Impudique a-t-on dit de ce livre. Pourquoi ? Pour un roman, c'est pourtant ce que l'éditeur attend, ce que le lecteur recherche. Elle a osé. Elle a écrit avec ses tripes et son cœur ce qui fait que ça nous touche aux tripes et au cœur. Elles ont écrit ce que je n’oserais jamais dire, comme pour refuser de m’avouer que j’y pense. Comme si elles avaient écrit pour moi, je les en remercie. En quelque sorte, elles me permettent d’avoir moins honte, de me sentir moins coupable d’avoir, à une certaine époque, détesté mes parents, d’avoir détesté le couple, le modèle qu’ils m’ont obligée à regarder. Sophie Thibault surtout, parce que bien entendu je prends la part de la fille. Pourtant je ne devrais pas prendre la part de personne. Monique aussi a été une petite fille. Rien à voir avec le fait qu’elles soient toutes deux des personnages publics, l’une plus que l’autre puisque à la télévision. J’aurais autant pleuré, j’aurais autant admiré si elles avaient été deux parfaites inconnues. Peut-être n’aurais-je pas été aussi curieuse de ce livre ? Et même si j’avais eu des photos des deux protagonistes, aurais-je trouvé Sophie aussi belle ? Pourtant un sourire triste. Ou les yeux.
Si je ne me suis pas identifiée à la maladie, à la culpabilité sûrement, sauf que la mienne n’a pas commencé à 10 ans. Identifiée à la petite fille devant le couple. Identifiée aussi à l’adolescente qui rêve de liberté. À la jeune fille qui cherche des réponses dans la religion et la psychologie. Identifiée à la femme qui n’a pas tellement envie de mettre des enfants au monde. Identifiée à la femme aussi, tellement identifiée que je transpose et que je trouve ma mère, un matin, complètement confuse, complètement grimaçante, qui devient dépendante, incontinente du jour au lendemain. Parce qu’elle était tombée, parce qu’elle a eu une infection urinaire et que personne ne nous a dit que ça arrive souvent quand la malade a une sonde. Un frère et une sœur (autre identification s’il en faut) catapultés dans un univers inconnu, devant des mots dont ils ignorent et le sens et l’importance. Identifiée à l’aidante naturelle qui arpente les murs d’un CHSLD, qui sent, qui entend, qui voit, qui attend, qui espère, qui se réjouit d’un sourire, qui essaie de ne pas montrer sa tristesse quand sa mère ne file pas.
Un livre qui, sait-on jamais, m'aura montré comment parler des relations mère-fille, père-fille, avec émotion, compassion. Un livre qui m'aura fait pleurer, c'est déjà ça.
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