Le 12 août, j’ai acheté québécois. La femme qui rit de Brigitte Pilote.
Je ne me rappelle plus comment Brigitte Pilote est apparue dans mon Facebook, mais une auteure québécoise, un roman publié en France (l’utilisation des mots comme « bourg » et « couffin » le prouvent) : déjà une curiosité.
Le titre : bien sûr tout de suite j’ai pensé à La femme qui fuit. Sûrement pas un hasard, mais bon, pourquoi pas.
Les bottes sales de la page couverture appuient le « portrait d’un monde terrien » signalé au dos du roman.
Je suis avertie.
J'ai plongé dans les vingt premières pages. Puis j'ai délaissé au profit de deux autres titres.
Il m’arrive souvent de lire deux ou trois livres de front. Selon mes humeurs. Selon ma concentration.
Il m’arrive aussi de ne pas tous les terminer.
Une fois quelques émotions intenses passées, le calme revenu, l’été s’achèvait. Après quelques sorties, j'ai retrouvé ma campagne... et celle de la servante des Sever — père et fils. Une servante qui n’a pas de nom et qui, malgré le titre, ne rit ni ne sourit.
En quelle année et en quels lieux le roman se passe-t-il? On ne saura jamais. Et je suppose que pour l’auteure, c’est voulu. En revanche, le style d’écriture dense et sans dialogue, le choix des mots autant pour les vêtements que pour l’état d’esprit des personnages déstabilisent au début. Tellement différent des premiers romans de nos jeunes auteur·e·s qubécois·e·s qui utilisent plutôt un parler oral, un langage cru, des phrases courtes.
Pendant plusieurs pages, j’ai vu la région rurale, la lenteur des gestes des nouvelles de Maupassant. Les couleurs de la paysannerie de Millet. Pas du tout la misère des Canadens français des années d'après-guerre. D'ailleurs Brigiette Pilote a tellement réussi à décrire cette vie que je ne trouve pas les mots pour résumer l'état d'esprit des protagonistes. Une fois ce choix de l’auteure accepté, on embarque ou non. L’intrigue est suffisamment intéressante, on veut savoir ce qu’il advient des trois personnages : le père veuf qui vieillit, le fils handicapé au cœur lourd, et la servante qui aime la terre plus que les hommes. On connait le point de vue de chacun, je ne me suis identifiée à aucun, mais je les ai vus accepter leur destin, non comme une résignation ou un fatalisme, mais comme moi en ces temps de pandémie : «c’est la réalité, on vit un jour à la fois et si possible avec le sourire aux lèvres. Tant mieux si on rit».
Une autre lecture qui dépeint aussi un univers clos et un personnage effacé, discret, réservé, mais oh! combien intéressant à suivre: Traverser la nuit de Marie Laberge.
J’avoue que je boudais un peu Marie Laberge depuis quelques années. Ses histoires ne me rejoignaient plus. Il a fallu toute la persuasion de Laurence de mon cercle de lecture pour me convaincre de prendre le livre dans les mains. Quatre pages ont suffi. Je n’ai plus lâché le livre. Et quelques larmes en signe de vives émotions.
La 4e couverture dit l’histoire : Emmy, femme étrange, qui ne réclame jamais rien. Jacky, batailleuse acharnée qui ne craint plus rien. Raymonde et ses trésors culinaires à l’image de son humanité. Le livre raconte les choix, les fuites, les réactions, les pensées d’Emmy dans un superbe crescendo d’allers et retours dans son passé. Tout le talent de Marie Laberge nous offre une fin qui explique tout.
Avec des phrases comme des maximes qui peuvent sûrement s’appliquer à bien des vies. Dont la mienne.
« Il y a des victoires qui ne valent pas la guerre qu’elles ont coûtée. La seule vraie victoire, c’est de tourner le dos à ceux qui nous font la guerre. »Et puis comme «je ne me suis jamais sentie aussi proche de moi-même qu’en lisant les mots d’un autre», et «quand nous parlons d’un livre, ce n’est pas seulement de ce que nous avons lu que nous parlons, mais de nous-mêmes», c’est certain, je le savais avant même d’avoir ouvert le livre : j’ai ADORÉ La libraire de la place aux herbes de Éric de Kermel.
Nathalie ouvre une librairie à Uzès, France. Elle devient passeuse de livres. Elle se préoccupe de chacun des clients qui entrent dans la librairie, apprend à connaitre leurs goûts, leurs préférences. Leur vie. Pour chacun, elle recommande — sans étaler sa culture — des titres appropriés. Au total dans le roman, 72 titres seront mentionnés. J’avais commencé à les recenser avant de m’apercevoir qu’ils sont tous notés à la fin du livre. J’en ai lu plusieurs, d’autres ne m’intéressent pas.
Éric de Kermel a réussi à être un très bon passeur parce qu’il m’a offert un très beau voyage au pays des livres.
Les prochaines lectures qui accompagneront sans doute mon automne et même le début de l’hiver, d’autant que je ne suis pas à la veille de partir pour le sud :
Pauline Marois, Elyse-Andrée Héroux
Le palais des orties de Marie Nimier
À train perdu, Jocelyne Saucier
Les secrets de ma mère, Jessie Burton
L’avenir, Catherine Leroux
L’absente de tous bouquets, Catherine Mavrikakis
Chavirer, Lola Lafon
La fille de la famille, Louise Desjardins
Faire les sucres, Fanny Britt
Et vous, comment se dessine votre automne?