien heureuse d’avoir vendu deux livres, un tel événement c’est tellement, mais tellement plus que la seule vente de nos créations;
parce qu'un tel événement donne de la visibilité à des auteurs, des maisons d'édition et des organismes qui n'ont pas nécessairement les moyens de s'offrir les grands événements d'envergure provinciale;
parce que j’ai pu me procurer la revue LQ sur Marie-Claire Blais sans avoir à me déplacer;
parce que j’ai trouvé un livre d’occasion, L'obéissance de Suzanne Jacob;
parce que finalement pendant ces quatre jours, j’ai vécu ma passion de manière très gratifiante.

Aujourd’hui, même si un doux et bienfaisant silence a pris la place du joyeux brouhaha, même si le corps se repose de ses efforts physiques, l’esprit, lui, me souffle encore des images et surtout des mots. Quant au cœur, lui aussi profite encore du royal Festin de livres qu’il a connu ces quatre derniers jours.

mercredi 25 avril 2018

Qui dit livres dit auteur.e.s

organisé par le Centre d'action culturelle MRC de Papineau
Une partie de la salle du Festin de 2017, avant que les visiteurs cachent toutes les tables.
Dans trois jours, le Festin de livres à Saint-André-Avellin. La fête sera belle, le festin sera copieux, les livres seront tentants, les auteurs seront accueillants.

En plus des activités organisées dans le cadre de Festin de livres qui aura lieu les 28 et 29 avril, vous pourrez rencontrer des auteur.e.s. Seul.e.s devant leur cahier, leur ordinateur, ils ont imaginé, cherché, écrit, corrigé, publié. Maintenant, ils ont des histoires à raconter, des livres à proposer, des passions à partager.

Ils viennent de la Petite-Nation ou de Gatineau ou d’Ottawa ou des Laurentides et ils viennent nous rendre visite, chez nous.
Et l’entrée est gratuite.
Leurs livres parlent de nos ancêtres, de gens qui ont vécu ici et ailleurs.
Leurs romans racontent la vie, l’amour, des rêves possibles et même impossibles.
Leurs histoires s’adressent aux jeunes, aux ainé.e.s, à tout le monde.

Voici la liste des exposants

Livres jeunesse :
Emmanuelle Bourgault
Marc Scott
Louis Tondreau-Levert
Louise Gauthier
Les éditions Mine d’art

Romans grand public ou essais :
Claude Drolet
Liliane L. Gratton
Nicole Fontaine
Linda Lavoie
France Lussier
Michel Massuard
Marie Paquette
Jean-Guy Paquin
Claude Lamarche
Les éditions 4 ½

Aux tables de l’Association des auteures et auteurs de l’Outaouais et de l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français, vous pourrez rencontrer, entre autres,
Andréanne Déziel-Huppé
Lise Careau
Marc Couture
Cécile Beaulieu-Brousseau
Andréanne Déziel-Huppé
Andrée Lavoie
Raymond Ouimet
Nicole Lafontaine

Les organismes qui offrent livres ou documentation sur l’histoire et le patrimoine de la région :
Patrimoine Papineauville
Patrimoine Ripon
Patrimoine Gatineau
Municipalité de Duhamel
Société historique Saint-André-Avellin
Société historique Louis-Joseph-Papineau
Claude Crégheur sur le patrimoine forestier et le patrimoine allemand

Après leur conférence, vous pourrez également rencontrer Jean Boisjoli, Julie Huard et Blaise Ndala.

Dites-le aux autres, dites-le à vos amis et même vos ennemis.
Ne croyez pas ceux qui disent que lire est une perte de temps. Lire c’est voyager, c’est jouer… avec les mots, c’est apprendre, c’est comprendre, c’est même aimer.

dimanche 22 avril 2018

23 avril, Journée mondiale du livre et du droit d’auteur

Le 23 avril, je choisis un livre
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Je n’ai rien d’une polémiste, je laisse d’autres débattre sur les droits d’auteurs, voter et faire appliquer les lois. Mais comme avec toute loi, j’ai de la difficulté avec celles qui ne sont pas claires, celles qu’il est si facile de contourner, sous prétexte que la culture doit être libre et gratuite. 

À ma façon, je choisis de souligner la Journée mondiale du livre et des droits d'auteur.
En choisissant un livre. En toute légalité.

Le 23 avril, comme tous les jours de l’année, alors qu’il y a encore de la neige dans les bois, alors que les outardes se posent dans les champs, au bord de la rivière des Outaouais, heureuses d’avoir survécu au long voyage, je choisis un livre parce qu’il y a des auteurs qui savent si bien écrire la nature, l’Histoire, la douleur, l’amour, les rires, la vie.
Hier, Romain Gary, aujourd'hui celui-là, demain un autre.
« Puis deux motoneigistes étaient arrivés, qui ne savaient pas qu’ils croiseraient une jeune femme sur la piste et qu’ils perdraient la tête en la voyant, qu’ils lui arracheraient son manteau de toile et devraient vivre avec les contrecoups de cette folie jusqu’à la fin de leurs jours sans personne à qui avouer leur crime, à qui raconter leurs cauchemars, sauf à cet autre homme, ce compagnon à l’origine des cauchemars, qu’ils se prendraient à détester et ne pourraient plus supporter qu’en ces soirs désœuvrés où l’alcool les réunirait dans la molle vulgarité de leurs blagues éculées ou, au contraire, dans l’impétueuse nécessité des insultes que leur arracherait leur passé coupable. »
Les routes secondaires, Andrée A. Michaud

Le 23 avril, je choisis un livre pour remercier tous les organismes, de l’Uneq, à l’Anel, à Copibec, des auteurs, aux journalistes, aux traducteurs, aux éditeurs qui œuvrent à faire avancer et respecter le droit d’auteur.

Je choisis un livre dans les librairies, dans les bibliothèques, papier ou numérique, un livre pour lequel son créateur a été justement rémunéré.

Cette année, le thème est 1001 raisons de choisir un livre. Aujourd’hui, la lectrice autant que l’auteure choisissent un livre pour au moins dix raisons (sans ordre) :
Comme confident.
Comme enseignant.
Comme mentor.
Comme psychologue.
Comme accompagnateur.
Comme somnifère.
Comme stimulant.
Comme consolateur.
Comme compagnon de voyage.
Et toujours comme ami.

Site de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur >>>
http://www.journeedulivre.ca/

jeudi 19 avril 2018

Festin de livres

Le Festin de livres s’en vient. Le thème de cette année : Lire, toute une histoire.
Les 28 et 29 avril, pour une deuxième année, le Centre d’action culturelle de la MRC Papineau présente cet événement au complexe Whissell de Saint-André-Avellin. À quinze minutes de chez nous. Dans ma Petite-Nation.

J’y serai comme auteure, mais j’y serais de toute façon. Là où il y a des livres, là sont mes pas.
Du théâtre pour enfants avec Lorraine David,
un atelier d’écriture avec Bernadette Gilbert,
un atelier conférence sur Wikimedia avec Jean-Philippe Béland,
un entretien avec trois auteurs de l’Association des auteurs et auteures de l’Outaouais (Jean Boisjoli, Julie Huard, Blaise Ndala) animé par Carl Bernier,
un atelier sur les récits en images avec André Saint-Georges,
sans compter la grande popularité de l’échange de livres d’occasion,
et bien sûr jaser avec la trentaine d’auteurs ou de responsable d’organismes,
bref, de quoi passer deux jours formidables, la tête dans les livres.

J’ai hâte, c’est certain, mais je stresse un peu, et ce n’est que ce matin que j’ai compris pourquoi.
Pendant vingt ans (dont les cinq premières comme co-propriétaire avec les membres de ma famille), j’ai travaillé dans un hebdomadaire régional, et pendant treize ans ensuite, j’ai été co-propriétaire-graphiste-rédactrice-distributrice d’un guide touristique. C’est dire que chaque semaine, chaque mois, chaque année j’espérais que ça marche, qu’il y ait des entreprises pour acheter de la publicité, pour qu’on puisse payer les factures, les salaires. Je voulais qu’on réussisse à promouvoir la région, que les citoyens, les entrepreneurs, les marchands, les villégiateurs, bref que tout le monde soit content du produit offert. On a travaillé fort, on en a arraché, il y eut de bonnes et de moins bonnes années, il y eut des pleurs et des rires, des réunions plaisantes et d’autres sacrificielles, des nuits d’insomnie et des jours victorieux. Bien sûr, tout ne reposait pas sur mes épaules, mais je prenais à cœur la réussite et le succès du journal et du guide.

Alors voilà, le Festin du livre, c’est ça, je veux que ça marche. Qu’il y ait tout plein de monde qui vienne, qui participe, qui aime, qui revienne, qui en parle, qui échange, qui achète. Ce n’est pourtant pas mon bébé, mais parce que c’est chez nous, parce qu’un jour, j’ai présenté l’idée d’un événement autour du livre, je me sens un peu responsable, comme du temps du journal et du guide. Je suis comme ça : plus j’aime quelqu’un ou quelque chose, plus je prends ça à cœur, et je lui souhaite le meilleur, une belle vie, longue et réussie.

Je félicite et remercie le Centre d’action culturelle d’organiser cet événement qui touche tellement ma passion des livres. Catherine et Émilie, votre enthousiasme et votre travail m’insufflent confiance et énergie.
Alors, c’est certain les 28 et 29 avril, je serai à vos côtés pour vivre toute une histoire!








dimanche 15 avril 2018

Lire un extrait avant de choisir

revue Les libraires
Bien sûr, comme tout le monde qui vit au nord du 50e parallèle, j’ai hâte de pouvoir passer plus de quinze minutes sur une galerie ou sortir sans bottillon ou laver mon auto pour voir sa couleur réelle. Bref, j’ai hâte que la neige disparaisse, que le blanc et le brun sale laissent la place à toutes les nuances de vert.

Mais aurai-je autant de temps pour lire? Je délaisserai peut-être la lecture et l’écriture pour le voyage? Ou pour ramasser les aiguilles de pin, brûler les branches tombées cet hiver, et faire disparaître tout ce cailloutis laissé par les passages de la charrue.

Pour l'instant au lieu de craindre ce verglas tant annoncé, je me réjouis de l’abondance de romans que la dernière revue Les libraires offre à mon appétit insatiable. Est-ce moi ou il se publie beaucoup plus de livres qu’à mes vingt-trente ans?

Honneur également à Kobo : liseuse ou site. Six mois que j’ai ma liseuse, j’ai découvert depuis peu l’outil « trouvez votre prochaine lecture ». Probablement ajouté pour promouvoir l’achat de livre via un compte Kobo, mais moi, je l’utilise principalement pour lire des extraits. Merci à tous les auteurs qui, dans leur contrat d’édition, acceptent que des extraits soient publiés. Parfois de cinq pages, mais jusqu’à 30-40 pages. C’est appréciable, assez pour savoir si je veux me procurer le roman.

Donc, dès que je vois dans une revue, un journal, un blogue qu’on parle d’un roman, qu’on pique ma curiosité parce qu’on en dit du bien, qu’on lui décerne un prix, ou parfois parce que le sujet m’intéresse, je délaisse ma tablette pour ma liseuse.

Ainsi rien que cette semaine, j’ai lu des extraits de :
Royal de Jean-Philippe Baril Guérard
La femme de Valence d’Annie Perreault
Si tu passes la rivière de Geneviève Damas
Sentinelle de la pluie de Tatiana de Rosnay
Vous écrivez? Le roman de l’écriture de Jean-Philippe Arrou-Vignod

Frustration évidemment devant l’absence de Débâcle de Lize Spit publié chez Actes Sud. J’essaie de comprendre les raisons de ces quelques éditeurs, dont Actes sud et Lémac entre autres, à refuser de fournir (est-ce le bon verbe?) leurs livres numériques (parce qu’ils publient quand même en numérique) à pretnumerique.ca. Je me demande s’ils ont vérifié si ça vaut encore la peine? Si leurs raisons premières valent encore? Sont-ils moins piratés? Les auteurs sont-ils toujours d’accord? Est-ce moi qui deviens comme ces jeunes qui croient que tout livre, toute musique, toute œuvre d’art doit être accessible gratuitement au public? Pourtant non, j’espère que non. J’espère de tout mon cœur d’auteure que les auteurs dont les livres se retrouvent sur la plateforme pretnumerique sont payés à juste titre pour leurs romans numériques. J’ai hâte de voir une étude à ce sujet.

Encore heureux (non c’est faux) qu’on ne parle pas tant de livres dans les médias, je trouve que je ne lis pas le quart de ce qui m’intéresse. Comme pour toute nourriture, je dois choisir et je dois surtout apprendre à manger lentement, à manger moins et mieux. Surtout qu’avec la BANQ ou réseau Biblio Outaouais, mes deux approvisionneurs, je suis limitée à trois semaines pour lire. Je délaisse donc certaines lectures pour en privilégier d’autres. Les critères de sélection sont souvent aléatoires, souvent le nombre de pages, parfois le style.

Ainsi, entre Les loyautés de Delphine de Vigan et La bête creuse de Christophe Bernard c’est Delphine de Vigan qui a gagné. Entre La bête creuse (j’ai essayé à nouveau) et La promesse de l’aube de Roman Gary, c’est ce dernier qui a remporté parce que j’ai encore de la difficulté avec ce genre de phrases quand elles sont dans la narration : « quelques curés bénévoles quand il coachaient », « Faque tu te lèves », « ses frères jobaient à la scierie », « Labatt avait été obligée de clairer deux employés ». J’ai nettement préféré « si ma mère avait eu un amant, je n’aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine ». Oui, je sais, je suis vieux jeu. Pourtant je veux, j’essaie, j’accroche souvent. Je cherche surtout à comprendre, à me psychanalyser pour savoir si c’est de la jalousie, de l’envie, du snobisme, de la résistance. Et puis, je me dis qu’on peut bien préférer la framboise à la fraise sans nécessairement chercher à remonter à son enfance pour savoir pourquoi. Et je sais aussi qu’un jour prochain, je goûterai aussi à quelques fraises… à moins qu’une autre talle de framboises m’attire.

Faut-il dire que La promesse de l’aube de Roman Gary c’est joyeux, ça fait du bien : pas de meurtre, pas de conflit, pas de tare, même pas d’amour contrarié. Non, qu’un bel hommage d’un homme à sa mère. Comme un goût de printemps où tout sera beau et doux.

Devant tant d’abondance de publications, quels sont vos critères de choix?

samedi 7 avril 2018

Le moi du dedans n'est pas celui du miroir

Aujourd’hui, ce n’est qu’une date. Inscrite sur des papiers d’identité.
Ce n’est qu’un jour.
Ce n'est qu’une heure écrite sur une page signée par un médecin et les deux parents : 3 h 15.

La femme qui a poussé ce jour-là, à cette heure-là, pour que je voie le jour, et dont j’ai déchiré le corps en sortant d’abord les pieds, la vieille dame aux cheveux encore gris dont j’ai tenu la main tavelée quand elle est morte la bouche ouverte ne sont plus là. Entre les deux ma vie. Ma courte vie. Pourtant, ma mère est encore dans mes rêves, dans mon sang, dans mes os.

Je sais que le temps a commencé avant moi. Je sais aussi que des milliards de personnes ont vécu avant moi. Et sûrement autant après. Pourtant, je suis un peu de tout ce temps, de tous ces gens.

Dans mon esprit, je ne suis pas celle qui est sur les photos prises chaque année à cette date. Sur ces photos et devant le miroir, je ne suis que l’instant présent, je ne suis qu’un visage — au début poupin, maintenant plutôt ridé —, une infime partie de ce que je suis.

Mon corps a un âge, il compte les jours, il calcule le temps. Il a déjà couru, il marche maintenant. Il a eu un passé, et son futur s’amenuise.

Mon corps a un âge, pas moi. Pas le moi du dedans. Pas le moi qui lit et qui écrit. Tant qu’il pourra lire les mots de tous les temps, de tous les lieux, de toutes les races, tant qu’il pourra écrire tous les mots de tous les imaginaires, de tous les souvenirs, de toutes les libertés ou de toutes les prisons, de tous les siècles, ce moi n’aura pas d’âge.

Alors aujourd’hui, ce n’est qu’une date, je ne remarquerais même pas le changement de chiffre si je ne lisais pas les mots d’amitié que certain.e.s adressent au moi du miroir, et d'autres au moi du dedans qui n’a pas d’âge auquel je leur donne parcimonieusement accès.