mercredi 7 mai 2014

Tribulations d'un écrivaillon

« Auteurs, lisez, lisez » Tous les grands, les reconnus, les professeurs nous le disent, nous le suggèrent fortement. Comme un devoir, un passage obligé. Comme si, plus vous lisez, mieux vous écrivez. Mieux ou plus facilement? Exercice de l’esprit, assouplissement du cerveau? 

La belle affaire, lire les autres, ce n’est pas vrai que ça nous aide. Moi, ça me jette par terre. K.O. Du mal à me relever, du mal à m’en remettre. L’esprit a mal partout, le cerveau est ramolli, devient bouillie, la concentration fout le camp, le vent du doute balaie tous les efforts.

Encore hier, j’ai eu le malheur de feuilleter un livre de Sonia Marmen, pour trouver différentes transitions. Je me disais que dans les mille pages d'un tome (moi qui ai de la difficulté à pondre deux cents pages), j'en trouverais bien quelques-unes de ces transitions de malheur qui me font tant défaut, qu'on me réclame. Aujourd’hui, je récidive avec le dernier roman d’Agnès Gruda. Les deux extrêmes dans le choix des phrases, pas rapport les deux, mais les deux me pétrifient. 

Remède drastique : le jeûne complet. Oublie les autres livres. Ne lis pas. Juste ton texte. Enferme-toi, oublie le monde. Le ciel est bleu, le ciel est gris, et alors? Aujourd’hui, ton texte est noir sur blanc, tes corrections en rouge fort. Rien d’autre. Tu ne sors pas tant que tu n’as pas fini ton assiette, pas de dessert.

« Écrivez avec vos tripes », aussi, qu’ils rajoutent ces critiques, ces grands conseillers, ces éditeurs avec ou sans le titre. Faut croire que les miennes ne sont pas encore assez à l’air. Pas accessibles. Pas assez remuées. Ces jours-ci, j’écris plus avec Antidote qu’avec mes tripes. 

Je corrige un chapitre, une page, un paragraphe, une phrase. Je cherche le mot juste, la cooccurrence. Je supprime une phrase, un paragraphe, irais-je jusqu’à biffer une page entière? Je remonte cinq pages en arrière parce que plus rien ne se tient. Albertine ne peut pas être célibataire en 1922 et avoir eu un enfant en 1906. Comment ne l’ai-je pas vu? Mais j’y tiens à cette puritaine, à cette bigote d’Albertine. Alors, ce sera sa sœur Marie-Louise. Vingt pages à revoir. Heureusement il y a CTRL F, rechercher-remplacer.

J’imprime un chapitre. Je le lis à haute voix pour mieux voir l'ensemble. Sur papier, je corrige, j’annote. Entre les lignes, dans les marges, et au verso. Pour dix lignes, deux questions, trois vérifications, quatre ratures. Alouette.

J’avance, je recule. Je fonce. Sans émotions, sans mes tripes. 

Peut-être à la prochaine révision. Une autre, juste pour me jouer dans le cœur, et dans celui des personnages. 

6 commentaires:

  1. Hé Claude, on les sent très fort, tes émotions, dans ce billet...

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  2. Je seconde Andrée, vraiment !
    Excellent billet. Tu sembles bien installée dans cette bulle si importante pour qu'un écrivain avance. Ça va porter fruit, c'est sûr ! :)))

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  3. Euh, mais tes tripes-là, elles sont dans ce billet. Ça veut dire que tu en as, et qu'elles sont proches.

    Mais vois-tu, quand "ils" disent de lire, c'est pas pendant mais avant. Pas mal sûre de ça. Je dirais aussi que le prérequis est de lire sans vouloir rien en retirer. Pas par le cerveau en tout cas.

    Moi, je suis sûre que tu en as des tripes.

    Autre chose, on se voit plus et on ne peut plus voir son oeuvre un moment donné, tu en es là. Mais tu continues, tu persévères, bravo, comme plusieurs autres qui sont ou seront publiés. Tu fais ce qu'il faut faire, bravo encore.

    Et maintenant, va prendre une marche.

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  4. Merci de vos justes observations et de vos sincères encouragements.
    Écrire un court billet avec ses tripes, assez facile, mais tout un roman? Et surtout à la troisième personne, il y a une distance que je n'ai pas avec mon je-moi-même.
    Mais, foi de tête-pas-rousse, je vais y parvenir.

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  5. Comme dit Venise, faut lire avant, pas pendant. (Pendant, faut lire le dernier polar facilement assimilable, une bd ou tout autre truc pour se détendre, rien pour se décourager!)

    Et pour ce qui est des tripes, faut les mettre à petites doses dans le texte. Comment ce personnage à la troisième personne ressent-il physiquement ses émotions?

    Élisabeth Vonarburg nous dit toujours de parler des sensations corporelles de nos personnages, parce que le point commun entre le lecteur, l'auteur et le personnage, c'est qu'ils ont tous un corps.

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  6. Merci Gen.
    Pour la lecture avant, je le sais pourtant. Ça m'arrive rarement,trop curieuse.
    Pour les sensations corporelles: tu es toujours de bon conseil. Je le sais intuitivement, c'est même noté dans mon plan, chacun a une faiblesse du corps: mal au ventre, mal à la tête, même des tics. Il s'agit de s'en rappeler en cours de route et surtout, dans mon cas de diversifier.

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