vendredi 19 mai 2017

Le bal des absentes pour se rattraper dans ses lectures

Avant de parler du livre lu, je veux expliquer pourquoi je l’ai aimé. Pourquoi il m’a attiré.
Parce que je suis femme, oui. Parce que j’aime la littérature, oui. Mais encore.

Il faut remonter en 1967. Avais-je lu un roman québécois? À la maison, mon père, qui en était à ses balbutiements d’écriture romanesque, assistait aux lancements chez Fides, Beauchemin, Cercle du Livre de France (futur Éditions Pierre Tisseyre après 1975) et surtout Éditions du jour de Jacques Hébert, il rapportait donc des Yves Thériault, Hubert Aquin, Roch Carrier, Jean-Marie Poupart, Hélène Ouvrard, Nicole Brossard, Marie-Claire Blais, Claire Martin et quelques autres. Je feuilletais, je peinais à la tâche. J’en lisais très peu parce que trop différent de ce à quoi j'étais habituée. Tellement, mais tellement loin de mes lectures scolaires et même celles de grasses matinées de la fin de semaine.

Mais en classe, avais-je lu un roman québécois et un roman d'une auteure? Jamais. Jusqu’en 1967 justement. Quand notre professeur de français osa nous proposer Salut Galarneau de Jacques Godbout. 
Et comme auteures, avec un « e », comme écrivaines, avec un « e », qui ai-je étudié? À part Les chambres de bois d’Anne Hébert? Rien, aucune autre. Ce n’est donc pas en classe que j’ai découvert Simone de Beauvoir (on étudiait Sartre, Camus), Violette Leduc, Marie-Claire Blais, Nicole Brossard, Marguerite Duras, Colette, Gabrielle Roy, Germaine Guèvremont. Et à chaque décennie, j’ai aimé lire ce qu’écrivaient les femmes. Je n’ai pas tout aimé, pas tout compris. Je ne les étudiais pas, je lisais par plaisir.

Voilà donc pourquoi j’ai plongé dans Le bal des absentes: pour voir ce qu'on étudie -- ou non-- aujourd'hui. 

Julie Boulanger et Amélie Paquet sont deux professeures de cégep qui ont constaté que « les œuvres rédigées par les femmes occupent une place marginale dans les corpus littéraires ». D’abord dans leur blogue (lien à la fin), puis dans un essai qui réunit quelques-uns de leurs billets, elles nous proposent différents titres de ces autrices (c’est le mot qu’elles utilisent) parfois méconnues.

Faute de retourner sur les bancs d’école, j’ai adoré lire cet essai. Nous avons tous eu un ou deux professeurs qui nous ont fait aimer l’histoire ou les mathématiques ou la littérature. Nous en avons aussi eu, malheureusement, qui nous ont fait détester ces mêmes matières. En lisant Julie Boulanger et Amélie Paquet, j’avais l’impression de lire différemment. De voir autrement certains romans que je connaissais et d’autres que je découvrais. De faire un peu de rattrapage.
De plus, elles nous racontent leur vie de professeurs, ce qui n’est pas pour me déplaire, moi qui le fus quelques années. Le monde de l’enseignement ne m’a jamais véritablement quittée. J’espère être curieuse jusqu’à ma toute dernière journée. 

Dans Le bal des absentes, il suffit de consulter la table des matières pour connaitre les autrices et les titres dont il est question :

Bye Bye Blondie de Virginie Despentes
Une mort très douce de Simone de Beauvoir
Demoiselles-cactus de Clara B.-Turcotte
Folle de Nelly Arcan
La cloche de détresse de Sylvia Plath
Autour de ton cou de Chimamanda Ngozi Adichie
Mettre la hache de Pattie O’Green
Je voudrais qu’on m’efface d’Anaïs Barbeau-Lavalette
Aucun lieu, nulle part de Christa Wolf
La femme qui fuit d’Anaïs Barbeau-Lavalette
Bonjour minuit de Jean Rhys
Car l’adieu, c’est la nuit d’Emily Dickinson
Le ciel brûle suivi de Tentative de jalousie de Marina Tsvetaeva
La Marquise de Sade de Rachilde
« Trois femmes » de Monique LaRue
Carol de Patricia Highsmith
L’invitée de Simone de Beauvoir
Tête Blanche de Marie-Claire Blais
Femme, réveille-toi ! d’Olympe de Gouges
La plongée de Lydia Tchoukovskaïa

Quels sont les titres que j’aurais pu étudier, fin des années '60, si tant est qu’un professeur se soit donné la peine de les mettre au programme? Peut-être deux. Aurait-il pu en trouver d’autres? Sûrement. Comme j’ai été une lectrice autodidacte par la suite, encouragée par des parents grands lecteurs eux aussi, j’en ai connu plusieurs autres. Mais de cette liste? Moins de la moitié : neuf sur vingt. 

Voilà une des raisons qui m’ont fait aimer ce livre que j’ai dévoré à petites doses comme si j’assistais à un cours chaque fois, à raison de deux ou trois cours par semaine : les deux professeures m’ont donné le goût de m’intéresser aux onze autres. Je les ai lues avec amour comme je les écouterais sûrement si j'étais dans leurs classes. Et j’ai fait mes devoirs, j’en ai commandé plusieurs à la bibliothèque et quelques autres trouvés en numérique.

Dirais-je ma première déception? Une déception que j’ai oubliée rapidement une fois plongée dans la lecture : la couverture. Pas l’illustration qui, finalement, attire l’œil avec son jaune éclatant. Pas le fait qu’il n’y a ni titre ni nom des auteures sur la couverture, je l’ai remarqué sans plus. Non, le carton. L’épaisseur du carton, le nombre de points. Et probablement le fini mât qui fait que le moindre frottement devient égratignure. C’est sans doute un choix éditorial de la maison d’édition La mèche. Ou peut-être des auteures également. Ça fait nouveau, ça intrigue. Mais je dois avouer que ma première pensée fut le rapport qualité-prix. Et puis, je suis passée au contenu qui m'a fait tout oublier. Qui nous amène à l’essentiel : ces autrices qu’on pourrait étudier au cégep… ou lire pour le plaisir de savoir que la littérature n’est pas que monde d’hommes.

4 commentaires:

  1. Ça y est! J'ajoute ce livre à ma liste de lecture. ;) Merci de ton partage.

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  2. Merci pour cette belle critique! J'ai beaucoup entendu parler de ce livre et tu me donnes envie de le découvrir!

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    1. Un livre qui donne le goût d'autres livres, c'est toujours inspirant.

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