jeudi 12 juin 2014

Les visages de la peur

Enfant, je n’avais peur de rien. Ni des couleuvres ni des sangsues. Ni de l’eau ni des orages. Peut-être seulement de causer du chagrin à mes parents. Une peur qui me rendit aimable.

Adolescente, je commençai à avoir peur de la violence des humains. Peur de déplaire. Peur de plaire. Une peur qui me rendit prudente.

Dans la vingtaine, j’eus peur de tomber enceinte sans être mariée. J’ai été rejetée, j’eus peur de ne plus être aimée. Puis, j’ai aimé, j’ai voyagé, j’ai travaillé. J’ai vécu. J’avais la vie devant moi. Je n’y pensais même pas. Je suis devenue téméraire. J’ai fait des folies. En ski, en auto, en canot. Pas le temps de penser, pas le temps d'avoir peur. Pas la vraie en tout cas qui ressemble à un mur noir avec plus rien derrière.

Dans la cinquantaine, je commençai à fréquenter les médecins, les cliniques, les hôpitaux. Pour mes parents, pour des amies, pour les autres. Un peu pour moi, mais je n’avais pas peur, j’avais confiance. Je ne pensais pas à la mort sinon à celle des autres.

Au début de la soixantaine, un cancer du sein. La peur n’a pas montré le bout de son nez, la mort non plus. Il n’y eut que l’attente. L’attente de l’après, de tous ces petits « après » qu’on attend, qu’on espère, certaine de leur venue. Et ils arrivent, un à un, jour après jour. 

Un matin, la vie reprend son cours normal, je peux voyager à nouveau, trois semaines, puis six. Ne plus être dans l’attente, ça fait du bien. Je sais bien que je ne suis plus éternelle, mais je peux espérer au moins dix ans encore, vingt peut-être. C’est peu, c’est beaucoup. Tout redevient possible.

Et puis un jour de douche, comme dans les films, une petite masse sur le sein opéré. Les comparaisons commencent, les questions aussi. La peur arrive avec ses doutes et grossit plus rapidement que la bosse. Une peur qui paralyse. Une peur qui devient anxiété, qui gruge le mur de confiance érigé au cours des années. Elle me rend vulnérable et silencieuse. Très silencieuse.

Une peur qui fait peur, qui annonce la possible fin, le possible arrêt de tous les possibles. 

Je rue dans les brancards, je me secoue, je téléphone, j’insiste. J’obtiens un rendez-vous dans dix jours. Ce qui me soulage un temps, comme si je remettais mon sort entre les mains de personnes expérimentées. Comme si j’étais prise en charge.

Et puis j’en parle. Un peu. À une seule personne. Pour ne pas inquiéter les autres. Pour ne pas voir la peur des autres. J'ai bien assez de la mienne.

Je transpose dans mon roman, on meurt beaucoup dans mon prochain roman. J’évacue mes émotions, mes craintes chez mes personnages.

Il y a ce voyage en Alaska, que je dois réserver bientôt. Dois-je l’annuler?

Peur de décevoir. Je me sens responsable, je me sens coupable. Je fais semblant. J’essaie de ne pas paniquer. Je ménage mon bras droit, mes ganglions, ma lymphe. Je vois du monde, je ne lis plus. Je regarde des reportages sur la guerre, je vois la peur des soldats. La peur fait-elle mourir? Je lui en veux à cette mort, à cette peur de venir rôder. Laissez-moi tranquille un peu. Laissez-moi vivre encore quelques années. Pas déjà? Pas déjà?

Et enfin, la visite chez la chirurgienne. Depuis un mois les questions et en quinze minutes, elle y répond : la bosse est modulée. Avez-vous eu un traumatisme, vous êtes-vous frappé le sein? Pas que je me souvienne (mais par la suite, je me souviendrai d’une presque chute en vélo, peut-être que le miroir ou la poignée m’a heurté le sein). Le regard clair et franc, les yeux dans les yeux, elle me dit que ça ne l’inquiète pas, ce n’est pas le cancer qui revient. C’est modulé, qu’elle me répète. Un nouveau mot pour moi. Un beau mot, doux à mes oreilles. Rassurant comme une chanson joyeuse. C’est que j’ai un voyage en Alaska prévu pour… Mais allez-y? Oui, vous êtes certaine. Je lui sauterais au cou. Je l’embrasse. 

La peur a tellement creusé son trou qu’elle ne s’évanouit pas comme ça. Le doute reviendra, bien sûr. Mais pour l’instant, je savoure. Tout redevient possible. Je prépare mes bagages, je dresse la liste de mes besoins. Du vélo à Plaisance, la semaine prochaine, camping à… dans dix jours, un petit tour dans les Laurentides. Et puis ces bottines qui me faisaient envie. Et cette bouteille de vin à 20$ gardée pour les grandes occasions… avec qui fêter?

La peur, tu peux bien repartir dans ton trou, allez, va te cacher, va rejoindre ta comparse, la mort. Je ne veux plus vous revoir avant dix ans au moins. Plus peut-être.

vendredi 6 juin 2014

6 juin 2014: Relais pour la vie

Le 6 juin, pour certains, de moins en moins nombreux, c’est la commémoration du débarquement en Normandie en 1944. Jour triste. Pour moi, c’est le souvenir du jour où j’étais à Calgary en compagnie de l’artiste qui a trouvé une galerie qui acceptait d’exposer ses tableaux, et qui remerciait son père dont c’était justement l’anniversaire de naissance. Jour joyeux.

Mais cette année, en 2014, le 6 juin, ce sera mon deuxième Relais pour la vie. « Une nuit pour la vie », mais pas un jour joyeux, certain. Commanditée, accompagnée, j’irai marcher à Saint-André-Avellin. Un peu plus triste que l’an dernier parce que dans la dernière année, trois autres de mes connaissances sont décédées de ce foutu cancer qui ne cesse de se prendre pour une épidémie et tire tous azimuts sans égard à rien.

Je ne devrais pas alimenter ce billet de ma tristesse, de ma colère, de ma peur de la mort, de la mienne surtout. Ce n’est pas beau. Je devrais parler d’espoir, de vie. Mais, sur le cancer, on est bien loin d’une victoire totale, d’une reddition sans condition. Tout cet argent que l’on donne aux divers organismes, toute cette confiance que l’on met dans la recherche, oui, ça sauve des vies, ça les prolonge, mais à quand les réponses définitives à nos pourquoi et à nos comment. Tout l’argent du monde ne changera pas l’inévitable. Et ce n’est certainement pas moi qui ne suis ni médecin, ni chercheur, ni philosophe, ni religieuse qui peut fournir des réponses aux nombreuses questions ou calmer les inquiétudes.

Je peux juste marcher, tant que je le peux encore. Avec ma peur que je vais laisser de côté. Au cours de la nuit, en compagnie de tous les survivants et des accompagnateurs, je la changerai en amour de la vie, je le sais bien. Demain sera joyeux. 

Pour faire un don ou informations: site de Relais pour la vie>>>
(photo prise l'an dernier, cadre jaune aux couleurs du Relais pour la vie)

jeudi 29 mai 2014

Des silences qui se prolongent

D’une journée à l’autre
D’une activité à l’autre
Cahin-caha
Du colibri à l’abreuvoir au lilas qui pointe vers le ciel
Du temps qui passe
Du printemps délicieux qui permet des repas sur la terrasse
Entre un dépliant et un site Internet
Entre des matins froids et des ciels gris
Un tour de vélo au parc de Plaisance, deux jours de camping pour voir une amie
Un peu de correction de manuscrit, corriger sans trop relire, sans trop réécrire
Un coup d’œil sur un nouveau blogue de généalogie
Une fièvre passagère pour le hockey
Un peu d’inquiétude pour le tiraillement dans un bras
Un abonnement au panier Équiterre, la recherche de recettes de légumes, redécouvrir la rabiole
Du temps perdu à m’étourdir dans Candy Crush
M’efforcer de ne pas penser
Feuilleter plutôt que lire
La sérénité demande la patience, et parfois le refus de s’aventurer dans des avenues négatives, inutiles.
Résister au petit diable qui claironne l'âge de chacun
Faire des petits plaisirs une joie quotidienne
Pour qu’elle prenne racine et chasse la morosité qui pourrait s’incruster si je n’y prenais garde.
Ce qui suppose de bien choisir les mots qui cherchent à s’insinuer.
D’où mes silences qui se prolongent.

(photo de l'auteure, oui, oui, des lilas dans ma cour)

mercredi 7 mai 2014

Tribulations d'un écrivaillon

« Auteurs, lisez, lisez » Tous les grands, les reconnus, les professeurs nous le disent, nous le suggèrent fortement. Comme un devoir, un passage obligé. Comme si, plus vous lisez, mieux vous écrivez. Mieux ou plus facilement? Exercice de l’esprit, assouplissement du cerveau? 

La belle affaire, lire les autres, ce n’est pas vrai que ça nous aide. Moi, ça me jette par terre. K.O. Du mal à me relever, du mal à m’en remettre. L’esprit a mal partout, le cerveau est ramolli, devient bouillie, la concentration fout le camp, le vent du doute balaie tous les efforts.

Encore hier, j’ai eu le malheur de feuilleter un livre de Sonia Marmen, pour trouver différentes transitions. Je me disais que dans les mille pages d'un tome (moi qui ai de la difficulté à pondre deux cents pages), j'en trouverais bien quelques-unes de ces transitions de malheur qui me font tant défaut, qu'on me réclame. Aujourd’hui, je récidive avec le dernier roman d’Agnès Gruda. Les deux extrêmes dans le choix des phrases, pas rapport les deux, mais les deux me pétrifient. 

Remède drastique : le jeûne complet. Oublie les autres livres. Ne lis pas. Juste ton texte. Enferme-toi, oublie le monde. Le ciel est bleu, le ciel est gris, et alors? Aujourd’hui, ton texte est noir sur blanc, tes corrections en rouge fort. Rien d’autre. Tu ne sors pas tant que tu n’as pas fini ton assiette, pas de dessert.

« Écrivez avec vos tripes », aussi, qu’ils rajoutent ces critiques, ces grands conseillers, ces éditeurs avec ou sans le titre. Faut croire que les miennes ne sont pas encore assez à l’air. Pas accessibles. Pas assez remuées. Ces jours-ci, j’écris plus avec Antidote qu’avec mes tripes. 

Je corrige un chapitre, une page, un paragraphe, une phrase. Je cherche le mot juste, la cooccurrence. Je supprime une phrase, un paragraphe, irais-je jusqu’à biffer une page entière? Je remonte cinq pages en arrière parce que plus rien ne se tient. Albertine ne peut pas être célibataire en 1922 et avoir eu un enfant en 1906. Comment ne l’ai-je pas vu? Mais j’y tiens à cette puritaine, à cette bigote d’Albertine. Alors, ce sera sa sœur Marie-Louise. Vingt pages à revoir. Heureusement il y a CTRL F, rechercher-remplacer.

J’imprime un chapitre. Je le lis à haute voix pour mieux voir l'ensemble. Sur papier, je corrige, j’annote. Entre les lignes, dans les marges, et au verso. Pour dix lignes, deux questions, trois vérifications, quatre ratures. Alouette.

J’avance, je recule. Je fonce. Sans émotions, sans mes tripes. 

Peut-être à la prochaine révision. Une autre, juste pour me jouer dans le cœur, et dans celui des personnages. 

dimanche 4 mai 2014

Écrire pour repousser l’envahisseur

Tu te réveilles un matin, tu penses que tu auras l’humeur belle même s’il pleut, même si le soleil tarde à réchauffer la planète et ton lit. En fait, tu ne sais pas encore quelle sera ton humeur parce que tu flânes dans un demi-sommeil. Par habitude, tu chausses tes lunettes, tu prends ta tablette et tu visites tes blogues et sites préférés, dont le plus récent : La presse+ pour Android. 

Une heure plus tard, sans trop en connaître le chemin, un mot prend racine. Un mot que tu essaies de chasser parce qu’il te touche de trop près depuis deux ans. Un mot subordonné à un autre. Un mot qui te pousse dans le dos, qui te presse de réaliser tes rêves. 

Et tu décides de l’exorciser à ta façon avant qu’il ne devienne obsession. Tu te lèves et tu écris. Le personnage de ton roman va se mettre à philosopher, à parler en ton nom, à ta place. Ce dont tu ne veux pas parler parce que tu crains que ton esprit — le niaiseux qui ne sait pas faire la différence entre la pensée et la réalité — s’implante un engramme, eh bien ton personnage, lui, va t’en débarrasser. Lui, il peut tout se permettre, il sait qu’il n’est pas vrai, qu’il ne vit pas dans la vraie vie, il est immortel, il peut parler de tout sans que ça laisse des traces profondes. Il peut bien penser qu’il est à l’automne de sa vie. Il peut bien penser tant qu’il voudra aux dix ans qu’il lui reste peut-être à vivre parce qu’il a déjà eu deux cancers, ça ne veut pas dire que c’est ce qui arrivera. C’est toi le maître de son destin alors que tu l’es si peu du tien.

Tu te lèves et tu écris pour repousser l’envahisseur, pour conjurer la mort.

mardi 29 avril 2014

Entre réalité et fiction
mensonges et trahison

J’aime lire des biographies, je l’ai déjà dit. Et comme il est suggéré aux écrivains d’écrire ce qu’ils aiment lire, raconter la vie des gens m’attire toujours autant. Je l’ai fait dans des reportages journalistiques, je l’ai fait dans un récit sur mon père. Je pense avoir réussi pour mes ancêtres irlandais, mais là pour le prochain, je suis confrontée à des choix difficiles. Probablement par pure paresse intellectuelle, au fil des années, je me suis fait un ancrage en me disant que je n’avais pas d’imagination, alors je pars de personnes qui ont existé, elles m’offrent une base de départ : visage, cheveux, dates de naissance et de décès, adresses de maison et même leurs prénoms et noms. Ça pouvait paraître une bonne idée quand mon histoire se situait dans les années 1850-1900, je pouvais bien faire vivre ce que je voulais à mes personnages, personne ne viendrait me dire qu’ils n’ont pas éprouvé ceci ou cela. 

Benjamin, Philéas et Léo Deguire
Mais une fois dans les années 1900-1950, à l’époque de mes grands-parents? Les historiens pourront mettre en doute mes écrits au sujet des événements ou des lieux, mais pourtant ce n’est pas cette réalité qui me fait peur. Je cherche et vérifie tout ce que je peux et si je doute de l’exactitude des faits, je n’en parle tout simplement pas. Non, la réalité qui m’effraie et me fait hésiter dans le choix des scènes, ce sont les personnalités, les caractères. Dans un roman, contrairement à une biographie ou un article de journal, l’éditeur insiste (parce que moi, je me contenterais bien d’un récit linéaire, des histoires d’amour et des petits drames quotidiens qui ont jalonné leur existence), il faut un conflit, donc des méchants et des bons, des doux et des durs, des surprises. 

Dès le début de l’écriture de cette sorte de suite aux Têtes rousses, je me suis sentie plus libre en changeant la plupart des prénoms des personnes qui, très tôt dans l’histoire, sont devenues des personnages, mais ce ne fut pas suffisant. J’ai attendu que leurs visages se métamorphosent, que je ne voie plus les photographies que ma grand-tante avait précieusement conservées. J’en suis à la page 75 de la nième version et leurs visages sont toujours les mêmes dans ma tête. Hélas! Au final, ce n’est plus du tout l’histoire de mes grands-parents dont j’ai tout de même gardé le patronyme parce que je le trouve beau et riche d'histoire. Ni leur vie, ni leur personnalité, ni leurs gestes. Il ne reste à peu près que leurs dates de naissance et de mort. Mais pourquoi donc, est-ce que je me sens coupable de trahir leur mémoire? Je me sens coupable de faire croire à leurs descendants que telle a été leur vie. Même si j’en ai parlé à ma cousine qui me donne l’autorisation de déformer la réalité — réalité qu’elle n’a pas connue puisqu’elle n’a pas vécu au Canada à l’époque des faits —, j’ai toujours ce tiraillement dans ma tête entre le vrai du faux. Comme si je ternissais leur réputation. Pourquoi me suis-je embarquée dans cette galère? 

En exergue, j’ai déjà cité Simone de Beauvoir : « La littérature ne soutient avec la vérité que d’incertains rapports » et Jean-Guy Paquin également : « J’aime aller à la rencontre de ce qui veut exister », mais est-ce que, de là-haut, mon grand-père et tous les membres de sa famille, vont me lire et me comprendre?

lundi 21 avril 2014

Les dix commandements
de l'écrivain qui corrige

Tu ouvriras seulement des sites dont tu as besoin pour des recherches. Surtout pas de blogues de voyages ou de réseaux sociaux.

Tu ouvriras seulement des dictionnaires, des grammaires. Surtout pas de romans. Encore moins des romans québécois. 

Tu ne détourneras les yeux de ton écran et de ton clavier que vers ton manuscrit. Même si le ciel est d'un bleu magnifique, même si les oiseaux chantent.

Tu écriras dans la joie et le plaisir de trouver le mot juste et de garder le rythme. Jamais dans le doute ou la mésestime de toi.

Tu répondras aux appels téléphoniques et aux courriels que le matin très tôt ou le soir quand tes yeux seront fatigués. Et tu dis non le plus souvent possible.

Tu sortiras une fois par jour pour prendre l’air, gratter le terrain ou pédaler jusqu’au village pour aérer ton esprit, et tu enverras promener tes personnages faire la sieste pour quelques heures. S'ils insistent, s'ils crient trop fort, fais les patienter un peu, tu as le droit à une vie toi aussi!

Tu mangeras sainement et boiras abondamment de l’eau, modérément du reste.

Tu entretiendras ce blogue comme un simple exercice de réchauffement.

Tu dormiras du sommeil du juste, et si jamais la lune te tient éveillée, et que les mots forcent ta chambre, tu te lèveras et iras écrire, sachant qu’une fois le soleil revenu, tu sauras bien raturer les passages inintéressants.

Tu remercieras tout ton entourage de bien vouloir t’encourager à observer ces commandements.

vendredi 18 avril 2014

Un Vendredi saint de doutes

Je veux et ne veux pas, dans la même minute. Je dis oui et non en même temps. 

Je suis moi et pas une autre. Je ne devrais pas lire Katherine Pancol qui intègre si bien les phrases dites sans guillemets ni tirets, et encore moins Sonia Marmen qui détaille si bien les scènes. Ne pas lire les autres pour me garder vierge à mon propre style. Même si je ne crois pas en avoir encore un bien à moi. 

J’ai dit oui à l’éditeur, je réécrirai le manuscrit, oui, j’ajouterai du socio-historique, même si je trouve qu’il y en a déjà suffisamment comme ça. Comme une bonne élève, pour avoir la note de passage — de publication dans le cas présent — je ne suivrai pas mon penchant naturel pour le romantisme, la sentimentalité et je me pencherai sur le contexte, l’environnement, l’époque tout comme on ajoute de la description pour situer les personnages dans un lieu. J’enrichirai les événements déjà présents, mais parfois à peine effleurés. En souhaitant que ça suffise pour améliorer la montée dramatique qui, elle, je le sais bien, fait cruellement défaut. Ça aurait pu être un récit, mais l’éditeur veut un roman, une forme narrative et non un simple album qu’on feuillette. Je n’ai guère d’espace et encore moins de nom connu pour négocier. Je dis non et je vais voir ailleurs ou je dis oui, je cesse de résister et je me mets au travail.

Mais avant d’obéir, permettez que je lutte, permettez que je défende un peu mon manuscrit. Je sais déjà que je m’appliquerai, mais pas après avoir combattu et laisser parole et temps à celle qui a le goût d’arrêter là, de ne pas aller plus loin. Après tout, je n’ai pas besoin d’argent et même si j’en avais besoin, ce n’est pas la publication d’un roman qui m’en apporterait. Après tout, je pourrais simplement jouir de la vie, voyager, prendre des photos, me plonger dans la généalogie ou mieux encore, lire ces autres auteurs dont j’admire la persévérance, et que j’ose appeler parfois mes consoeurs, mes confrères, mes pairs. La tentation est forte d'envoyer tout promener. Je me donne trois jours de résistance, de réflexion.

Je sais pourtant déjà que, comme Jésus, après ce Vendredi saint de doutes et de questionnement, après des célébrations pascales ensoleillées, je sais que je mettrai mes habits de résurrection, je forcerai mon inclination à la facilité et je monterai vers un ciel qui, espérons-le, me sera clément pour trouver les mots, le ton de ce roman qui veut voir le jour.

(Illustration: après Les têtes rousses, le prochain roman qui voudrait bien voir le jour)

mardi 15 avril 2014

À défaut d'imagination,
le travail suffira-t-il?

Pendant mon séjour dans le sud, j’ai commencé à écrire une nouvelle. Pour le concours Des nouvelles de GatineauUn petit cinq pages, mais rien d’autre.

Avant mon départ, j’avais envoyé un manuscrit à trois éditeurs. Pendant mon séjour, j’ai reçu un courriel de l’un d’eux. À la fin du courriel où il refusait de publier mon manuscrit dans l’état actuel, il me demandait si j’étais prête pour un «travail de refonte considérable». Le teint bronzé, les pieds nus, un petit vent chaud dans mes cheveux, bien sûr, j’étais prête à tout. Je me sentais forte et ragaillardie.

Mais voilà que jeudi prochain, je le rencontre, je relirai avec lui les commentaires et les suggestions des lecteurs du comité. Je n’appréhende pas la rencontre, mais je me sens moins forte devant ce travail colossal. J’aurais le goût de lui servir la phrase assassine de Simone de Beauvoir quand son éditeur lui a demandé de réécrire Les Mandarins. Elle a dit non et l’éditeur a publié tel quel. Je sais bien que je ne peux pas me permettre un tel non, mais pour l’instant, je suis dans le déni, c’est certain.

Ce n’est pas un roman parce qu’il n’y a pas d’intrigue : et alors, ce sera un récit ou pas, juste un texte de fiction. Pourquoi faut-il une intrigue? Et puis il y en a, mais elle est ténue.

C’est un texte linéaire : bien oui et après? Je ne suis pas Catherine Leroux pour écrire de courts paragraphes comme autant de pièces d’un casse-tête. Le personnage nait, vit et meurt. C’est si ennuyant que ça?

Je résiste parce que je vois pas comment changer ces deux réalités, l'ampleur de la tâche ne m'effraierait pas tant si mon cerveau savait comment remédier à ces deux questions. Du reste, j'en conviens : vocabulaire peu recherché, peu d’effets stylistiques… là, oui, je me sens capable d’amélioration, comme une élève qui passera du secondaire au cégep ou mieux, à l’université. À défaut du talent naturel et d’imagination fertile, le travail palliera-t-il cette difficulté?

Ah ! si jeudi peut arriver et passer, que je m’attaque à cette refonte. Sans rechigner à chaque ligne. Et finalement, avec succès.

dimanche 13 avril 2014

Au pays de la canne à sucre

Pour raconter un voyage, beaucoup de gens utilisent un blogue, c'est très bien, j'en lis beaucoup. Personnellement, pour les miens, je préfère un site. D'abord je peux le monter tranquillement, à mon retour, quand j'ai une connexion internet digne de ce nom. Puis, pour les consulter, plus facile d'utilisation. Quoique maintenant avec les nouvelles plateformes, il est possible de retrouver un voyage qui date d'un an ou même de dix ans. 
Toujours est-il que ça ne fait pas une semaine que je suis de retour, et j'ai réussi à 
-- visionner plus de 600 photos
-- en traiter près de 200 avec Lightroom ou Windows Live Gallery
-- les classer et les monter en diaporama grâce à Jalbum
-- relire mon carnet de bord pour ne pas dire n'importe quoi, identifier oiseaux et fleurs
-- écrire les légendes (de nombreuses fautes que je corrigerai cette semaine)
-- monter les pages dans Web Creator Pro 5
-- envoyer le tout chez Funio, via Filezilla
... et regarder encore le tout avec plaisir, puis avoir déjà hâte au prochain voyage ou séjour dans le sud.

Pour voir et lire, c'est par là>>>

Un avant-goût:






jeudi 10 avril 2014

Après la canne à sucre, la glace

La peau brunie, le cheveu déteint, des réserves de bonheur, assez pour oublier le soir sombre des élections, après deux mois au pays de la canne à sucre, je suis de retour… dans la glace. Quoiqu’aujourd’hui, à douze degrés, elle fond, tranquillement.

Plus de 500 photos à visionner et « post-traiter » avant de les publier sur mon site de voyages. Quoique cette fois-ci ce n’était pas vraiment un voyage, ce le sera de moins en moins d’ailleurs. Nous en sommes à rester sur place, à jouir du temps, rayonner autour. 

Ainsi, cette année, nous avons élu domicile à Clewiston, Floride, au pays de la canne à sucre. J’en reparlerai lors de la publication de mes photos.

Et puis j’ai beaucoup farnienté. Mon billet de mars Ne rien faire a été écrit sous la latitude 27.26oN. La photo qui accompagnait le billet datait du mois de décembre, juste pour mêler les cartes.

Activités de ces deux mois :
— (re)lu Le journal en pyjama de Laferrière, j’ai poursuivi la lecture de la vie de George Sand ai feuilleté quelques livres numériques;
—écrit la première version d’une nouvelle pour Nouvelles de Gatineau 4;
—roulé plus de 6,000 kilomètres en VR;
—pédalé un bon 300 kilomètres;
—baigné presque tous les jours;
—jasé avec plusieurs résidents du parc, on a déjà hâte d’en revoir plusieurs l’an prochain;
—écouté des chansons et de la musique sur une terrasse, une petite bière froide à la main;
—appris qu’un éditeur était intéressé à mon manuscrit (la sorte de suite des Têtes rousses), mais après refonte complète. On a discutera la semaine prochaine.

Tout est lavé, rangé, la correspondance à jour, l’auto sortie de la glace (grâce au CAA, le soleil à lui seul n’y parvenait pas), l'argent reçu (le Droit public entre autres) déposé et le réfrigérateur empli à nouveau. Quelques visites encore, Pâques à fêter, et je retrouverai sans doute un rythme plus adapté à une grande maison, un terrain dégelé et une vie de travailleur autonome. 

Le prochain voyage est déjà prévu, réservé, mais comme à mon habitude, je ne vous en parlerai qu’à mon retour !

(Photo: Palm royal avenue, à Clewiston, Floride)
Ajout: j'ai volontairement tu les 60 (et je dirais même et demi) jours de soleil sur 62 et les 27 degrés de moyenne, mais j'ai constaté que les Québécois et les Québécoises ont un talent très développé pour oublier d'une saison à l'autre, d'un gouvernement à un autre. Hooooonnnn, méchante!

samedi 8 mars 2014

Le jour où j'ai reçu un cahier bleu

(billet pour la page Facebook : Les descendants deFrançois Deguire dit Larose)

Comme il sied à un homme dans la soixantaine qui aime l’histoire, mon père s’est intéressé à son ancêtre, un soldat de Carignan, Jean Bricault dit Lamarche et à celui de son épouse, un soldat de Carignan aussi, François Deguire dit Larose. Ma quarantaine était alors encore bien loin et j’avais d’autres préoccupations que la généalogie, mais le respect filial me forçait à écouter les inlassables histoires au sujet de ces deux patronymes. Sans grande passion.
Jusqu’au jour où, en 2004, ma mère me remit un cahier bleu. Une sorte de livre imprimé et même illustré dans lequel ma grand-tante religieuse, Annie Deguire, a noté minutieusement des centaines de noms et de dates en plus d’écrire de longs textes sur ses grands-parents autant maternels que paternels.

Je l’ai pris des mains de ma mère vieillissante et, j’étais alors prête, j’ai plongé dans la généalogie familiale. Et je n’en suis jamais vraiment sortie.

Les recherches ont commencé, j’ai repris là où mon père avait laissé. Mon frère qui avait eu la patience d’entrer les centaines de noms et dates amassées au cours des années m’a généreusement offert sa base de données informaqtisée. Mon intérêt me mena bien au-delà de cette liste. De ma mère, Michelle Deguire, je sautai rapidement à sa grand-mère maternelle, une certaine Jenny Lynch, épouse de Philéas Deguire, de son vrai nom de baptême Margaret Jane. Il était écrit que ses parents, Bridget Bushell et Denis Lynch venaient d’Irlande. S’il ne fut pas difficile de trouver :

l’acte de mariage de Bridget et Denis, en 1855 à Montréal
les noms du frère et de la sœur de Bridget Bushell, leur mariage, leur descendance,
la vie de Jenny et de Philéas Deguire à Saint-Henri
la vie des parents de Philéas Deguire, à Saint-Laurent

  J’eus beau éplucher les listes des bateaux et les recensements, il fut beaucoup plus ardu et même impossible de trouver :
Sur quel bateau mes Irlandais étaient-ils arrivés?
En quelle année?
Avec qui? Ensemble? Avec leurs familles respectives?
Les parents, frères et sœurs de Denis Lynch

Ma grand-tante religieuse avait heureusement noté que l’une était originaire du comté de Roscommon et l’autre du comté de Leitrim. J’en conclus que c’était la grande famine (1846-1849) qui les avait contraints à choisir l’Amérique comme terre d’accueil. Je lus tout ce que je pouvais, en français, sur cette époque, la difficile traversée, le mildiou, le typhus, le passage obligé à Grosse-Île et l’arrivée pour les miens à Pointe-Saint-Charles.

Après un an de recherches sur de nombreux sites, des visites à la Société de généalogie de l’Outaouais, et des lectures instructives, faute d’obtenir toutes les informations, je décidai d’imaginer ce ma grand-tante Deguire n’avait pas écrit.

Ainsi est né le roman — publié en 2011, sept ans après que ma mère m’ait remis le cahier bleu —, Les têtes rousses.

mardi 4 mars 2014

Ne rien faire

Ne rien faire d’utile ou d’important.
Sans être en vacances ou plutôt l’être tout le temps. Il est de coutume d’appeler cela la retraite.
Juste guetter et, sil vient, écouter l’oiseau.
Juste lire un roman. Pas un essai où il faudrait réfléchir, juste un roman, une histoire, des émotions. Ressentir sans être en relation, sans conflit.
Juste aller nager ou pédaler ou faire de la raquette. Et parfois même pas.
Juste déguster un verre de vin.
Juste parler à une voisine. Ou se taire. Ne pas commencer de polémique, ne pas monter aux barricades.
Juste surveiller la prochaine vague ou le chien qui marche dans la rue.
Juste soupirer d’aise.
Juste regarder le ciel bleu ou la neige qui tombe en gros flocons ou la pluie qui tambourine. Et ne pas paniquer parce qu’on n’a pas à sortir.
Juste avoir l’esprit tranquille.
                Sans attente
                Sans inquiétudes
                Sans tension
                Sans appréhension
                Sans culpabilité
                Sans cœur brisé
Juste écrire un billet complètement inutile.

Ne vraiment rien faire? Je n'en suis pas capable. À moins d’être malade et attendre que le mieux revienne. Ce qui n'est pas le cas.
Était-ce permis chez vous de ne rien faire? Seulement le dimanche? Seulement en vacances?

(photo de l'auteure en train de rêvasser)

dimanche 23 février 2014

Verbes de février

Mes journées en ce mois si court et si long à la fois:

Oublier d'attendre les réponses pour le dernier manuscrit envoyé aux éditeurs. 

Écrire trois ou quatre pages où je présente un nouveau personnage : Johanne que les intimes pourront appeler Jo (prononcer [ʒo] et non [dʒo]. Elle excelle au handball. Je ne comprends pas encore pourquoi ce sport que je connais très peu et avec lequel je devrai me familiariser, mais Jo en a décidé ainsi.

Le reste de la journée, observer les mésanges et le pic qui ont hâte que l’hiver achève pour accueillir des petits copains. Admirer les photos d'oiseaux de Luc Parent en le suivant dans son voyage. L'admirer d'autant plus que je sais fort bien que même si je le suivais à la trace, mes photos ne seraient pas aussi belles. Apprendre à connaître ses limites et ne pas jouer au petit Québécois qui-est-capable-d'en-faire-autant!

Autant j’aime les Olympiques d’hiver qui me font apprécier… l’hiver, autant je suis bien heureuse de revenir à un horaire plus normal. Me reposer de ces cris de victoire, ces larmes de défaite, cette fierté d’être canadienne deux semaines aux quatre ans, ces tensions insoutenables.

Lire. J’ai terminé C’est le cœur qui meurt en dernier de Robert Lalonde que j’ai beaucoup aimé même si les dialogues étaient fort nombreux, mais toujours justifiés. Qui m’a fait réfléchir à ma propre relation avec ma mère. Qui m’a donné des idées pour enrichir les relations mère-fille dans mon prochain roman. 

Retourner à la vie de George Sand. En attendant un prochain roman québécois qui m’intéressera.
Essayer de recruter des Deguire et des Larose pour une rencontre en 2015. Être un peu déçue de ne pas trouver d’association des descendants de soldats de Carignan. Féliciter les femmes qui ont créé la Société des Filles du roi (site>>>), un groupe plus actif disons que celui-là>>>, un peu statique. Admettre que Marcel Fournier et André Delisle s'activent et comptent bien souligner ce 350e anniversaire >>>

Préparer le voyage Yukon-Alaska quoique ce n’est pas très difficile, à peu près un seul itinéraire : Whitehorse, Dawson City, Fairbanks, Parc Denali, Anchorage, Homer, Seward, Valdez, Skagway, Haines.

S’y voir déjà.
Et puis, le plus important, vivre, aimer.

samedi 1 février 2014

Le jour où…
j’ai appris l’histoire de Canard Blanc

À l’école, je n’étais pas très intéressée par l’histoire, je préférais le jeu des mathématiques et la dissection des grenouilles. Ce qui m’intéresse encore dans la vie, ce n’est pas de connaitre l’opinion politique de chacun ou les raisons de l’accident survenu la veille, je suis curieuse de la vie des gens : leurs choix, leurs amours, leurs voyages.

Sur les sentiers de leurs déplacements, la recherche de mes ancêtres et de ceux des personnes qui m’entourent m’a tout de même menée à la re-découverte de l’histoire. Ainsi par le soldat Henrich Faulstroh, j’ai ré-appris la révolution américaine. Par le soldat de Carignan Jean de Lalonde, j’ai revu le massacre de Lachine. Et en trouvant des traces de Deguire et de Larose dans ma Petite-Nation bien aimée, j’ai connu la vie de certains Algonquins.

Mes étés d’enfant et d’adolescente furent joyeux sur les rives du lac Simon. En canot, en chaloupe, j’ai sillonné la baie de l’Ours, le lac Barrière, le lac Simon, la rivière Petite-Nation. J’ai marché sur l’île du Canard-Blanc. Plus tard, j’ai conduit sur les routes de Chénéville, Duhamel, Ripon, Saint-André-Avellin, jusqu’à Montebello, Plaisance. Sans jamais me demander d’où venaient ces noms, sans jamais chercher à savoir qui avait parcouru ces sentiers avant moi. 

Et ma famille y fixa sa demeure en 1970. Mon père, féru d’histoire, intrigué par le manoir des Papineau et le château Montebello se mit à fouiller les archives. Il fit mieux connaître le temps des Algonquins, et le temps des Papineau. Ainsi j’ai appris que Canard Blanc, Simon étaient des chasseurs algonquins, des weskarinis. Certains s’établirent dans la Petite-Nation et se marièrent avec des blanches.

Quelle ne fut pas ma surprise quand, en 2004, je lus le nom de Olive Larose Deguire dans le très beau livre de Jean-Guy Paquin : Le pays de Canard Blanc. D’ailleurs ce même auteur publiera sous peu le livre Weskarinis que j’ai bien hâte de feuilleter. Elle a épousé Amable Simon, en 1865 à Saint-André-Avellin, et le couple s'établit dans la baie Saint-Laurent, au lac Simon (le point A sur la carte).

Encore aujourd’hui, j’ai bien du mal à me retrouver dans les noms algonquins, mais j’ai retenu qu’une Deguire dit Larose était intimement liée avec les Simon, Canard-Blanc qui, jusqu’alors étaient pour moi des noms de lac et d’île.

Des lieux de mon enfance. Des lieux que j’ai aimés au point de m’y établir. Je ne pensais pas alors trouver que d’autres avant moi, descendants du même François Guire, y avaient vécu.

D'autres informations sur Canard Blanc>>>

mercredi 29 janvier 2014

Le jour où...
je suis arrivée dans la Petite-Nation

La Petite-Nation? Où est-ce? En Outaouais. Ni région administrative, ni région touristique officielle, ni MRC (même si c’était le premier nom qui ne fut pas retenu pour la MRC Papineau), une région du cœur. Son nom prend naissance dans la seigneurie de la Petite-Nation.

Cliquez sur l'illustration pour l'agrandir
Vous voyez le numéro 181 sur la carte, complètement à gauche? La seigneurie isolée, la plus à l’ouest de la province? C’était la seigneurie de la Petite-Nation. Celle de notre ancêtre, François Deguire dit Larose venait de celle de Saint-Ours (numéro 80). La Petite-Nation était alors limitée aux paroisses de Plaisance, Papineauville et Montebello. Après l’abolition des tenures en 1854, d’autres municipalités sont fondées. Le nom de la Petite-Nation est resté.

Voilà pour la situation géographique. Les Deguire maintenant puisque le sujet de cette série de billets porte sur les descendants de François Deguire dit Larose.
Le jour où j'ai choisi de m'installer dans la Petite-Nation, en 1970, après l'avoir connue en tant que touriste estival depuis 1956, j'ai entendu le patronyme Lamarche ici et là, sans plus. Au moins un Bricault, le coloré curé que nous connaissions bien depuis 1956, au temps où nous allions encore à la messe du dimanche, l’été, à Montpellier. Il fut transféré à Notre-Dame-de-la-Paix par la suite. Mais de Deguire, point. Je croyais naïvement ma mère toute seule à être Deguire dans cette région outaouaise.

L’enseignement nous permet de rencontrer rapidement de nombreuses familles. Alors des Larose, oui, j’en ai connu plusieurs. Dont le très dynamique chauffeur d’autobus, Zéphirien Larose. Je n’étais pas certaine qu’ils fussent tous des descendants de François Deguire dit Larose, mais quand j’ai commencé à m’intéresser à la généalogie, à poser des questions, à avoir accès aux dictionnaires et aux registres, je fus surprise de trouver autant de personnes issues du même ancêtre que ma mère. Dans les registres paroissiaux, tous Larose ou Deguire confondus, c’est à Ripon que j’en ai dénombré près d’une centaine. 

Mes deux questions : 
Quand ont-ils délaissé le Deguire pour le Larose? Après 1900 on dirait bien. Dans les registres, pendant longtemps les deux noms, alors que même mon arrière-grand-père, à Saint-Laurent, n’a jamais employé le patronyme Larose. Quant à savoir pourquoi, j’ai eu vent que c’était souvent une simple chicane de famille, mais tous? Quand on se chicane, certains sont d’un côté et les autres d’un autre, tandis que là…. que des Larose. Les rares Deguire sont plutôt plus à l'ouest du côté de Gatineau, Masson, Ange-Gardien, Lochaber. 

Ensuite: comment sont-ils arrivés dans la Petite-Nation. J’ai répondu en partie à cette seconde question en regardant le lieu des mariages : départ de Saint-Ours en 1700, puis Boucherville, quelques générations à Saint-Laurent entre 1750 et 1800, de terre en terre, de paroisse en paroisse vers Saint-Benoît ou Saint-Hermas ou Saint-Scholastique et arrivée à Saint-André-Avellin ou Chénéville un peu avant 1870. Il me reste à savoir quelles familles se sont dirigées vers la Petite-Nation, seulement celle de Jean-Baptiste Deguire et Appoline Cyr? Au moins une autre famille, celle du fils de Pierre Deguire et de Marie-Joseph-Françoise Groux et j'en parlerai dans un prochain billet : Le jour où… j’ai appris l’histoire de Canard-Blanc.

La nouvelle page Facebook s'enrichit chaque jour >>>

(Illustration empruntée au site Mémoire du Québec >>>)

lundi 27 janvier 2014

Le jour où...
je suis arrivée sur la rue Deguire

Je ne suis pas historienne, mais plutôt observatrice et fouineuse. Née Lamarche, j’ai beaucoup plus entendu parler de Bricault dit Lamarche, plus fréquenté ma famille paternelle, mais un jour de 1963, ma famille a déménagé au 1455, rue Deguire. C’était le patronyme de ma mère.

Combien de chances qu’une Deguire demeure sur la rue Deguire? 

Et sur les quinze maisons que j’ai connues en vingt ans, pourquoi au moins quatre à ville Saint-Laurent? Tant de liens avec cette municipalité. Et ce, plus de cinq générations après que Pierre Deguire se soit installé sur une grande terre, au nord de la côte des Vertus, après que son fils François Deguire y ait été maire. Un maire que mon arrière grand-père, né à Saint-Laurent, a sûrement connu, même s’il n’était qu’un lointain cousin.

Depuis bientôt dix ans, je m’intéresse plus au patronyme des Deguire qu’à celui des Lamarche. Tout simplement parce que plus d’informations, plus de ressources. En retournant dans le passé, en découvrant ma lignée Deguire, je ne suis pas loin de penser que la psychogénéalogie n’est pas si bizarre que ça. C’est peut-être moi qui fais tous les liens, j’en fais même la base de mes romans, mais si le fait d’être née d’une mère Deguire me permet de faire ce que j’aime : écrire, tant mieux pour moi. En tout cas, ça expliquerait quelques coïncidences. Peut-être parce que je suis plus attentive aux «hasards» de la vie.

Je ne retiens que deux « coïncidences » qui me relient à Saint-Laurent. Pour l’instant.
Il y a le fait d'avoir habité sur la rue Deguire, nom de rue qui vient de François Deguire, maire de 1893 à 1902. Et le fait que Benjamin Deguire, mon arrière-grand-père ait épousé Sophie-Victoria Leduc, née à ville Saint-Laurent également (il y a aussi une rue Leduc à Saint-Laurent). Sa tante, Esther Leduc a été une des trois premières jeunes filles à entrer au couvent Basile-Moreau lors de sa création, en 1847.

L’ont rejointe quelques années plus tard les deux sœurs de mon grand-père, Annie et Évelyne Deguire. Et croyez-le ou non, j’ai fermé ce même Basile-Moreau, en 1969. Fermé au sens où, l’année suivant mon passage, le collège perdait son nom et devenait le cégep Vanier. Donc une arrière-grand-tante y entre dès sa fondation et moi j'en sors à sa fermeture. Quand même!

Plutôt que d’en chercher le pourquoi du comment, le propre de la psychogénéalogie, plutôt que d’en faire un article dans une revue d’histoire , j’ai préféré en tirer des romans. 
Les têtes rousses racontent l’arrivée des parents irlandais de Jenny Lynch qui épousera Philéas Deguire, la suite est écrite, publiée prochainement, je l’espère.

Ce billet est le premier d'une série qui s'intitule "Le jour où...", publié également sur la toute nouvelle page Facebook: Descendants de François Deguire dit Larose que je vous invite à "aimer" et consulter >>>

(Illustration empruntée au site de Gilles Deguire, celui qui m'a permis de tant découvrir sur tout ce qui entoure le patronyme Deguire)

mercredi 22 janvier 2014

Comment dire...

Ce n’est pas la menace du cancer du poumon qui m’a fait arrêter de fumer dans la trentaine. À 30 ans on se croit invincible. 

Adolescente, je ne voulais pas gaspiller mon argent pour des cigarettes. Mes parents fumaient, m’en offraient de temps à autre, je n’avais pas besoin de résister, ça ne me disait rien. Ça tombait bien, mes amies ne fumaient pas non plus. Ne me demandez pas pourquoi, je ne saisis pas encore la logique, mais en voyage, nous étions cinq jeunes de vingt ans, on pédalait dans les vertes montagnes de l’Irlande et on a commencé à acheter des Turret. Au retour, j’ai continué à fumer… des Craven-A.

Jusqu’à 26 ans, quand j’ai pris deux ans de congé sans solde. Pour économiser d’abord, mais je me suis aperçue que, tranquille à la maison, je ne sentais pas le besoin d’en griller une aux heures. Mais dès que le téléphone sonnait ou qu’on frappait à la porte, avant même de répondre, j’en allumais une. Dès que je suis retournée enseigner, le matin même, j’achetais une cartouche.

Je ne me rappelle plus très bien en quelle année j’ai arrêté de nouveau, mais c’était autour de 1981 je dirais. J’ai joué à la ringuette, tout le monde prétendait que j’aurais bien meilleur souffle si j’arrêtais de fumer et si je perdais un peu de poids. J’ai donc cessé de fumer, mais j’ai pris quinze livres, malgré le sport.

Ça commençait à coûter cher, j’avais quitté l’enseignement, je n’avais plus le même salaire, je roulais mes cigarettes, c’était long et ennuyeux et pas aussi bon. Je montais un journal sur des tables inclinées. Les cafés et les cendres que j’ai échappés sur les journaux, je ne vous dis pas ! Et je ne fumais toujours pas à la maison, seulement en « société ». Des ami-e-s essayaient l’acupuncture, la gomme et tout ce qui s’offrait à nous. Certains en parlaient, d’autres se taisaient, d’autres fumaient en cachette croyant qu’on ne les voyait pas. 

J’ai eu l’idée d’essayer d’arrêter, tout en continuant à mettre de l’argent réservé à cet effet dans une petite boîte. L’argent fut donc ma motivation. J’ai réussi. Je n’ai jamais recommencé. Ou peut-être une fois, juste pour m’étouffer et détester le goût. Je ne me souviens plus ce que j’ai fait de l’argent économisé.

Pas de loi pour fumer à l’extérieur des bureaux à ce moment-là, donc au moins deux autres personnes fumaient dans le bureau où je travaillais. Ça m’a pris cinq ans avant de sentir l’odeur de la fumée, j’ai acheté un purificateur d’air et le soir en arrivant à la maison, il m’arrivait souvent d’accrocher mes vêtements à l’extérieur pour les aérer. Mais j’ai toujours respecté les fumeurs sachant combien il est difficile d’arrêter. Par contre, je fus bien contente quand les fumeurs ont commencé à aller à l’extérieur. 

Ce vendredi 24 janvier s’ouvrira un centre de services de la Société canadienne du cancer à Saint-André-Avellin. Je serai présente, en tant que survivante, pour témoigner de l’aide que cet organisme peut apporter aux personnes atteintes d’un cancer. Personnellement, c’est grâce à elle que j’ai obtenu une prothèse capillaire. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est concret. Ce n’est pas la première chose à laquelle on pense quand on pense au cancer, mais quand ça vous arrive, ce n’est pas évident, pour une femme surtout, de se voir du jour au lendemain le crâne nu. L’orgueil en prend un coup. 

Déjà qu’il faut aller à Gatineau, à une bonne heure de route, pour les traitements, alors avoir des services près de chez nous, c’est bien. Pouvoir en parler, échanger, si on en sent le besoin.

(photo au temps où je portais ma prothèse capillaire, j'ai beaucoup moins de cheveux depuis!)

dimanche 19 janvier 2014

La très soutenable légèreté de l'être

D’abord rêver aux soldats de Carignan, et, au réveil, me souvenir à peine d'avoir entendu le nom. Me demander si je n’écrirais pas un petit billet sur ce qui se trame ces jours-ci, à ce propos. 

Déjeuner en lisant des blogues de caravaniers qui gèlent à ce Jekyll Island que j’aime tant, mais dont j’envie la balade à vélo au bord de la mer; je poursuis avec d’autres en Arizona qui photographient des oiseaux et des cactus saguaro et me parlent des kokopelli qui m’ont séduit quand j’y étais. Nostalgie, petite envie.

Me promener ensuite sur Facebook dans les divers groupes que je suis et qui ont rapport soit avec les auteurs, soit les voyages, soit la généalogie. Je n’en sors pas ! Pourquoi lire sur d’autres sujets puisque ce sont mes passions?

Le temps de terminer mon café, lire tout de même quelques pages du roman de Catherine Leroux, Le mur mitoyen, me perdre encore une fois dans ces trois longues nouvelles, plus une petite que l’auteure a choisi de faire chevaucher pour une meilleure structure narrative sans doute. M’y accrocher rapidement, bien aimer finalement.

Après la vaisselle (quand même, me prouver que je ne suis pas qu’une intellectuelle qui néglige le domestique), revenir à ces courriels échangés depuis deux semaines au sujet des Deguire, le patronyme de ma mère. Nous sommes trois ou quatre descendants qui voudraient souligner le 350e anniversaire de l’arrivée des soldats de Carignan. J’ai la chance d’en avoir deux comme ancêtres directs : Jean Bricault dit Lamarche et François Deguire dit Larose. De plus celui-ci a épousé une fille du roi, Marie Rose Collin. 
Il en fut déjà question sur ce blogue (ce billet >>>)
Et là, d’une fouille à une autre, je me retrouve sur le site des Fêtes de la Nouvelle-France
En 2013, ces fêtes ont souligné l’arrivée des Filles du roi et si en 2015, elles commémoraient l’arrivée des soldats de Carignan? Et si notre petit groupe de Deguire y allait? Et si je me déguisais en Marie-Rose Collin ou même en François Deguire? Pourquoi pas ! Fait longtemps que j’ai le goût de participer à ces fêtes, dans le Vieux-Québec. Penser à en parler aux autres.

Jeter ensuite un coup d’œil à la fenêtre, sentir mon cœur conquis par la petite neige fine, décider d’aller en raquette (l’intellectuelle et la domestique pensent aussi à mon corps qui a besoin d’un peu d’exercice). Y être si bien dans cette douce neige qui tombe en gros flocons que je ne pense plus à être ailleurs, dans le sud ou à vélo. Il n’y a plus de Deguire, ni de lecture, ni d’ailleurs, ni de plus tard, rien que le simple plaisir de mettre un pied devant l’autre dans le silence ouaté de la forêt qui goûte la liberté.

Heureuse que mon cerveau m’y ait amenée dans cette légèreté de l’être, très soutenable et très souhaitable.

site des Fêtes de la Nouvelle-France>>>
site assez complet sur les Deguire>>>

Note: avez-vous remarqué, ai (encore) un peu changé entête et arrière-fond du blogue?

mardi 14 janvier 2014

Après que les arbres auront pleuré,
le ciel sourira

Pourtant je sais comment ça fonctionne, mais je me fais prendre chaque fois. Ça commence par un problème. Un problème, évidemment, que je n’ai pas le goût d’avoir, sinon, ça ne serait pas un problème. Un problème pour lequel il faut tout arrêter, cesser de faire ce qu’on était en train de faire et freiner notre élan. 

Ensuite, on prend son courage, on s’y attaque, on y fait face, on gueule un peu, le ton monte en même temps que l’adrénaline. Pour le régler, il faut du temps, de la patience. On s’y attaque, on sent qu’on va en venir à bout. On fait attention de ne pas se faire mal, de ne pas attraper de rhume. On mange à peine, on dort mal, on se lève la nuit, on surveille, on écoute. 

Le lendemain, dans la grisaille du temps, malgré les chemins glacés, on continue, on sort chercher ce qu’il faut, on communique avec des gens expérimentés, on demande des conseils, on se remet à la tâche. On fait ce qu’on peut, ce qu’on est capable de faire avec nos forces physiques et nos petits talents. 

Quand enfin le problème est réglé, temporairement, il reste à espérer que le printemps ne tarde pas trop pour y trouver une solution permanente, on pense qu’on va tout simplement continuer là où nous étions avant le problème. 

Mais non, c’est le blocage. C’est le fond du baril. Toutes nos forces physiques et encore plus les morales nous ont quittés. C’est la confusion, on ne sait plus où on était rendu et même si on trouve, l’élan n’y est plus. Tout ce qui était beau devient banal. Tout ce qu’on réussit à commencer est à refaire ou est de travers. Rien ne nous réussit. 

Il faut seulement se reposer. Attendre. Quand nos pieds sentiront le fond du baril, nous pourrons pousser et remonter. Lentement ou rapidement, c’est selon la gravité du problème réglé, je suppose. Il faut aussi en parler, l’écrire pour passer à l’autre étape, celle de l’oubli et de la remontée. 

Après que les arbres auront pleuré, le ciel sourira. Une fois encore.

(photos de l'auteure)

dimanche 5 janvier 2014

En marche vers un long chemin étroit

Janvier 2014. Après les fêtes, ça devrait raisonner recommencement, nouveau départ. Il neige doucement. J’hésite entre la raquette, la lecture et l’écriture. Les trois me tentent, mais pour des raisons différentes. Me suis réveillée et levée avec la ferme intention de trouver l’ordre des événements pour mon prochain roman. À me voir tourner en rond, je vois bien que je n’en suis qu’à la gestation, à la prise de notes. Je tâtonne comme quand on avance à petits pas dans un chemin inconnu ou tout noir et qu’on veut quand même prendre son temps pour être bien préparée à la longue marche qui nous attend.

Pas besoin de m’égarer en vaines recherches pour ce « tome 3 », seuls mes souvenirs suffisent puisque l’histoire se passe à mon époque, mais quand même bien des questions. 

J’ai relevé les chapitres déjà écrits lors d’une première version. Je pars avec un bagage de 90 pages que je juge utilisables, mais que je dois réorganiser. Toujours cette sempiternelle hésitation : comment bien passer d’une génération à l’autre sans qu’il y ait coupure entre les personnages : se détacher de l’un pour s’attacher à l’autre?

Et que se passe-t-il ensuite? Quelles intrigues, quelles scènes puis-je inventer pour régler les conflits, faire avancer le récit? Je sais le début, la fin, mais entre les deux. À cinq et même dix pages par chapitre, il me manque une autre bonne dizaine de scènes.

Dire qu’il y a des écrivains qui ont le souffle long, un James Michener, un Ken Follet avec leurs mille pages et plus près de nous, un Michel David, une Suzanne Aubry avec leurs quatre ou six tomes. Comme dans les conversations, je vais à l’essentiel, je ne vise que l’émotion, j’oublie les détails. Le physique entre autres.

« J’ai parlé de ma figure, afin de n’avoir plus du tout à en parler […] je me suis conformé à l’usage qui est de faire la description extérieure du personnage […] afin de me débarrasser complètement de cette puérilité. » C’est ce que pensait George Sand dont je lis actuellement l'autobiographie (Histoire de ma vie, George Sand) et souvent, je ne suis pas loin de penser la même chose, autant pour le portrait physique que pour les descriptions de paysages, de lieu, de la maison. Qui les lit? Qui les retient? À moins que ça ne serve le récit, que ça soit important pour comprendre le personnage, pour cerner les rêves du personnage. Le moins long possible, quelques mots. 

Finalement, je pense que je vais lire, en attendant que la neige ait fini de tomber que je la ramasse. Question de laisser les personnages se chamailler, discuter entre eux et, en allant à leur rencontre dans ce chemin étroit de la création, je les écouterai quand ils se seront mis d’accord ou qu’ils ne parleront pas tous en même temps.

J'aimerais être du genre Katherine Pancol: tenir un décompte des pages écrites, belle poussée sur le crayon. Mais voilà, ce n'est pas moi. N'empêche que ce serait un beau défi. Qu'est-ce qui me ferait bien avancer, donc? Et vous, quel est le petit truc qui vous fait avancer sur ce chemin solitaire de la création?

vendredi 27 décembre 2013

Chronologie d’un roman annoncé

Un matin de frimas comme un autre, quelques jours après Noël, où aucune obligation n’est prévue, où la météo clémente permet congé de pelletage et promesse de promenade en raquettes, l’auteure en attente de rien se promène sur Facebook et lit : «Bon... c'est le grand jour. J'ouvre Word et je me lance dans roman no 3» d’une romancière dont vous suivez avec bonheur les messages d’autant que son premier roman est sorti en même temps que le vôtre, sauf qu’elle, elle en lancera un autre en janvier 2014 tandis que votre manuscrit est à peine à ses premières corrections chez votre meilleure amie. Vous vous dites : « Est-ce que je me lance moi aussi dans le tome 3? Même si le tome 2 n’est pas encore publié? »

Dans la matinée, vous envoyez un petit mot à cette amie, comme ça, sans arrière-pensée, juré-craché, juste pour un petit bonjour. Elle répond qu’elle a terminé la lecture de votre manuscrit, il lui reste quelques notes à rédiger. Elle ajoute qu’elle aime et ceci et cela et vous parle justement de la fin ouverte et vous demande donc s’il y aura suite. Euh ! C’est que la suite, c’est rendu à votre génération, à votre époque, et donc des personnages qui s’inspireront sans doute de gens vivants. Aghhh ! petite panique. 

Pendant ce temps, une autre amie, artiste peintre et grande créatrice de paysages, termine la lecture de Yukonnaise de Mylène Gilbert-Dumas. À votre suggestion d’ailleurs. Elle a beaucoup aimé, elle s’est identifiée au personnage. Elle qui aime tellement le bois, la nature, aurait voulu être un homme, un bûcheron, un planteur d’arbres vous lance comme chaque fois qu’elle vous parle du dernier livre lu : «j’ai une idée de roman !»

Comme il est l’heure de chausser les raquettes, vous l’invitez à vous suivre et développer son idée. D’un mot à l’autre, d’une suggestion à l’autre, vos voix montent, vos yeux s’illuminent, sa loquacité vous démusèle la cervelle, vous l’avertissez que tout ce qu’elle dit sera retenu contre elle. 

Après une heure dans les bois où elle a pris quelques photos qui lui inspireront la lumière de son prochain tableau, vous, de votre côté, vous avez non seulement l’idée, le fil conducteur, mais aussi le titre et le prénom et surnom du personnage principal.

C’est la joie.

Au retour, alors que le soleil se couche, un fichier Excel est ouvert pour la chronologie des événements et les traits physiques de vos personnages. Un cahier, à peine utilisé, est retrouvé, votre stylo numérique rechargé. Vous êtes prête. 2014 n’a qu’à bien se tenir : le tome 2 sera publié et le tome 3 écrit. C’est dit !

(photo de l'auteure, un jour d'hiver, fin décembre 2013)

Marcher en forêt sans trop de balises

J’ai souvent lu que l’auteur doit faire confiance à l’intelligence du lecteur.

Dans les blogues ou articles de journaux où il est question de La marche en forêt de Catherine Leroux, tout le monde a changé les difficultés à se retrouver dans les noms par des qualités de structure, une originalité, une étape obligée qui renforcent la beauté de l’œuvre. Peut-être parce que j’ai la version numérique et que l’arbre généalogique du début est complètement illisible donc je ne pouvais guère m’y référer, même imprimé, j'ai donc trébuché souvent sur les racines avant de poursuivre cette longue marche.

Je suis une lectrice moyenne, et normalement patiente surtout quand le texte m’intéresse, il m’arrive souvent de lâcher en cours de route, mais là… j’ai ramé. Fort, contre un vent d’exaspération. Mes neurones s'entrecroisaient à chaque changement de personnage et encore, quand l'auteure les nommait. Moi qui me targue d’avoir un bon sens de l’orientation, j’étais perdue dans cette forêt sans balises. À relire ce qu’on a dit de ce premier roman, de ce qui s’est déjà écrit sur le deuxième que j’attends, j’ai ordonné à mon cerveau de persister. Je lui ai ordonné par la même occasion de ne pas comparer avec la ligne chronologique que j’ai adoptée — paresseusement? — pour le manuscrit dont je viens à peine de terminer l’écriture. Ne pas non plus penser à mes déjà vieilles Têtes rousses qu’un éditeur m’avait recommandé de couper parce qu’il y avait trop de noms, j'aurais tant aimé qu'il me conseille plutôt une autre structure. Ce n’est pas tant la «critique» qui m’a fait insister, mais le récit lui-même, le ton, le style, l’histoire me disaient de continuer. J’ai donc sorti papier et crayon et j’ai écrit les noms des personnages indiqués dans l’arbre généalogique de la page 4, comme on fait l'effort de chercher dans le dictionnaire les mots dont on ignore la signification... essentielle à la compréhension du roman.

Et puis, sur ma liseuse, est arrivé Ristigouche, réservé quelques semaines plus tôt. Un court, très court, roman d’Éric Plamondon. Trop curieuse, j’ai voulu au moins voir. J’étais faite comme on dit. Trente et une pages en numérique, ça se lit le temps de le dire. D’autant que j’étais justement à Ristigouche pas plus tard que l’été dernier. J'ai passé deux heures au lieu historique de la bataille où la Nouvelle-France aurait pu devenir Nouvelle-Angleterre si le nom n’était pas déjà pris. Enfin, je pense, pas le goût de vérifier. Pour dire qu’on a perdu. Pour dire que l’auteur a décidé de planter son décor au fin fond de cette baie des Chaleurs, quand elle n’est plus baie, mais début de rivière. 

Je n’ai pu m’empêcher de remarquer que c’était un peu construit comme le livre que j’avais mis de côté: La marche en forêt. Par petites touches, lui aussi. Passant de la bataille de 1760 à la mort de sa mère, à sa pêche au poisson. Changement de temps et de personnages. Sauf qu’on s’y retrouve dans son récit et ce n’est pas parce qu’il est plus court, c’est probablement parce qu’il n’y a que deux personnages : sa mère, lui et le troisième serait la bataille, si on veut. Donc un Il et un Elle. 

Un petit roman — ou une longue nouvelle— qui m’a redonné confiance en ma faculté de comprendre un récit rédigé autrement que dans une forme classique et donc chronologique. Je suis ipso facto retournée à Catherine Leroux et cette fois, feuille en main (qui hélas ne se glisse pas entre les pages du roman numérique !), j’ai vraiment apprécié ma lecture. J’ai hâte de lire son prochain : Le mur mitoyen.

mercredi 18 décembre 2013

Tout simplement la vie


Dans une semaine Noël
Dans deux, le jour de l’An
L’an dernier aussi
L’an prochain, encore, j’espère

Quoi de neuf depuis l’an dernier? Une création artistique? Une réalisation remarquable? Un nouveau-né dans la famille? Un être cher disparu? Temps de réjouissance ou de tristesse ou les deux? 

Tant de temps et si peu à la fois. Du chaud et du froid, du soleil et de la pluie, des tempêtes et des accalmies, des rires et des larmes, des maux et du bien-être, des amours et des déceptions, du bruit de foule et du silence de nature. La vie. 

Pour les fêtes qui viennent, je vous souhaite donc cette vie à la mesure de vos attentes.

(photo en face de chez moi)