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vendredi 21 novembre 2014

De la résistance

Ils ne sont pas nombreux les blogues d’auteurs québécois. Celui d’Annie Cloutier me plaît bien, elle ne parle pas que de livres ou d’écriture. Elle n’écrit pas en langage de blogue ni chronique journalistique. Elle écrit comme elle l’entend. Plus long qu’un billet moyen. Et je m’en réjouis. Elle a beau écrire : «Qui aime les récits de ce qui ne tourne pas rond? Le blogue ne sert pas à étaler. Je résiste donc

Dans ses billets, j'y ai quand même vu des tourments, des doutes, des questions et ses résistances. Entre les lignes, ses humeurs.
Moi aussi, je résiste souvent. J'essaie de garder pour moi ma mauvaise humeur, qui dure moins longtemps qu’à quinze ans, mais encore trop. Je sais pourtant que je dois parler ou écrire pour évacuer ces nuages noirs, ces orages intérieurs. Mais je ne veux pas embêter les gens avec mes sombres pensées. Ne veut pas expirer cette énergie négative, la jeter à tous les vents dans l’univers des autres, qu’ils soient des lecteurs ou des proches.

Mais où me débarrasser de ce trop-plein émotif? Après quelques grognements et résistances de ce cerveau rancunier, la réponse s’impose, toujours la même : dans un roman. Dans un roman, il faut justement de la mauvaise humeur, des conflits, des cris, du négatif, du ça va mal, de la violence, des pleurs dont on ne sait quoi faire, des gens en mauvaise santé, des gens qui vont mourir, ces gens qu’on ne veut pas voir, notre malaise qu’on ne veut pas affronter.

Alors je m’y mets aussitôt comme une catharsis. 
Mais quel personnage choisir pour une telle libération? Les questions viennent plus vite que les réponses: personne ne cadre avec ma réalité. Tout le monde est gentil dans le manuscrit en cours. Tous des portraits flatteurs. Et quelle est cette idée saugrenue que j’ai eue d’écrire un roman à partir de mes ancêtres? J’ai l’air fin maintenant avec leurs descendants. Je ne veux plus que les descendants soient mes proches. Que les lecteurs pensent que ce sont les membres de ma famille, que la narratrice, c’est moi. Si à la limite, je peux leur inventer des sentiments ou des fantasmes ou des pensées parce que je n’ai aucune idée de ce qu’ils ont été dans la vraie vie, je résiste à  créer des actes dont ils n’auraient pas été fiers.

Quelle est cette obsession (peut-être un peu fort comme mot, disons, cette inquiétude qui revient) de savoir ce que peut penser le lecteur au sujet de mes personnages, ou apprendre sur les membres de ma famille. Parce que j’ai été étonnée d’apprendre qu’une recherchiste avait cru que j’étais un ex-religieuse à la lecture de mon premier livre Je me veux? Et qu’elle voulait m’interviewer sur ce sujet? Est-ce que je me demande si le Luc d’Hugo Léger, dans Le silence du banlieusard, est l’alter ego de l’auteur, si Nathalie est l’équivalent de sa véritable épouse, si Lucie ressemble à cette petite qu’il a eue ou pas eue, dans la vraie vie. Non, en tant que lectrice je ne me demande jamais, même pour un premier roman, si tout est vrai, si tout vient de la vie de l’auteur. Non, je lis une histoire qui raconte la vie de personnages. Pourquoi en tant qu’auteur, je me préoccupe de ces questions? Pourquoi avant d’écrire une scène, je résiste? Et quand bien même, l’histoire ressemblerait en quelques points à la mienne, quand bien même certains lecteurs chercheraient le lien ou songeraient à faire le rapprochement, quand bien même j’aurais dix romans derrière moi avec une trentaine de personnages différents, des fins, des gentils, des violents, des séparés, des durs à cuirs, des voyous, des éduqués, des ouvriers, alors que ce n'est pas le cas, qu’est-ce que ça change? En quoi ça me concerne, ce que peut penser un lecteur? De toute façon, il s'appropriera l'histoire, en fera ce qu'il veut avec son vécu à lui. Pourvu que ce soit agréable à lire et qu’il passe un bon moment, j’ai ma conscience, j’ai ma vie et moi seule sais ce qu’elle est vraiment. 

Cesse de résister. À tes humeurs, à tes questions. Écris.

blogue d'Annie Cloutier>>>
(photo de l'auteur, au Yukon)

lundi 3 novembre 2014

En Outaouais aussi on écrit, on publie

Oh! que j’aime quand le journal Le Droit publie des articles sur des gens de l’Outaouais. En arts et culture surtout, parce que pour les actualités, je n’ai rien à dire.

Oh! que j’aime quand une auteure de l’Outaouais se démarque. En l’occurrence, Andrée Poulin. Bientôt, on ne parlera plus d’elle comme une Franco-ontarienne. On ne la limitera pas à cet Outaouais où elle demeure. Déjà ses livres sont publiés chez des éditeurs montréalais et le roman qui vient de remporter le Prix TD de littérature canadienne pour l'enfance et la jeunesse est publié chez Bayard Canada. C’est dire que le rayonnement international n’est pas loin. 

Oh! que je suis heureuse pour elle, j’en profite pour la féliciter à nouveau. Un prix de cette envergure, ça ne fait pas que sortir l’auteur de sa région, ça donne un élan pour la suite des choses. Pour continuer à écrire.

Parce qu’elle peut être difficile et longue et méandrique la route de l’édition. Peu importe votre lieu de résidence. Celle de l’écriture ressemble à un sentier plus ou moins éclairé qu’on parcourt en solitaire. Mais ensuite, ensuite…

Entre le rêve et la désillusion se dressent le doute, le questionnement, parfois l’abandon. 
Entre le rêve et la réussite s’interpose surtout la persévérance. Sans compter que chacun a une définition différente de la réussite. On peut réussir dans sa municipalité, sa région, sa province, son pays, le monde. Ou seulement dans sa famille. Et s’en sortir fière quand même. Ou pas.

Pour une Andrée Poulin qui vogue avec un vent favorable vers le sans limites, il y a d’autres auteurs, d’autres éditeurs qui rament. Qui pataugent même. Qui ont peine à se tenir la tête hors de l’eau.

Dans ce monde de l’édition, cruel et complexe, le seul talent, le seul travail ne suffisent pas. Le Québec ne fonctionne pas comme le Canada, les États-Unis ou la France : on peut compter sur les doigts de la main des agences qui conseillent les auteurs. Donc, c’est à l’auteur de trouver une maison d'édition qui l'aide à naviguer sur une mer déjà fort occupée.

Depuis deux bonnes décennies, à moins d’avoir vraiment une maison d’édition qui peut se permettre d’engager une relationniste, il vous faudra, le jour où votre manuscrit sera enfin publié (et ne croyez pas que ce sera le premier le plus difficile, non c’est à recommencer chaque fois), sortir de votre tour d’ivoire, de votre sentier tranquille pour multiplier les activités de promotion qu’on pourrait très bien appeler réseautage. 

Faire appel à vos contacts, envoyer des courriels, des communiqués de presse, courir après les médias, espérer un retour d’appel, écrire des billets de blogue, entretenir un site, twitter, commenter, organiser un ou des lancements, surveiller la distribution de votre livre, prendre d’assaut les librairies (au moins celles de votre quartier), oublier votre gêne pour vérifier que votre livre ne se retrouve pas sur les tablettes de la spiritualité parce que vous avez ajouté le mot « ange » sur la quatrième couverture ou dans le coin des voyages parce que le mot Italie est écrit sur la couverture.

Avoir hâte de rentrer chez vous et juste écrire. Et lire.

Envoyer votre prochain manuscrit, attendre, relancer l’éditeur qui a ses propres problèmes, ses propres espoirs, attendre encore. Continuer, ramer. Vous réjouir pour tous les Loïse Lavallée Nicole Balvay Haillot, Michèle Bourgon, Christian Quesnel, Guy Jean et Andrée Poulin de l’Outaouais qui ont publié cette année (et plusieurs autres que je connais moins).

Espérer qu’un jour, vous ne ferez que ça, écrire. Sans tomber dans la désillusion ou la dévalorisation. Sans abandonner malgré les refus, si telle est votre passion, si là est votre chemin, si là est votre cœur qui bat.

dimanche 12 octobre 2014

Splendeurs et misères

« Écrire est un besoin féroce, tragique, chez tous les écrivains et souvent davantage chez les mauvais que chez les bons. » Raymond Queneau 

Je crains fort d’être dans un temps de misères et non de splendeurs. Je crains également de faire partie des « mauvais » dont parle Queneau. Mauvais comme dans « mauvais livre » dont parle Laferrière dans son Journal d'un écrivain en pyjama. Même si je ne sais pas ce que veut vraiment dire mauvais. Mauvais pour qui? Peut-être ennuyant pour un lecteur et pas l’autre, impubliable pour un éditeur et pas l’autre. Exemple : être un éditeur, je n’aurais jamais accepté de publier, même pas de lire, les premières pages de La déesse des mouches à feu de Geneviève Pettersen. Pourquoi?

« Il y aurait tout un débat à faire sur la qualité du français, la place de la langue orale dans notre littérature nationale », Philippe Garon. 

De cette langue écrite, il en fut à peine question parmi les lecteurs de Châtelaine >>>

Parce que pour moi, on ne laisse pas le mot « canceller » dans un roman écrit. Entre autres. C’est viscéral : je ferme le livre sans lui donner aucune chance. Bien sûr, avec des raisonnements semblables, Michel Tremblay n’aurait jamais été publié. Je me calme, sans pour autant rouvrir le roman, j’essaie de nuancer, de me dire qu’il en faut pour tous les goûts, de tous les genres, de tous les styles. Qui suis-je pour juger de la qualité d’une oeuvre? En fait, il ne s'agit pas de la qualité du roman, il s'agit du choix délibéré de laisser les anglicismes. Le joual dans les dialogues, je ne suis plus contre, c'est notre réalité, mais les anglicismes, pas capable. Autant les accepter carrément dans les dictionnaires, là, tout de suite. Autant dire que tout le travail de Marie-Éva de Villers et plusieurs autres ne servent à rien. Autant clamer haut et fort que ça ne vaut pas la peine de se forcer à préserver notre français. 

Quel français? direz-vous. À vous le débat, je retourne à la correction de mes propres écrits.

Variante sur un même sujet
Sur ma tombe ou mon urne funéraire, on pourra écrire : « Elle aura beaucoup écrit ». Pas beaucoup publié, pas tellement lue, mais elle aura écrit. Bien, ça dépend tellement de nos valeurs. Bien pour quelques personnes, mais pas assez pour les éditeurs, il faut croire. Eh ! oui, j’attends toujours une réponse d’éditeur-s et cette attente m’envoie directement dans le doute, bien plus près des misères que des splendeurs. Dans la paralysie du prochain roman. À quoi bon continuer? me dis-je. 

Et si le premier objectif d’une personne qui écrit, qui chante, qui peint, qui danse, beaucoup ou peu, bien, très bien, mal ou très mal n’était que de s’exprimer? Alors, là, je suis championne. 

Avant de brûler tous mes écrits, je me secoue, je vais dehors prendre l’air de cet automne coloré. À quoi bon la mésestimation inutile?

Quand j’écris, que tout coule, je ne me soucie pas de savoir si c’est bon ou non ! C’est quand une question surgit, quand un mur se présente, que tout s’arrête, mis en suspens tant que la question ne se règle pas.

Et la question revenue pour la nième fois est : qu’est-ce qui arrive aux personnages? Inspirée de mes ancêtres irlandais, c’était facile d’inventer ce que je voulais pour les années 1850. Pour la suite (pas encore publiée, pas encore acceptée, ma patience est mise à rude épreuve), j’ai eu un peu de mal, mais en changeant les prénoms, les personnes sont devenus des personnages, mais là, pour la finale, les personnages s’inspirent de ma génération. Je ne veux pas que ce soit uniquement de ma vie. Je ne veux pas que ce soit la vie des membres de ma famille, tout morts soient-ils. Même si je n’ai pas beaucoup d’imagination, aucune envie d’écrire des biographies, ni la mienne ni celles de mes parents (pour mon père, c’est déjà fait, ce fut facile, je n’avais pas besoin de romancer, d’inventer, juste me souvenir et poser des questions au principal intéressé). Cette fois, pour les besoins de dramatisation, je veux des conflits, des colères, des infidélités, des départs, des incidents qui n’ont pas existé dans ma famille. Ou s’il y en eut, forcément qu’il y en eut, mais à doses anodines qui ne regardent que nous.

Une façon de m’en sortir : ne pas écrire au « je », c’est déjà prendre une distance, une dépersonnalisation. Et puis changer les lieux. Ce sera plus difficile. Je voudrais tellement présenter ma région, qu’on sente l’amour que j’ai pour elle. Faire de moi un Fred Pellerin-de-Saint-Élie-de-Caxton, faire de moi une Mylène Gilbert-Dumas dans son Yukon adoré. Fausse pudeur, retenue, réserve, sauvegarder ma vie privée? Ne pas me faire poser de questions ? Tout ça. Écrire, c’est s’exposer, je sais bien. Et aujourd’hui, qui est-ce que ça gêne? Que moi.

Et vous, quelles sont vos misères d’aujourd’hui ?

vendredi 26 septembre 2014

Croyez-vous à la psychogénéalogie?

Et si tout ça ne relevait que de la psychogénéalogie ? Vous connaissez ? Je dois avouer que j’ai été troublée, il y a quatre ans, à la lecture de Aïe, mes aïeux de Anne Ancelin Schützenberger.

Je ne suis pas en train de capoter (enfin, j’espère), je ne suis pas à la veille de me faire soigner par un ou une psychiatre. Mais quand même des faits troublants, des synchronicités étonnantes.

Comme tant d’autres, depuis la cinquantaine, je m’intéresse à la généalogie. Comme tant d’autres, j’aime lire. Des biographies en particulier. Et comme j’aime écrire, j’écris des vies. Au départ, ça ne devait qu’être un seul roman inspiré de la vie de ma mère et de ses grands-parents irlandais. Mais là, je m’aventure sur un terrain inconnu, celui de l’enjeu de la transmission entre les générations. 

Les questions s’accumulent. Je n’ai pas trouvé de dates qui expliqueraient ceci ou cela, quoique il y a bien un décès la veille de ma naissance, il y a bien cet amour des cours d’eau : lac, fleuves ou mers dans ma famille, mais n’est-ce pas le cas chez bon nombre d’entre nous ? Il y a surtout… mais je ne le dirai pas, je le garde pour la finale de mon roman.

Suis-je en train de voir des traces de pas là où le vent les chasse pourtant au fil des ans ? Suis-je en train de fabriquer des liens là où n'existent que de vagues coïncidences ? Un fil d’Ariane ?

Ne pourrais-je pas me contenter d’écrire un roman ? Suis-je en train de réveiller des fantômes, de disséminer des secrets troublants, d'inventer des rapprochements sans fondements, d'analyser des comportements sans explications ? Je ne retournerai à l’université ni ne suivrai des thérapies pour écrire un roman. Je ferai bien un ou deux petits voyages à Montréal, au Nouveau-Brunswick, et même en Irlande… pour « faire plus vrai ». Ou plutôt pour le plaisir de sentir les lieux, humer les odeurs, émousser des sensations. Mais jouer au psychanalyste, non, je n’y tiens pas.

N’empêche.

Note j'en ai déjà glissé un mot dans deux billets: celui-là>>> et celui-là>>> 

mercredi 3 septembre 2014

Et pourtant...

Et pourtant... ce sont les derniers mots de mon manuscrit, des points de suspension qui laissent planer le doute, la menace, l’ombre ou au contraire, la synchronicité, synthèse de tout ce qui aura précédé. Possibilité d’une suite. Un troisième tome qui se sera pas plus "tome" que ce deuxième roman, cette sorte de suite aux Têtes rousses. Parce que monsieur le juge en a décidé ainsi dès notre première rencontre. Et pourtant… les tomes sont populaires. Trop risqué peut-être.

Six ans pour le premier, quatre pour celui-ci (et encore il n’est pas publié). Combien pour le troisième, si troisième il y a. Ce serait si facile de terminer par un point. Ne rien m’imposer, à moi si friande de liberté et si réfractaire aux obligations, surtout que je n’ai plus de patron ni de parents, donc plus de devoir-s.

Mais je sais que je laisserai ce « Et pourtant… » comme on dit au revoir et non adieu. Pour ne jamais fermer la porte, pour ne jamais dire c’est fini, pour défier la mort et la vie. Pour croire aux lendemains.

J’ai relu les derniers paragraphes et les premiers de chaque chapitre pour bien vérifier cette conclusion qui donne envie de revenir et cette transition qui donne envie de poursuivre. J'ai relié quelques chapitres pour un meilleur équilibre, oui, oui, monsieur le juge, avec transition. Pour les fins de chapitres, dosage délicat qui ne doit pas ressembler aux séries policières. Je ne veux pas les chutes Momorency, ni même une cascade bruyante, mais je sais bien que les rivières tranquilles, ça n’intéresse personne. À part moi, bien sûr, qui a passé l'âge des montagnes russes. Et pourtant, je viens de franchir le Yukon et l'Alaska, mais bon, pas rapport.

Commencée en avril dernier , la preuve un billet parmi quelques-uns >>>,  l’ai-je donc terminée cette refonte? Est-il prêt à partir, ce manuscrit? L’éditeur verra-t-il la différence? Est-elle suffisamment notable cette différence? Sera-t-il dans des dispositions pour accueillir ce manuscrit qui n’est toujours qu’un récit linéaire, seule demande que j’ai rejetée. Je n’ai pas le talent de mêler tous les événements, de les jeter sur le papier sans tenir compte des dates et qu’en plus, le lecteur s’y retrouve. Linéaire donc, c’est resté. Mais votre honneur, je jure que j’ai retravaillé tout le reste, que j’ai examiné point par point vos demandes, vos observations, vos annotations et que j’ai soigneusement, vaillamment, patiemment, courageusement tout révisé.

Alors pour cette rentrée littéraire de 2014 (c’est une rentrée, mais les livres sortent des imprimeries et des librairies, bof, qu’importe), puis-je vous poster mon manuscrit qui, j’espère sera de la prochaine rentrée, celle de 2015 ? Dites-oui, s’il vous plaît, votre honneur, monsieur le juge des romans!

Et pourtant… j’ai peur. Je doute, je me demande si je ne vais pas retarder encore. Attendre encore. Relire encore. Je suis toujours trop vite, on me l’a dit toute ma vie.

Et si… Quand on est attendue (mais sans contrat), c’est pire. Quand c’est le deuxième, c’est pire. Il y aura forcément comparaison, avec le premier roman publié, avec la version précédente du manuscrit. Mes parents mettaient leurs enfants sur un piédestal : tout ce que nous faisions, c’était toujours très bien, mais un éditeur n’est pas un parent. Pourtant, je me sens enfant, une petite fille devant son instituteur-juge-qui-aura-le-dernier-mot. Verra-t-il mes efforts? Verra-t-il que j’ai atteint mon maximum pour ce manuscrit? 

Et pourtant… je vais plonger, je le sens.

samedi 12 juillet 2014

Du vin et du lait

Dans ma tête, je note des phrases toute la journée et parfois la nuit aussi. Je croyais rêver de plus en plus en images, mais pas ces jours-ci, le bélier en moi remonte à la surface avec sa furie de tout vouloir faire en même temps :

Écrire
Lire
Chercher le prochain livre à lire
Lire l’auteur-e recommandé-e par tel autre (très tendance ce genre de bibliographie à la fin d’un roman : les titres qui ont inspiré l’auteur)
Préparer le prochain voyage
Appeler pour renouveler des assurances, pour réserver un camping
Tondre le gazon
Pédaler quelques kilomètres
Acheter quelques vêtements appropriés à un anniversaire de mariage
Écrire un courriel à une amie en lui racontant ma dernière escapade
Écrire sur ce que j’ai lu ou ce que le livre m’a inspiré
Écrire les phrases qui me sont venues pendant que je tondais le gazon
Je dois me faire violence pour rester dehors parce qu’il fait beau. 
Ne pas oublier de manger
Ne pas oublier la brassée dans la sécheuse
Lâcher un verre à laver pour aller noter une idée
Noter de ne pas oublier nos bâtons de marche pour le prochain voyage
La pleine lune et les phrases m’empêchent de dormir

Il n’y a que lorsque je parle que je ne fais pas de phrases! Des phrases que je n’écrirai pas, je veux dire.
À 16 heures, je suis épuisée de toutes ces phrases qui tourbillonnent, les courtes, les longues. Ne pas m’en faire si les ordinaires s’envolent, mais penser à écrire les plus belles, les inspirées. Les classer : vont-elles dans mon roman, dans une nouvelle, dans un billet ou aux poubelles de l’oubli?

Ce qui m’épuise, ce n’est pas de freiner toutes ces phrases qui se bousculent au portillon de mon cerveau, c’est de trouver le temps de les écrire. Penser, ça se fait vite, en silence, personne ne sait à quoi vous pensez. J’ai l’air de pédaler, j’ai l’air de laver la vaisselle, j’ai l’air de chercher un symbole pour des armoiries familiales, j’ai même l’air de lire, mais en fait, je ne pense qu’à la prochaine scène entre Léopold et Diane. Et même quand je crois ne pas penser, je pense quand même.

Le pire, c’est que je crois bien que c’est ce que j’ai fait toute ma vie : écrire ma vie au lieu de la vivre. Déjà à treize ans quand mes parents m’ont offert un cahier au dessus cartonné rouge. Déjà à quinze ans quand j’échangeais avec une copine ce qu’on osait appeler des poèmes. Déjà à 18 ans quand je lisais Mathieu de Françoise Loranger. Déjà en lisant tout ce qui me tombait sur la main où il était question de philosophie, déjà, en parallèle, en marge, toujours des phrases sur le sens de la vie.

Parlant philosophie, hier, il y eut course aux beaux vêtements pour une fête prochaine. Cherche la bonne grandeur, les couleurs qui te vont bien, mais non, ce motif ne va pas avec celui-là, ni le rouge avec le turquoise ni le nylon avec ce coton et surtout le prix ne va pas avec mon budget. Pour me récompenser de ce magasinage qui s’allonge, de cette impatience qui pointe, je me suis fait réellement plaisir : j’ai acheté un livre. Recommencements d’Hélène Dorion. Évidemment, je l’ai commencé dans l’heure qui me ramenait à la maison. Évidemment, j’aime. Évidemment, des phrases ont commencé à virevolter comme des mouches au-dessus d’une tête fraîchement lavée. Évidemment, je bois ses phrases comme un vin millésimé, en comparant les miennes à du petit lait.

Si j’ai lutté pendant quelques années contre cette dépendance, que j’ai commencé et recommencé des jeûnes de phrases, j’ai fini par renoncer, je suis intoxiquée à jamais. Ça revient chaque fois. 

Souffrez que j’en échappe quelques-unes, ici, quand ça déborde!

mardi 1 juillet 2014

Encore une

Manuscrit version juillet 2014
Les incohérences : corrigées.
La concordance des temps : verbes corrigés. Merci SB et MB.
La fin des chapitres : ajout de petite phrase punchée pour donner envie de poursuivre.
Les ruptures de construction que la réviseuse a eu l’amabilité de noter : revues et corrigées.
Les dialogues qui manquent de naturel : revus et améliorés. Merci Gen ! (voir son billet >>> ) et BR.
La surabondance de détails : j’en ai enlevé, avec un petit pincement au cœur puisque ça veut dire effacer des heures de recherche et des notes judicieusement choisies. Les amateurs de généalogie pourront me contacter.
L’orthographe des prénoms : uniformisée
Les titres de chapitres : tous disparus pour un meilleur enchaînement et éviter l’impression d’une coupure dans le temps. Moi j’aimais bien. Oui, le lecteur pouvait avoir l’impression de tourner les pages d’un album photo. Et alors ? Chaque chapitre était comme une mini-nouvelle. L’est toujours quant à moi.

Intrigue, surprises et dénouement pour que ce soit un roman et non un récit. Peu m’importe l’étiquette, si ça se lit bien, si c’est intéressant, pourquoi tout manuscrit, en 2014, au Québec, doit-il répondre à des règles dictées par l’éditeur ? Répondre à une structure établie par je ne sais quel universitaire ou académicien ? Question de plaire au plus grand nombre de lecteurs ?

J’ai quand même cherché une autre structure, j’ai longuement pensé, cogité, voulu, essayé de trouver des surprises, des rebondissements, mais je n’aime pas les livres policiers, les histoires à intrigues, les secrets à dévoiler. Je n’aime pas en lire alors forcément, je ne pense à en écrire. Lire le billet précédent à ce sujet >>>

Je préfère des émotions, des impressions, des questions plutôt que de l’action, des descriptions.

Quant à changer le linéaire du récit, même si j’en ai ramé un coup à lire La marche en forêt et Le mur mitoyen de Catherine Leroux, et que, donc, j’ai bien admiré les nombreux va-et-vient dans les événements qui n’ont pas de repères datés, jamais je ne pourrais utiliser ce procédé. D’abord j’aurais l’air d’avoir copié et surtout, il faudrait que je reconstruise toute l’histoire pour qu’elle se tienne. Les trois lectrices qui ont lu mon manuscrit ont bien aimé ma ligne chronologique-pas-originale. Et moi aussi, bien sûr. Pas parce que c’est plus facile, seulement parce qu’en tant que lectrice, je ne veux pas toujours me casser la tête. Petite lecture d'été, il en faut.

Rythme : varier les types de phrases, des binaires, des ternaires, des courtes, des complexes, des relatives, une accumulation, une progression. Me semble que j’avais tout ça. Ai revu, en ai ajouté, ai accentué le rythme. Ai-je réussi ?

Bref, on pense que tout est acquis depuis le temps qu’on écrit. Eh bien non! Surtout que j’ai écrit beaucoup plus court que long dans ma vie d’écrivaine. Alors, je suis retournée en classe, ai relu les notes prises lors de l’atelier d’écriture à Mont-Laurier, j’ai fouillé sur des sites pour savoir de quoi était vraiment fait le roman. Suis retournée à l'académique, au conformisme, aux règles, ce que j'ai toujours détesté, mais quand je cesse d’être rebelle, que j’essaie d’être patiente, ce qui m’arrive à l’occasion, je deviens studieuse et appliquée.

Si je ne sais pas me vendre, si je ne réussis pas à convaincre un éditeur de mes choix, aussi bien avoir un bon produit qui leur plaise. Même si je dois, à mon sens, perdre mon temps. Si je ne prends pas plaisir à cette obstination dans l’effort, au moins, j’ai plaisir à chercher, à débusquer, à trouver. Et quand l’éditeur me signifiera enfin son accord et que j’entendrai « oui, on publie », la victoire me fera oublier toutes mes insubordinations... et ce billet.

Alors un autre tour de piste, une nième version.

dimanche 29 juin 2014

C'est le dernier, que je me dis chaque fois

Dites-moi ce que vous lisez, je vous dirai ce que vous aimez écrire.
Dites-moi ce que vous aimez écrire et je vais vous dire chez quel éditeur publier.

Lecture dans le sud, l'hiver dernier.
La semaine dernière, je lisais L’album multicolore et Tout comme elle de Louise Dupré. Les deux avec un égal bonheur. J’ai lu tous les mots, toutes les pages. À la fin, j’ai dit « Pas déjà fini ». J’en prendrais encore. 

Cette semaine, j’ai commencé La vérité sur l'affaire Harry Quebert de Joël Dicker. Un roman publié en 2012. J’en avais lu du bien et du moins bien, j’hésitais donc. Comme souvent, je lis ce qu’on en dit, je cherche à connaître l’auteur, je feuillette en librairie. Finalement, je l’ai fait venir à la bibliothèque. Une fois en main, je pris plaisir à m’asseoir sur ma galerie arrière, à l’ombre. Je plongeai. Facilement, rapidement, goulûment. Évidemment, un écrivain devant la page blanche, incapable d’écrire après un énorme succès et la belle vie, c’est sûr que je lisais, très intéressée. Sans m’identifier puisque je n’ai jamais été célèbre !

Jusqu’à la page 63, j’ai réussi à ne pas penser à mes propres écrits. Comme c’est une histoire quasi-policière avec des morts, un suspect, des questions, un héros sauveur, une victime innocente, m’arriva ce qui devait m’arriver : je voulais tout de suite savoir, alors j’ai sauté à la table des matières, j’ai lu l’épilogue, suis revenue un peu en arrière au chapitre :  La vérité sur l’Affaire (pourquoi un A majuscule ?) Harry Quebert, page 514. Et voilà j’ai eu mes réponses. Le reste ne m’intéressait plus.

Pourquoi j’en parle, parce que c’est le genre de livre qui se vend, le genre d’histoire que la majorité des lecteurs aime bien, le genre de bouquin dont les éditeurs raffolent. À preuve, il a été traduit en je ne sais plus combien de langues, vendu à je ne sais plus combien de milliers d’exemplaires et a gagné deux ou trois prix.

Mais, mais, mais ce n’est pas le genre que je préfère en tant que lectrice et donc pas le genre que j’écris. 

Lors d’une rencontre avec un éditeur au sujet d’un manuscrit présenté… « à retravailler », il fut d’ailleurs question de surprises à rajouter, d’écrire un roman et non un récit, et de contexte historique-social à documenter. Et si je ne satisfais pas ses exigences, aurais-je une troisième chance ? 

Il n’y a jamais rien d’acquis, rien de gagné. Surtout pas dans le monde de l’édition québécoise. Toujours la sempiternelle question qui revient : et pourquoi je ne me contente pas d’être lectrice ? Chaque fois, la réponse revient comme un boomerang : je ne peux pas m’empêcher d’écrire ! C’est le dernier manuscrit que j’essaie de faire publier, c’est le dernier, c’est le der…. 
Y’a un boutte à être maso !

jeudi 29 mai 2014

Des silences qui se prolongent

D’une journée à l’autre
D’une activité à l’autre
Cahin-caha
Du colibri à l’abreuvoir au lilas qui pointe vers le ciel
Du temps qui passe
Du printemps délicieux qui permet des repas sur la terrasse
Entre un dépliant et un site Internet
Entre des matins froids et des ciels gris
Un tour de vélo au parc de Plaisance, deux jours de camping pour voir une amie
Un peu de correction de manuscrit, corriger sans trop relire, sans trop réécrire
Un coup d’œil sur un nouveau blogue de généalogie
Une fièvre passagère pour le hockey
Un peu d’inquiétude pour le tiraillement dans un bras
Un abonnement au panier Équiterre, la recherche de recettes de légumes, redécouvrir la rabiole
Du temps perdu à m’étourdir dans Candy Crush
M’efforcer de ne pas penser
Feuilleter plutôt que lire
La sérénité demande la patience, et parfois le refus de s’aventurer dans des avenues négatives, inutiles.
Résister au petit diable qui claironne l'âge de chacun
Faire des petits plaisirs une joie quotidienne
Pour qu’elle prenne racine et chasse la morosité qui pourrait s’incruster si je n’y prenais garde.
Ce qui suppose de bien choisir les mots qui cherchent à s’insinuer.
D’où mes silences qui se prolongent.

(photo de l'auteure, oui, oui, des lilas dans ma cour)

dimanche 4 mai 2014

Écrire pour repousser l’envahisseur

Tu te réveilles un matin, tu penses que tu auras l’humeur belle même s’il pleut, même si le soleil tarde à réchauffer la planète et ton lit. En fait, tu ne sais pas encore quelle sera ton humeur parce que tu flânes dans un demi-sommeil. Par habitude, tu chausses tes lunettes, tu prends ta tablette et tu visites tes blogues et sites préférés, dont le plus récent : La presse+ pour Android. 

Une heure plus tard, sans trop en connaître le chemin, un mot prend racine. Un mot que tu essaies de chasser parce qu’il te touche de trop près depuis deux ans. Un mot subordonné à un autre. Un mot qui te pousse dans le dos, qui te presse de réaliser tes rêves. 

Et tu décides de l’exorciser à ta façon avant qu’il ne devienne obsession. Tu te lèves et tu écris. Le personnage de ton roman va se mettre à philosopher, à parler en ton nom, à ta place. Ce dont tu ne veux pas parler parce que tu crains que ton esprit — le niaiseux qui ne sait pas faire la différence entre la pensée et la réalité — s’implante un engramme, eh bien ton personnage, lui, va t’en débarrasser. Lui, il peut tout se permettre, il sait qu’il n’est pas vrai, qu’il ne vit pas dans la vraie vie, il est immortel, il peut parler de tout sans que ça laisse des traces profondes. Il peut bien penser qu’il est à l’automne de sa vie. Il peut bien penser tant qu’il voudra aux dix ans qu’il lui reste peut-être à vivre parce qu’il a déjà eu deux cancers, ça ne veut pas dire que c’est ce qui arrivera. C’est toi le maître de son destin alors que tu l’es si peu du tien.

Tu te lèves et tu écris pour repousser l’envahisseur, pour conjurer la mort.

mardi 29 avril 2014

Entre réalité et fiction
mensonges et trahison

J’aime lire des biographies, je l’ai déjà dit. Et comme il est suggéré aux écrivains d’écrire ce qu’ils aiment lire, raconter la vie des gens m’attire toujours autant. Je l’ai fait dans des reportages journalistiques, je l’ai fait dans un récit sur mon père. Je pense avoir réussi pour mes ancêtres irlandais, mais là pour le prochain, je suis confrontée à des choix difficiles. Probablement par pure paresse intellectuelle, au fil des années, je me suis fait un ancrage en me disant que je n’avais pas d’imagination, alors je pars de personnes qui ont existé, elles m’offrent une base de départ : visage, cheveux, dates de naissance et de décès, adresses de maison et même leurs prénoms et noms. Ça pouvait paraître une bonne idée quand mon histoire se situait dans les années 1850-1900, je pouvais bien faire vivre ce que je voulais à mes personnages, personne ne viendrait me dire qu’ils n’ont pas éprouvé ceci ou cela. 

Benjamin, Philéas et Léo Deguire
Mais une fois dans les années 1900-1950, à l’époque de mes grands-parents? Les historiens pourront mettre en doute mes écrits au sujet des événements ou des lieux, mais pourtant ce n’est pas cette réalité qui me fait peur. Je cherche et vérifie tout ce que je peux et si je doute de l’exactitude des faits, je n’en parle tout simplement pas. Non, la réalité qui m’effraie et me fait hésiter dans le choix des scènes, ce sont les personnalités, les caractères. Dans un roman, contrairement à une biographie ou un article de journal, l’éditeur insiste (parce que moi, je me contenterais bien d’un récit linéaire, des histoires d’amour et des petits drames quotidiens qui ont jalonné leur existence), il faut un conflit, donc des méchants et des bons, des doux et des durs, des surprises. 

Dès le début de l’écriture de cette sorte de suite aux Têtes rousses, je me suis sentie plus libre en changeant la plupart des prénoms des personnes qui, très tôt dans l’histoire, sont devenues des personnages, mais ce ne fut pas suffisant. J’ai attendu que leurs visages se métamorphosent, que je ne voie plus les photographies que ma grand-tante avait précieusement conservées. J’en suis à la page 75 de la nième version et leurs visages sont toujours les mêmes dans ma tête. Hélas! Au final, ce n’est plus du tout l’histoire de mes grands-parents dont j’ai tout de même gardé le patronyme parce que je le trouve beau et riche d'histoire. Ni leur vie, ni leur personnalité, ni leurs gestes. Il ne reste à peu près que leurs dates de naissance et de mort. Mais pourquoi donc, est-ce que je me sens coupable de trahir leur mémoire? Je me sens coupable de faire croire à leurs descendants que telle a été leur vie. Même si j’en ai parlé à ma cousine qui me donne l’autorisation de déformer la réalité — réalité qu’elle n’a pas connue puisqu’elle n’a pas vécu au Canada à l’époque des faits —, j’ai toujours ce tiraillement dans ma tête entre le vrai du faux. Comme si je ternissais leur réputation. Pourquoi me suis-je embarquée dans cette galère? 

En exergue, j’ai déjà cité Simone de Beauvoir : « La littérature ne soutient avec la vérité que d’incertains rapports » et Jean-Guy Paquin également : « J’aime aller à la rencontre de ce qui veut exister », mais est-ce que, de là-haut, mon grand-père et tous les membres de sa famille, vont me lire et me comprendre?

lundi 21 avril 2014

Les dix commandements
de l'écrivain qui corrige

Tu ouvriras seulement des sites dont tu as besoin pour des recherches. Surtout pas de blogues de voyages ou de réseaux sociaux.

Tu ouvriras seulement des dictionnaires, des grammaires. Surtout pas de romans. Encore moins des romans québécois. 

Tu ne détourneras les yeux de ton écran et de ton clavier que vers ton manuscrit. Même si le ciel est d'un bleu magnifique, même si les oiseaux chantent.

Tu écriras dans la joie et le plaisir de trouver le mot juste et de garder le rythme. Jamais dans le doute ou la mésestime de toi.

Tu répondras aux appels téléphoniques et aux courriels que le matin très tôt ou le soir quand tes yeux seront fatigués. Et tu dis non le plus souvent possible.

Tu sortiras une fois par jour pour prendre l’air, gratter le terrain ou pédaler jusqu’au village pour aérer ton esprit, et tu enverras promener tes personnages faire la sieste pour quelques heures. S'ils insistent, s'ils crient trop fort, fais les patienter un peu, tu as le droit à une vie toi aussi!

Tu mangeras sainement et boiras abondamment de l’eau, modérément du reste.

Tu entretiendras ce blogue comme un simple exercice de réchauffement.

Tu dormiras du sommeil du juste, et si jamais la lune te tient éveillée, et que les mots forcent ta chambre, tu te lèveras et iras écrire, sachant qu’une fois le soleil revenu, tu sauras bien raturer les passages inintéressants.

Tu remercieras tout ton entourage de bien vouloir t’encourager à observer ces commandements.

vendredi 18 avril 2014

Un Vendredi saint de doutes

Je veux et ne veux pas, dans la même minute. Je dis oui et non en même temps. 

Je suis moi et pas une autre. Je ne devrais pas lire Katherine Pancol qui intègre si bien les phrases dites sans guillemets ni tirets, et encore moins Sonia Marmen qui détaille si bien les scènes. Ne pas lire les autres pour me garder vierge à mon propre style. Même si je ne crois pas en avoir encore un bien à moi. 

J’ai dit oui à l’éditeur, je réécrirai le manuscrit, oui, j’ajouterai du socio-historique, même si je trouve qu’il y en a déjà suffisamment comme ça. Comme une bonne élève, pour avoir la note de passage — de publication dans le cas présent — je ne suivrai pas mon penchant naturel pour le romantisme, la sentimentalité et je me pencherai sur le contexte, l’environnement, l’époque tout comme on ajoute de la description pour situer les personnages dans un lieu. J’enrichirai les événements déjà présents, mais parfois à peine effleurés. En souhaitant que ça suffise pour améliorer la montée dramatique qui, elle, je le sais bien, fait cruellement défaut. Ça aurait pu être un récit, mais l’éditeur veut un roman, une forme narrative et non un simple album qu’on feuillette. Je n’ai guère d’espace et encore moins de nom connu pour négocier. Je dis non et je vais voir ailleurs ou je dis oui, je cesse de résister et je me mets au travail.

Mais avant d’obéir, permettez que je lutte, permettez que je défende un peu mon manuscrit. Je sais déjà que je m’appliquerai, mais pas après avoir combattu et laisser parole et temps à celle qui a le goût d’arrêter là, de ne pas aller plus loin. Après tout, je n’ai pas besoin d’argent et même si j’en avais besoin, ce n’est pas la publication d’un roman qui m’en apporterait. Après tout, je pourrais simplement jouir de la vie, voyager, prendre des photos, me plonger dans la généalogie ou mieux encore, lire ces autres auteurs dont j’admire la persévérance, et que j’ose appeler parfois mes consoeurs, mes confrères, mes pairs. La tentation est forte d'envoyer tout promener. Je me donne trois jours de résistance, de réflexion.

Je sais pourtant déjà que, comme Jésus, après ce Vendredi saint de doutes et de questionnement, après des célébrations pascales ensoleillées, je sais que je mettrai mes habits de résurrection, je forcerai mon inclination à la facilité et je monterai vers un ciel qui, espérons-le, me sera clément pour trouver les mots, le ton de ce roman qui veut voir le jour.

(Illustration: après Les têtes rousses, le prochain roman qui voudrait bien voir le jour)

mardi 15 avril 2014

À défaut d'imagination,
le travail suffira-t-il?

Pendant mon séjour dans le sud, j’ai commencé à écrire une nouvelle. Pour le concours Des nouvelles de GatineauUn petit cinq pages, mais rien d’autre.

Avant mon départ, j’avais envoyé un manuscrit à trois éditeurs. Pendant mon séjour, j’ai reçu un courriel de l’un d’eux. À la fin du courriel où il refusait de publier mon manuscrit dans l’état actuel, il me demandait si j’étais prête pour un «travail de refonte considérable». Le teint bronzé, les pieds nus, un petit vent chaud dans mes cheveux, bien sûr, j’étais prête à tout. Je me sentais forte et ragaillardie.

Mais voilà que jeudi prochain, je le rencontre, je relirai avec lui les commentaires et les suggestions des lecteurs du comité. Je n’appréhende pas la rencontre, mais je me sens moins forte devant ce travail colossal. J’aurais le goût de lui servir la phrase assassine de Simone de Beauvoir quand son éditeur lui a demandé de réécrire Les Mandarins. Elle a dit non et l’éditeur a publié tel quel. Je sais bien que je ne peux pas me permettre un tel non, mais pour l’instant, je suis dans le déni, c’est certain.

Ce n’est pas un roman parce qu’il n’y a pas d’intrigue : et alors, ce sera un récit ou pas, juste un texte de fiction. Pourquoi faut-il une intrigue? Et puis il y en a, mais elle est ténue.

C’est un texte linéaire : bien oui et après? Je ne suis pas Catherine Leroux pour écrire de courts paragraphes comme autant de pièces d’un casse-tête. Le personnage nait, vit et meurt. C’est si ennuyant que ça?

Je résiste parce que je vois pas comment changer ces deux réalités, l'ampleur de la tâche ne m'effraierait pas tant si mon cerveau savait comment remédier à ces deux questions. Du reste, j'en conviens : vocabulaire peu recherché, peu d’effets stylistiques… là, oui, je me sens capable d’amélioration, comme une élève qui passera du secondaire au cégep ou mieux, à l’université. À défaut du talent naturel et d’imagination fertile, le travail palliera-t-il cette difficulté?

Ah ! si jeudi peut arriver et passer, que je m’attaque à cette refonte. Sans rechigner à chaque ligne. Et finalement, avec succès.

vendredi 13 décembre 2013

À défaut d'ambition... de l'entêtement

Dany Laferrière vient d’être élu à l’Académie française. Sentiment mitigé, j’aurai toujours de la difficulté avec les honneurs, les titres, les prix. Mon enthousiasme est de la couleur de mon opinion presque neutre sur le sujet de la gloire et de l'ambition. Je n’ai jamais été à l’aise face à la compétition, je n’aime pas comment je me sens à l’intérieur, à batailler pour recevoir un prix ou, à l’opposé, à recevoir un titre sans l’avoir mérité. Mais qu’est-ce que le mérite? Qui en juge? Parce que je ne suis pas une batailleuse ou ambitieuse, je ne supporterais pas que les autres le soient? Parce que ça sonne faux? À défaut de comprendre ce manque d’élan spontané devant les bonheurs des autres, je jouerai quand même la carte de l’admiration pour leur détermination.

Mon écriture se ressent-elle de cette absence de combativité ? 
Journée de doutes, journée de corrections, journée de ras-le-bol. Encore.
Pourquoi continuer à corriger ce roman qui n’en est pas encore un alors que tant de jeunes veulent publier? Pourquoi je ne laisse pas ma place? Comme Janette qui s’incruste, mais elle a au moins le mérite d’être dans les A,B ou C des vedettes qui ont encore la cote. Ai-je été L ou même Z dans ma vie? Peu importe. 

Pourquoi je m’obstine à vouloir publier? Ou penser que si j’avais un agent…
Me contenter d’aider les autres ne me suffit pas? Me sens à nouveau pathétique à ne pas décrocher.
Pourquoi ne pas me contenter de lire, de voyager, de prendre des photos et d’en parler si je tiens tant à écrire?

Bien sûr, je n’écris pas comme une jeune de trente ans, pas comme une jeune qui sort d’un cours de création littéraire, mais est-ce incompatible avec la publication québécoise actuelle? J’espère bien que non, parce qu’après la lecture par deux cinquantenaires qui me donneront leur avis, mon manuscrit prendra le chemin des éditeurs. Les éditeurs, comme certains galeristes avec les artistes, ne publient-ils que des jeunes qui peuvent leur assurer une certaine pérennité? À moins que l’auteur-e soit connu-e, alors dans ce cas, l’âge devient expérience, et leur notoriété, gage de succès. Je ne suis pas connue et je n’ai plus trente ans depuis longtemps. Il faut juste travailler plus fort. Pour quelqu’un qui n’est pas combatif, le temps va être long !

Peut-être pas combative, peut-être un peu paresseuse, mais patiente, résolue, têtue, alors ça devrait aller.
Journée de questions sans réponses, journée de remontée, journée d’encouragement.

(photo de l'auteure, en espérant que ce soit des lamas et non des alpagas ou qu'à tout le moins les deux races soient têtues!)

jeudi 7 novembre 2013

Le temps est au sérieux

Le temps des pieds dans le sable est passé. D’en rêver aussi. 
Le temps des photos souvenirs est passé. De les montrer aussi.
Le temps de la discipline est venu, comme septembre après les vacances quand j’étais écolière. Répit de deux mois, je me compte chanceuse.
Le temps de l’éparpillement et du Candy crush accrocheur est terminé, je dois rendre deux livres à la bibliothèque dans trois semaines : 
Fanette, tome 6 de Suzanne Aubry
Le destin de Maggie, tome 3 de Daniel Lessard

Le temps est venu de retourner sérieusement à l’écriture. Je ne suis pas aussi prolifique que les deux auteurs cités précédemment, mais tout de même, mine de rien, j’ai eu une petite nouvelle publiée dans Nouvelles de Gatineau 2, dont j’ai manqué le lancement, toute occupée que j’étais à revenir de Myrtle Beach. 

Un livre de nouvelles fort intéressant par ailleurs. Daniel Paradis m’a jetée par terre avec la richesse de son vocabulaire et l’efficacité de son style. J'ai toujours un faible pour Nicole Balvay Haillot, égale à elle-même, toujours touchante. Et la mienne, dans les circonstances dans lesquelles elle fut écrite, c’est-à-dire à la limite de la date de tombée, entre deux traitements de chimiothérapie, je la trouve pas trop mal. Mais celle pour la prochaine édition — car prochaine il y aura, ce fut confirmé — est beaucoup mieux fignolée et j’en suis fière.

Le temps est donc venu de peaufiner un texte plus long, mon prochain roman. Un texte venu des coupures de la première version des Têtes rousses, qui, à force de traîner, ressemble à un cadavre vidé de son sang. Je dois le ressusciter et lui rendre un cœur, lui donner de l’air et si ma force n’est pas dans le vocabulaire recherché d’un Daniel Paradis, dans la beauté des descriptions d’un Daniel Lessard, j’espère lui donner vie d’ici la fin de l’hiver, ce serait déjà bien.

mardi 29 octobre 2013

Il l'a écrit en pyjama
je l'ai lu les pieds dans le sable


Je l'ai emprunté à la BANQ, je l'ai commencé au nord et terminé au sud, les deux pieds dans le sable chaud, comme dit la chanson. 

J'avoue que je ne suis pas fan de Laferrière, du genre qui se jette sur tout ce qu'il écrit (qu'il ne s'en offusque pas, je cherche encore pour quel auteur je le fais), bien sûr, je ne suis pas insensible à tout le tapage médiatique dont il est entouré et ce, depuis la parution de son premier roman. J'ai renoncé depuis longtemps à comprendre comment sont décernés prix et nominations, peu importe la discipline, alors disons que le fait qu'il remporte tel ou tel prix me laisse froide, mais me rend curieuse. Je suis comme tout le monde, je prends le livre primé, je le feuillette, rien ne m'attire particulièrement, et bien souvent, je le remets sur la tablette jusqu'au prochain Salon du livre ou ma prochaine visite dans une librairie. J'ai lu le Prix Femina, dont j'ai oublié le titre c'est vous dire, et je dois avouer que j'ai aimé. Le personnage-auteur me plaît plus que ses livres. Pour l'avoir vu, entendu et même lui avoir parlé un peu soit aux Correspondances d'Eastman soit dans un Salon du livre, je le trouve sympathique, j'aime sa modestie. Mais je suis plus rue Fabre que Petit Goave. 

Journal d'un écrivain en pyjama 

Mais quand j'ai entendu le sujet de Journal d'un écrivain en pyjama, tout de suite, j'ai voulu lire. Comme souvent, je me suis précipitée sur le site de la BANQ, évidemment, il fallait attendre, nous étions en septembre, je l'aurais début octobre. Je l'ai eu quelques jours seulement avant mon départ pour Myrtle Beach. 

J'ai tout lu, à peine passé quelques pages... sur Haïti justement. Je l'achèterai parce que je veux relire certains passages. J'ai lu comme une auteure et non une lectrice. Même que j'ai été surprise d'entendre une personne dire qu'elle l'avait lu alors qu'elle n'écrit pas. Je pensais que ce genre de billets écrits comme un blogue n'intéresseraient que des écrivains, en herbe ou non. C'est beaucoup mieux que Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke pour la simple raison que c'est écrit aujourd'hui et qu'on connaît l'auteur. 

Mauvais livre 

Pas d'accord avec tout ce qu'il dit, nous n'avons pas à l'être non plus, mais deux mots m'ont bien intriguée à plusieurs reprises: « mauvais livre ». Je ne peux le citer puisque je n'ai plus le livre, mais il revient souvent sur le sujet. Je me demande bien ce qu'est un mauvais livre. N'est-ce qu'une question de temps pour qu'un livre soit mauvais? L'est-il dès sa publication? Dès l'écriture? Naît-il mauvais ou il le devient? C'est quand les lecteurs le boudent? Quand il s'en vend moins que le précédent? Ou quand après 15 ans l'auteur le relit et le renie? Quand le critique ou le professeur d'université le juge comme tel? Qui a envie de publier un « mauvais livre »? Un ouvrage peut-il être mauvais pour un lecteur et bon pour l'autre? J'aurais voulu des titres, même si je comprends que ce devait être mal aisé d'en citer quelques-uns. Mais pourquoi pas puisqu'il en nomme tant et tant (je n'ai pas lu le quart des auteurs qu'il cite). Est-ce à dire qu'ils sont tous bons? Tant parler de mauvais livres, ça suppose que d'autres sont bons. Bons pour qui? 

Opinions versus émotions 

Comme tant d'autres, il conseille de ne pas écrire nos opinions, si on le désire, on n'a qu'à écrire un essai. J'aurai quand même réalisé que je n'écrirai jamais d'essais: je n'ai pas d'opinions. Pas très arrêtées en tout cas. Je n'étais pas forte en dissertation à l'école et je comprends pourquoi: je ne tiens pas mordicus à telle ou telle idée et je n'envie pas les personnes qui tiennent aux leurs. Je suis femme d'émotions. J'aime en parler, en lire, et j'espère réussir à en écrire. Sans doute pour cette raison que, comme Laferrière, je puise dans la vie des gens mon matériel d'observation. La vie des gens qui m'entoure est un terreau fertile. 

Je m'arrête ici, j'y reviendrai sûrement quand je l'aurai acheté. D'autant plus tentant que son roman, en numérique, est la moitié du prix du livre papier, c'est rare. Habituellement ça ne dépasse pas 20%. 

Pas parce que je m'identifie à lui, je ne crois pas qu'un éditeur m'envoie à Paris, mes romans n'ont jamais dépassé un tirage de 3,000 exemplaires, je ne suis plus une jeune auteure en herbe. Mais de le lire, de se reconnaître dans le rêve, c'est très inspirant. 

Était-ce le bruit de la mer, mes pieds dans le sable, le doux temps, le plaisir de lire, ou son roman inspirant, mais je sais que je terminerai mon manuscrit cet hiver.

Empruntez-le (ou plutôt réservez-le) à la BANQ, via www.pretnumerique.ca
(photo empruntée au site de l'éditeur)


dimanche 29 septembre 2013

La première fois

Elle m’a demandé de lire mon manuscrit. Si je le veux bien. Elle, ma muse. Elle qui me connaît si bien. Qui sait si bien inventer. Qui, à partir d’un bruit en déduit toute une histoire d’accident. Qui a dans sa mémoire des centaines d’anecdotes qui pourraient alimenter des romans de 300 pages alors que j’éprouve de la difficulté à mener à bien un seul à 200 pages.

Oui, je vais le lui montrer, même si le manuscrit est loin d’être achevé. Justement pour qu’elle me fasse des suggestions. Je l’entends déjà me dire de « mettre de la chair autour de l’os ». Je n’ai pas peur qu’elle me trouve des fautes, là n’est pas sa force. Ce n’est pas le doute qui se rue vers mon cerveau émotionnel, je ne crains pas son jugement, je sais à l’avance qu’elle me dira bien en deçà de ce que je me dis moi-même. Non, j’ai même hâte de savoir ce qu’elle en pensera. C’est plutôt cette émotion de jeune mariée qui m’étreint. Dévoiler ce qui était secret jusqu’à ce jour, me montrer à nue, sachant que ce corps, le manuscrit, n’est pas parfait, n’est pas achevé. La fierté aussi d’être désirée. Ce n’est pas moi qui lui ai demandé, c’est elle qui a offert. Entendre qu’elle aime, ne serait-ce qu’un peu; entendre, comme si c'était la première fois — et ce le sera pour ce manuscrit — , «j’aime» c’est ce qui m’émeut le plus dans ma vie personnelle autant que professionnelle. Ce que je verrai dans ses yeux, ce que j’entendrai de sa bouche, je sais à l’avance que ça me chavirera et me motivera pour devenir meilleure. 

Il y a ceux qui préfèrent aimer et ceux qui souhaitent être aimés. Aimer, pour moi, c’est facile, j’ai le contrôle sur mes sentiments, mais être aimée, ça n’arrive pas souvent dans une vie, avouons-le. Et être aimée dans ce que nous avons de plus intime, de plus précieux. Écrire pour moi est un acte solitaire, un acte important, un acte où je ne suis pas une image ou un être social, où je livre le plus beau et le plus profond de moi-même, et dont je parle rarement parce que personne ne me pose de questions à ce sujet, alors que quelqu’un veuille me lire, surtout la première fois, ça m’émeut. 

Et ça me fout la pétoche !

lundi 29 juillet 2013

Un petit dernier en juillet

Un dernier petit billet en juillet. J’aime bien juillet, rien que le mot, c’est doux, ça fait un peu vieux jeu, ancien, comme Juliette, Jeannette, Jules, tous des prénoms du côté maternel, des Deguire. 

Juillet, mois de chaleur normalement, mois de vacances, ces jours qui s’étirent en heures et en farniente. Pas pour moi, pas cette année. Reprise de l’écriture. Sérieusement. Fière de moi: j’ai atteint les 200 pages. Rien pour certains, beaucoup pour moi. Le premier jet seulement, mais après avoir imprimé, j’ai tout relu, j’ai vu ce qui clochait, j’ai corrigé un peu, j’ai surtout retrouvé le ton. Les personnages voulaient s’imposer, se faufiler au premier plan, j’ai trouvé la façon de leur donner la parole, même si je dois bûcher sur le titre puisque le seul nom du personnage principal ne suffit plus. Pourvu que le lecteur soit indulgent aussi. Et avant, l’éditeur. Ne pas y penser pour l’instant, me plaire à moi d’abord, avoir du plaisir à chercher, à écrire, à couper, à rajouter.

Ai travaillé dans mon bureau quand il faisait frais, dehors souvent, à l’ombre, et même dans mon véhicule récréatif pour être bien tranquille. Parfois, le poste 923 de Galaxie qui fait entendre des chansons, francophones pour la plupart, des années ’60. Le plus souvent, le silence que seuls des vents terrifiants ont interrompu deux fois.

Ai ressorti mes listes de mots pour décrire le physique, pour nommer les qualités, pour remplacer le verbe dire que j’essaie d’utiliser le moins souvent possible, pour dépeindre les émotions, sans oublier de parsemer les odeurs. 

Ai fait parler quelques personnes pour avoir des anecdotes, des histoires à raconter, des conflits à alimenter et des sentiments à dénouer.

Ai à peine regardé par la fenêtre, à peine regardé l’heure. Une fois rassasiée de Facebook et de quelques blogues — bien tranquilles en cette période de vacances—, bien concentrée, je n’ai rien entendu, sauf les quelques orages qui ont passé en coup de vent.

(photo d'une partie de mon bureau)

mardi 16 juillet 2013

L'auteur, cet orphelin

16 juillet : ma mère aurait eu 89 ans. Ce n’est pas seulement la date qui me fait penser à elle. C’est ma solitude en tant qu’auteure. Bloquée à la page 143 de mon manuscrit, où un personnage qui s’inspire beaucoup de ma mère prend toute la place, je relis le vingt-sixième commentaire noté en marge : « réécrire du point de vue du personnage principal: Léopold ». 

Pendant mes études, ma mère m’aidait dans mes devoirs, en anglais surtout, sa force et ma faiblesse. Quand nous avons travaillé en famille au journal La Petite-Nation, ma mère corrigeait les textes. Je la voyais chercher dans le dictionnaire de Dagenais, sa bible d’alors. Je l’entendais discuter d’un mot, d’une expression avec mon père, le journaliste-éditorialiste. Quand j’ai voulu devenir auteure à temps plein, je lui ai soumis tous mes manuscrits qu’elle a annotés consciencieusement. À 82 ans, je lui ai remis une première version de mon roman Les têtes rousses avant sa publication surtout parce que cette histoire concernait ses ancêtres, mais elle a réussi à me trouver plusieurs fautes.

Nous ne discutions jamais de la structure, du plan, du point de vue du narrateur, de la page blanche de tous ces détails qui tracassent un auteur. Seulement des mots, des fautes, des anglicismes, de la syntaxe. Mais je me sentais moins seule.

Quand j’ai écrit la première version des Têtes rousses, j’avais un plan, des liens entre les générations. Avec l’éditeur, il ne fut pas question de cinq ou même trois tomes, seulement un premier avec un seul personnage, quitte à « voir » ses enfants à la fin du roman. Sinon, il y a « trop de noms, il y a une coupure et le lecteur va décrocher » m’a fait comprendre une directrice littéraire. J’ai donc coupé et me suis concentrée sur le personnage principal du début de mon histoire. Mais maintenant que j’en suis à la suite, une sorte de suite, le même problème resurgit : le personnage principal, son point de vue. M’y tenir. Il me revient sans cesse cette remarque : « le lecteur va décrocher ». Même moi, je décroche en relisant, mais ça ne veut pas dire que je sais comment retrouver le droit chemin. 

Et personne à côté de moi qui puisse m’aider à débloquer, à régler les problèmes un à un, tout en gardant l’ensemble possible des cinq générations. Ma mère ne le faisait pas de son vivant, mais simplement parce que j’ai vu la date sur le calendrier : 16 juillet, j’ai pensé à elle qui m’aidait tant avec les mots. Et comme c’est son personnage, qui n'est pas le principal, qui veut me parler dans mon manuscrit, qui veut s’imposer, j’ai bien du mal à ne pas le laisser aller. Pour lui faire plaisir, au moins la journée de sa fête.

Un auteur est par principe un orphelin.

(photo de Michelle Deguire, source: Louis-Dominique Lamarche)