Il faudra bien que je me décide avant la publication du tome 3,
celui des têtes dures, têtes fortes, têtes de mule, têtes de cochon. Oui, oui,
le troisième tome. Le deuxième, Les têtes bouclées sera publié en septembre 2015, mais j’ai déjà
une centaine de pages écrites pour le troisième et dernier. J’hésite encore.
Une journée je dis oui, ce sera les vrais lieux de mon enfance, ce lac visité
en 1956, où mon père a fait bâtir un chalet, cette baie connue pendant quelques
étés et finalement choisie pour y vivre à l’année en 1970. Une région aimée
depuis 45 ans. Le lendemain, je dis non pour des raisons futiles, telles que :
si les lecteurs savent que ce sont les vrais lieux, ils croiront que le reste du
roman est aussi vrai, ce qui est faux! Tantôt je veux me garder un semblant de vie privée,
tantôt je veux chanter les louanges de ma région. Quand je lis, j’aime bien qu’on
me raconte les lieux aimés, les lieux de vie des personnages, tels les rues de
Montréal pour Robert Lalonde ou Yvetot d’Annie Ernaux, Marseille de Simone
de Beauvoir, Saint-Élie-de-Caxton de Fred Pellerin.
Si je me retiens, c’est que
j’ai un peu honte de mon village. Il s’y est pris des décisions avec lesquelles
je ne suis pas d’accord. Au sujet du patrimoine bâti entre autres. Pourtant, je
m’entends bien avec la plupart des gens qui y habitent. Trois fois au moins, j’ai
pensé déménager. Existe-t-il seulement un ailleurs parfait? Faudrait bien que j’en
revienne de ce goût amer qu’il me reste de cette démolition du presbytère, en
2002. Je ne me sens pas villageoise, je n’appartiens pas à un seul village, je
me sens Petite-Nation. J’y suis encore et j’y suis bien. Je ne voudrais pas mourir ailleurs.
Depuis le tout début de l’écriture de mon roman inspiré de mes ancêtres
irlandais, je sais la fin de l’histoire. Elle n’est pas encore écrite, mais j’en
connais le lieu et la raison de ce choix. Depuis, je tergiverse, mais il faudra
pourtant me décider : ça se passe dans la Petite-Nation ou non?
De toute façon, ai-je tant de lecteurs et il y a peu de chance qu’ils m’adressent
les reproches que je crains? Arriveront-ils à la conclusion que je redoute? Ai-je
si peur d’en parler au cas où j’en dise plus de mal que de bien? Comme de son
corps : j’ai le droit d’en parler, mais ne tiens pas à ce que d’autres en
discutent, surtout pas pour en dire du mal? Sujet sensible, ne touchez pas? Depuis
quand écrit-on en pensant à ce que les lecteurs vont en penser? Je me dois d’abord
aux personnages, non? Quand même paradoxal : un auteur qui préfère des
personnes qui n’existent pas à des lecteurs réels! Et quelle est cette peur qui
choisit l’évitement plutôt que l’affrontement? Quel affrontement d’ailleurs?
Pleutre je suis dans la vie, lâche je resterai, même dans une fiction?
Je l’ai pourtant fait dans Visions de la Petite-Nation (on peut d’ailleurs lire les pages qui y sont consacrées : http://www.despagesetdespages.com/petite-nation-claude.pdf). Il me faudrait une analyse plus approfondie pour comprendre mes tergiversations d’aujourd’hui.
Allons-y d'un petit pas d’abord dans ce blogue. Un peu comme Christiane Rochefort qui a écrit Journal de printemps où elle raconte les circonstances entourant l’écriture de Printemps au parking. Ou encore Éric-Emmanuel Schmitt qui, à la fin de son livre Les deux messieurs de Bruxelles raconte comment lui est venue l’idée ou ce qui entoure chacune de ses nouvelles. Débutons par ce billet en espérant que ça nous tienne lieu d’engagement ou d’assurance pour la suite. Donc, le lac Simon, les villages de Montpellier, de Chénéville qui l’entourent et finalement toute la Petite-Nation (une bonne vingtaine de municipalités où j’ai enseigné, acheté, pédalé, marché, photographié, aimé, pleuré, ri) sont devenus mon pays, mes amours. Alors, pour un roman, pourquoi ne pas situer ces lieux et les présenter sous leurs plus beaux atours?
Le feriez-vous? Hésiteriez-vous? Est-ce important les lieux dans les romans que vous lisez ou que vous écrivez?